Pour entamer l'année 2025 en douceur, rien de tel qu'une bonne balade. Sans difficulté particulière, juste pour le plaisir de faire de belles découvertes. Voici quatre propositions pour s'émerveiller, du sud au nord de l'Alsace.
Se remettre en mouvement après les agapes de fin d'année est l'un des meilleurs moyens de se faire plaisir. À condition de ne rien forcer. Et surtout, de choisir un lieu de promenade original, loin des sentiers battus.
Et rien de plus facile, car l'Alsace offre d'innombrables sites qui sortent de l'ordinaire. Et qui ne demandent pas de gros efforts pour y accéder.
Nous vous proposons ici quatre idées de sorties, du Sundgau jusqu'à la frontière lorraine. Pour tutoyer des rochers de calcaire ou de grès, découvrir des grottes, prendre un peu de hauteur. Et simplement réapprendre à ouvrir notre regard sur les merveilles qui nous entourent.
Côtoyer des nains près de Ferrette
Dans le Sundgau, la commune de Ferrette, surmontée par une superbe ruine de château dont le descendant du dernier seigneur n'est autre qu'Albert de Monaco, mérite largement le détour. Mais à quelques centaines de mètres de là, il est un site encore plus intrigant et magique : la gorge et la grotte des Nains. Une porte d'entrée vers le monde du merveilleux.
Depuis le parking de la Communauté de communes à Ferrette (3a route de Lucelle), il faut compter une demi-heure de marche. Sinon, du parking de la Keucht, plus confidentiel, situé en forêt, une petite vingtaine de minutes suffit.
Près de l'arrivée, un agréable sentier forestier débouche sur la "Erdwibalaschlucht" (gorge des petites femmes de la terre), encore nommée "Wolfsgrùab" (fosse des loups). Une magnifique surprise. C'est un étroit défilé qui serpente entre des rochers calcaires d'une bonne vingtaine de mètres de haut. Une impressionnante gorge karstique, longtemps façonnée par un cours d'eau aujourd'hui disparu.
À l'entrée de ce mini-canyon, sur la gauche, apparaît soudain une fente dans la paroi. Pour passer par cette ouverture, un adulte doit presque se plier en deux. Dans le petit espace juste derrière, quelques nains de jardin se pressent sur une minuscule table de pierre, rappel de l'identité des véritables habitants du lieu.
En effet, il se raconte que dans les temps anciens, les deux boyaux dissimulés à l'arrière servaient de domicile aux "Erdwibala" (petites femmes de la terre) et aux "Erdmanala" (petits hommes de la terre). Très proche des humains, ce petit peuple leur prêtait main-forte pour leurs tâches quotidiennes et les travaux des champs.
Mais un jour, des jeunes filles trop curieuses, intriguées par les longues robes des nains qui cachaient leurs pieds, ont saupoudré une couche de sable (d'autres versions parlent de cendre) à l'entrée de la grotte. En y découvrant des empreintes de pattes palmées, elles ont ri si fort que les nains, profondément attristés, se sont définitivement retirés loin du monde des hommes.
Effectivement, jusqu'à aujourd'hui, nul promeneur n'a jamais prétendu avoir eu la chance d'apercevoir à nouveau une pointe de bonnet d'Erdwibala ou d'Erdmanala. Mais tous les espoirs restent permis.
Cette courte promenade d'environ une heure aller-retour peut être rallongée en montant sur le belvédère de la Heideflüh, à 640 mètres d'altitude, qui offre un superbe panorama sur le château de Ferrette, et selon la météo, sur les Vosges et la Forêt-Noire. Depuis un second belvédère, qui surplombe la gorge, la vue sur la vallée de l'Ill et le village de Bouxwiller est tout aussi magnifique.
Et une boucle un peu plus longue, environ 6 km au total et 150 mètres de dénivelé, permet d'inclure la visite du château de Ferrette.
Découvrir le "mont chauve" de Heiligenstein
Heiligenstein, au pied du mont Sainte-Odile (Bas-Rhin), est la patrie du Klevener, un vin blanc AOC particulièrement aromatique. Mais ce village du Pays de Barr est également le point de départ de superbes balades, avec une grande variété de paysages et de points de vue.
Ici, les sentiers sont nombreux et bien indiqués, et il est possible de choisir diverses boucles de longueurs variées. L'un des parkings, à côté du terrain de sport de Heiligenstein, offre d'emblée une vue imprenable sur la plaine d'Alsace. Il permet, si la météo est clémente, d'apercevoir la cathédrale de Strasbourg.
De là, un petit sentier pénètre rapidement dans une belle forêt de feuillus, dotée de plusieurs chênes et hêtres centenaires. Il se poursuit à travers le vignoble puis longe des prés et des vergers. Selon la température extérieure, il est possible d'apercevoir le troupeau de vaches de la race de Guernesey, à la robe pie et aux fines cornes incurvées, de la ferme bio de Truttenhausen.
À ce niveau, on peut même emprunter un tronçon du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, car il y avait non loin un prieuré, détruit à la guerre des paysans, qui servait de lieu d'étape.
Le chemin entre à nouveau dans la forêt, et grimpe jusqu'au sommet de la colline, le "Moenkalb". Un toponyme bizarre, qui pourrait être un composé de "Moench" ("moine", peut-être en référence à l'ancien prieuré de Truttenhausen) et "Kalb" ("veau").
