Réforme des retraites, manifestations, 49.3, débordements : comment en parler à nos enfants ?

La réforme des retraites, la contestation qu’elle soulève, l’adoption du 49.3 sont au cœur de l’actualité. Comment en parler à nos enfants ? En cette semaine de la presse à l’école, on vous donne quelques clefs.

Pourquoi Emmanuel Macron veut-il qu’on travaille deux ans de plus ? A quoi ça sert de manifester et de faire grève ? C’est quoi le 49.3 ? Autant de questions que vos enfants vous ont sans doute parfois posées et auxquelles il peut être difficile de répondre lorsqu’on est parent. Impossible pourtant d’échapper à ces sujets qui occupent la une de l’actualité depuis bientôt deux mois.

Guillaume Herengt est professeur d’histoire-géographie au collège, auprès de classes allant de la 6^e à la 3^e. "Ce sont en effet des thèmes qu’abordent nos élèves. J’ai déjà eu beaucoup de questions autour du 49.3, ou pourquoi on veut changer le système des retraites". Pour y répondre, il explique comment marchent les institutions de la Ve République. "Je leur montre via un schéma qu’il y a trois pouvoirs en France : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Je leur précise le rôle des députés qui sont des représentants du pouvoir élus pour voter les lois. Face à la réforme des retraites, il faut aussi leur dire qu’il est parfois possible, en ayant recours à l’article 49.3, de faire adopter une réforme sans vote."

Facile pour un professeur de rappeler ces quelques fondamentaux, qui ne sont pas toujours clairs pour les parents. "Pour les aider, il existe aujourd’hui de nombreux supports comme des vidéos d’une ou deux minutes que l’on peut trouver sur Internet et qui expliquent simplement toutes ces règles, conseille Sophie Philippi, référente du Clemi, le centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, dans l’Académie de Strasbourg. En voici un exemple ci-dessous, qui précise les conditions d’application de l’article 49.3 (la vidéo date de 2016, en incluant la réforme des retraites, cet article a été utilisé onze fois par le gouvernement d’Elisabeth Borne).

Face à ce sujet d’actualité, il n’est pas toujours simple pour un parent de rester aussi objectif et neutre. Chacun a son opinion, se voit différemment impacté par la réforme et peut être tenté de donner son propre point de vue. "Quand on ne sait pas comment répondre aux questions de nos enfants, on peut leur suggérer de demander à son professeur d’histoire ou d’éducation civique", conseille Sophie Philippi. Et pourquoi pas lui demander au retour de l’école les explications qu’il a obtenues, pour enrichir les discussions en famille.

En parallèle des épisodes législatifs autour de la réforme des retraites, les grèves et les manifestations sont des événements qui ne laissent pas indifférents les enfants. Les emmener voir un cortège peut-il être une bonne manière d’en parler avec eux ? "C’est parfois délicat pour les familles qui ne souhaitent pas s’associer à des revendications. Mais il y a toujours eu des enfants dans les manifestations, comme à l’époque du mariage pour tous ou lors des marches pour le climat, constate Guillaume Herengt. Cela peut être une façon d’inculquer que la manifestation est un droit constitutionnel."

Violences en marge des cortèges : leur montrer les images ou pas ?

Depuis le déclenchement de l’article 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, des débordements et des violences émaillent certains cortèges. Des événements largement relayés dans les médias, avec des scènes parfois choquantes pour les plus jeunes. Des parents peuvent se demander s’il faut, ou pas, les exposer à de telles scènes.

Avant l’âge de huit ans, Sophie Philippi le déconseille, car ces images peuvent être traumatisantes et avoir des effets sur leur tranquillité. "Il ne faut toutefois pas mettre nos enfants dans des bulles, tempère-t-elle. Mais attention à ne pas laisser un enfant seul face à l’écran car il ne va pas comprendre ce qu’il voit et risque de se créer sa propre réalité insécurisante. Il faut qu’un adulte soit à ses côtés pour décrypter ce qu’il regarde."

La représentante du Clemi met aussi en garde sur le choix des médias. "Il vaut mieux éviter les chaînes d’info en continu qui diffusent les scènes de violence en boucle, comme un décor, sans les expliciter. Dans les journaux plus traditionnels, les « 20 heures », ces séquences sont davantage décryptées et remises dans un contexte".

Les enfants ne veulent pas suivre l’information, ils veulent la comprendre.

Guillaume Herengt

Professeur d'histoire-géographie au collège

Une problématique qui pose plus largement la question de l’exposition des enfants à toutes sortes d’images et de contenus, notamment via les réseaux sociaux. Selon une étude datée de 2021 du cabinet Junior City, 55% des 7-14 ans ont déjà leur propre smartphone. "Diaboliser et interdire l’accès aux réseaux sociaux n’est pas la bonne solution, observe Sophie Philippi. D’autant que l’on peut trouver des contenus utiles. De grands journaux sont aujourd’hui présents sur ces médias avec des publications intéressantes." Elle invite à encadrer leur usage, en expliquant que tous les contenus ne se valent pas et en aidant à savoir reconnaître ceux qui sont fiables. Ci-dessous, l'exemple d'un média spécialisé dans l'actualité à destination des plus jeunes.

Cette actualité sociale peut finalement être un bon outil pour former à la citoyenneté. "C’est un épisode démocratique fort qui va les aider à se construire. Tout comme la guerre en Ukraine ou le changement climatique qui occupent l’actualité. L’information les prépare au monde dans lequel ils vivent et à développer leur esprit critique", analyse le professeur d’histoire. Mais pour cela, les deux spécialistes de l’éducation aux médias insistent, il faut veiller à bien les accompagner. Il existe pour cela des outils, disponibles sur la plateforme du Clemi (cliquer sur ce lien) à l’attention des parents qui se retrouveraient démunis.