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REPLAY. Alsace-Moselle : les Malgré-elles au cœur d’un documentaire poignant, "Jeunesses volées"

Les frontalières participent au service obligatoire de travail.

En 2008, 15.000 Alsaciennes et Mosellanes étaient officiellement reconnues comme "incorporées de force en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale". Les survivantes témoignent dans ce documentaire enrichi d’archives inédites.

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Entre 1942 et 1945, elles sont parties travailler aux côtés des nazis. Dès leur majorité, ces jeunes filles ont dû rejoindre des formations paramilitaires dans la Wehrmacht, la Luftwaffe ou la Marine. Et elles ont survécu. Mais quand elles sont revenues dans leur ville ou village d’origine, personne n’en parlait. Il fallait vivre avec. Retour sur ces histoires oubliées.

Fille de « Malgré-elles », la réalisatrice Nina Barbier s’est déjà penchée sur le sujet dans son documentaire « Les Malgré-elles » (1999) et son livre Malgré elles: les Alsaciennes et Mosellanes incorporées de force dans la machine de guerre nazie (2000). Ce film offre de nouvelles perspectives tandis que le temps passe et que les survivantes s’éteignent peu à peu. Voici trois bonnes raisons de regarder « Jeunesse volées » en replay.

1. Pour en savoir plus sur une période de l'histoire

Grâce à des archives inédites et des interviews exclusives, Nina Barbier nous fait découvrir les récits des « Malgré-elles ». Il était grand temps de revenir sur cette histoire longtemps occultée par celle des hommes, les « Malgré-eux ». La parole est donnée à celles que l’on n’entend pas mais qui pourtant font l’histoire. Cécile, 18 ans, part en Allemagne pour son service obligatoire de travail. Et cela ne fait pas rêver : « on était vraiment enfermé ».

Jacqueline raconte ses journées fastidieuses : elle participait au levé de drapeau, travaillait pour différentes familles et avait prêté serment au Führer. Il fallait « éduquer les jeunes allemandes dans le national-socialisme. » A partir de 1942, les jeunes filles participent à l’effort de guerre. Elles sont envoyées dans les usines d’armement et travaillent avec les prisonniers de guerre. « Les allemands ont besoin des femmes pour les remplacer à des postes stratégiques. »

Le documentaire offre une vision élargie avec des témoignages de l’autre côté du Rhin. Otmar Gotterbarm travaille étudie le cas des « Malgré-elles. » Il revient sur des témoignages d’allemandes ayant travaillé avec ces femmes. Les françaises savaient se fondre dans la masse. On ne les remarquait pas parmi les allemandes : « les françaises devenaient allemandes du jour au lendemain. »

2. Pour donner la parole aux survivantes

Elles s’appellent Cécile, Jacqueline, Marie-Rose, Constance, Jeanne ou Simone. Elles pourraient être nos grands-mères, nos tantes ou nos sœurs. En tant que jeunes femmes frontalières vivant dans les années 1940, elles ont dû accepter les conditions des nazis. Certaines ont dû adopter un prénom germanisé. Toutes ces femmes ont quitté leurs maisons et se sont dirigées en Allemagne pour remplacer les hommes partis à la guerre. Elles ont quitté leur vie d’avant, leur vie où elles avaient leurs repères et leurs familles pour une vie près des bombes, sans futur et en pays ennemi. Comme le dit Cécile de façon tragique, « on nous a volé notre jeunesse ».

D’autres n’ont pas parlé, comme la mère de la réalisatrice, Cécile, décédée en 2010. Mais cela n’empêche pas que « pour beaucoup, le traumatisme est toujours présent. »  Pour Simone, « la vie d’après a été presque aussi dure que les années de guerre ». Pour d’autres femmes, un triste constat s’impose à elles.

Ni Vera, ni Jacqueline, ni Constance n’ont pu fonder de famille. Aucune n’a eu d’enfant. Est-ce lié aux milliers d’hommes disparus sur le front russe ou à l’incorporation de force qui a eu un profond impact sur la vie affective de ces femmes ? A bien des égards, toutes ces jeunesses volées nous interpellent.

Nina Barbier

Ces années passées en Allemagne ne sont pas banales. Elles laissent des traces, y compris dans la vie personnelle de ces femmes bien des années plus tard. Tout comme « Verra, Jacqueline et Constance qui n'ont pas pu fonder de famille » selon la réalisatrice.     

3. Pour le devoir de mémoire

Pour ne pas oublier, des actions commémoratives se mettent en place comme au Mémorial Alsace-Moselle à Schirmeck, territoire plusieurs fois annexé par l’Allemagne. Comme le dit la réalisatrice, « la jeunesse d’aujourd’hui se sent concernée et a besoin de réponses sur des périodes méconnues de son histoire familiale ».

Certains jeunes s’engagent dans un travail de mémoire comme Eloïse, jeune femme déterminée et ambitieuse, qui effectue un service civique au musée : « mon arrière-grand-mère a été malgré-elle. Elle m’a montré des photos ». Pour Nicolas également en service civique, c’est tout aussi émouvant et en lien avec son histoire familiale : « mon arrière-grand-père a été un malgré nous ».

D’autres côtoient l’histoire d’encore plus près. Vincent, grand jeune homme blond, est parti avec sa mère, Agnès, et sa grand-tante, Jacqueline, en pèlerinage. Ce petit bout de femme de 99 ans est une Malgré-elle. Tous les 3, ils se sont rendus dans la ville où elle a travaillé en 1942.

Pour eux, « c’était émouvant et à la fois passionnant historiquement ». Ils ont aimé qu’elle « reconnaisse l’endroit où elle a travaillé, le pré sur lequel il y avait le camp, les rails, la rivière, la chapelle ». Mais les Allemands ne sont toujours pas prêts à reconnaître cette partie de l’histoire. Ils disaient « il n’y a pas de camp, ça n’a jamais existé ». C’est sûrement encore trop tôt pour en parler. Un jour ils seront prêts.

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