Mais certains historiens y voient plutôt un dérivé du latin "Mons kalbus" ("mont chauve"). En effet, il se pourrait que cette colline n'était longtemps recouverte que de prés. Et que la forêt de châtaigniers et de pins douglas qui la coiffe aujourd'hui n'ait été plantée qu'au 19e siècle.
À la sortie du sous-bois, une vaste prairie descend en pente douce jusqu'à l'auberge du même nom. Et la vue sur le massif vosgien, en face, est tout simplement magnifique.
Pour les plus courageux, une bonne demi-heure de marche supplémentaire permet d'atteindre la ruine du château du Landsberg, entretenue par un groupe de passionnés. Pour les autres, cinq minutes de marche en forêt conduisent jusqu'à un beau kiosque en bois, qui permet de s'asseoir autour d'une table et de casser la croûte, bien à l'abri.
Comparer les deux Windstein
Amateurs d'architecture médiévale, cette balade est pour vous. Les deux ruines de châteaux de la petite commune de Windstein, 167 habitants, sont situées à 800 mètres l'une de l'autre. Mais constituent à elles deux un condensé de l'évolution de la construction castrale entre le 12e et le 14e siècle.
Chaque château a sa manière bien à lui de séduire le visiteur. L'un, mystérieux, ne se dévoile que peu à peu, comme un calendrier de l'Avent dont il faut ouvrir les fenêtres une à une. L'autre, altier, se laisse admirer dès le premier regard.
Le Vieux Windstein surplombe directement le village. Après avoir laissé la voiture au parking, il faut gravir les derniers 200 mètres de route à pied, avant de l'atteindre. Pour constater qu'à première vue, il n'en reste pas grand-chose, sauf deux gros rochers et quelques pierres. Mais cet aspect est trompeur.
Car ce château se mérite. Ici, pas d'entrée majestueuse, ni de portique. Pour véritablement y accéder, il faut repérer des échelons directement taillés dans le rocher, et ne pas hésiter à les gravir. Puis il suffit de libérer son âme d'aventurier, et de partir en exploration. En ne négligeant aucun recoin.
Le Vieux Windstein est de construction semi-troglodyte. Ses constructeurs ont utilisé les anfractuosités naturelles du rocher pour les transformer en pièces à vivre. En les agrandissant, si besoin, et en les complétant par du bâti.
Ainsi, ici, rien de symétrique, ni de prévisible. On avance de salle en salle et de surprise en surprise. On passe par des ouvertures directement taillées dans le roc. On descend dans des fosses, on remonte par d'autres escaliers, on contourne d'antiques pans de murs. Et on s'émerveille devant la vue époustouflante offerte depuis d'étroits promontoires. Tout en faisant bien attention, car souvent, il n'y a aucune barrière !
Dix minutes de marche suffisent pour atteindre le Nouveau Windstein. Ce château remonte à la première moitié du 14e siècle, avec des ajouts ultérieurs, et aurait été habité jusqu'au 17e siècle. Dès l'entrée, il affiche sa prestance en présentant sa barbacane, percée de fenêtres de tir.
Puis le visiteur pénètre dans le superbe logis, aux murs ornés de cheminées et percés de fenêtres à coussièges, ces banquettes de pierre sur lesquelles il peut très bien imaginer les châtelaines assises en train de broder.
Et depuis une dizaine d'années, grâce au travail d'une association de veilleurs, la partie supérieure du château est à nouveau accessible. De larges escaliers de métal permettent d'y monter pour admirer la vue sur la vallée du Jaegerthal, berceau de l'entreprise De Dietrich.
S'imaginer dans l'Ouest américain
Amateurs de grands espaces et de voyages lointains, cette promenade est pour vous. C'est le tour du "Colorado alsacien", parfois aussi appelé "Colorado lorrain"… Même si, pour être honnête, l'un comme l'autre nom est un tantinet usurpé. Car en réalité, l'"Altschlossfelsen" (rocher du vieux château), se trouve en Allemagne, quoique tout près de la frontière lorraine.
Un tout petit dépaysement, donc, mais qui donne l'impression d'en vivre un immense. Au prix d'une balade de deux heures, pratiquement à plat, sauf deux à trois minutes de montée, l'émerveillement est assurément au rendez-vous.
On y accède par le village de Roppeviller, à une quinzaine de minutes en voiture au nord de Bitche. Le parking se trouve tout au bout de ce long village-rue, sur la grande pente herbeuse, là où le bitume s'arrête. Ensuite, on emprunte à pied une ancienne voie romaine, partiellement dallée de grès, qui s'enfonce rapidement dans la forêt.
Après un kilomètre, un panneau signale la frontière. La boucle autour de l'Altschlossfelsen, bien indiquée, commence peu après. Mieux vaut l'aborder dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, histoire de se réserver les parties les plus spectaculaires pour la fin.
L'Altschlossfelsen est une sublime barre rocheuse de près de 1500 mètres de long et, selon les endroits, d'une bonne vingtaine de mètres de haut. Un géant de grès, aux nuances infinies de rose, de jaune, de beige et de vert, formé voici plus de 200 millions d'années, façonné par les plissements de terrain, et sculpté par l'eau, le gel et le vent. Tantôt muraille creusée de grottes, tantôt mur d'alvéoles, tantôt dentelle de pierre, tantôt colonnes, arches et passages.
Le circuit en fait le tour complet, pour aller de découverte en découverte. Mieux vaut prévoir une bonne heure supplémentaire pour les photographes. Et afin d'en profiter pleinement, il est conseillé d'organiser cette balade un jour de belle luminosité. Car s'il fait humide et gris, les couleurs du grès s'estompent et il paraît plus terne.