"Schluck", "tarte flambée", "comme dit"... ces mots et expressions qu'on ne trouve qu'en Alsace

Depuis 2015, le linguiste suisse Mathieu Avanzi étudie les différents dialectes de la langue française et ses régionalismes. Focus aujourd'hui sur les mots utilisés en Alsace, produits de l'alsacien, de l'allemand et du français.

Avec son site internet "Français de nos régions", Mathieu Avanzi décortique les mots et expressions qu'utilisent les Français aux quatre coins de l'Hexagone. Le linguiste suisse revient pour France 3 Alsace sur ce qui singularise le territoire alsacien.

Peut-être avez-vous déjà vu passer sur Instagram ou Twitter ces cartes de la France dans lesquelles on retrouve les zones où tel mot est utilisé pour désigner la même notion ou le même objet : pain ou chocolat ou chocolatine ? Crayon de bois ou crayon de papier ? Ces cartes fascinent des dizaines de milliers d'internautes.

Sur certaines de ces cartes, un territoire situé au nord-est de la France se distingue parfois. Oui, on parle bien de l'Alsace. "Elle fait partie des régions qui ressortent bien. Il y a un fort régionalisme et on peut voir qu'en raison de son histoire et de sa géographie, les langues germaniques y ont longtemps été parlées. Il y a un vrai substrat, un vrai terreau pour le maintien d'un régionalisme ici", commente Mathieu Avanzi.

Se calquer sur l'allemand

Avant de se lancer dans l'étude des particularités régionales de l'utilisation de la langue française, le chercheur suisse s'était intéressé aux accents et aux différentes intonations que l'on peut trouver en France. "En Alsace, il y a des indices acoustiques, ceux des germanophones qui parlent français. Le mot 'grève' va surtout se prononcer 'krève'. Pour revenir à notre sujet, on retrouve des expressions qui sont calquées sur l'allemand."

"Comme dit", elle rend service !

Mathieu Avanzi

Linguiste et fondateur du site "Français de nos régions"

En premier lieu, le très utilisé "comme dit", tout simplement calqué sur le "wie gesagt" allemand. "Une collègue alsacienne utilisait très souvent cette expression, ça m'avait marqué. Il faut dire qu'elle est géniale ! Je trouve qu'elle se 'dérégionalise' très facilement et quand on arrive en Alsace, on l'utilise rapidement. Elle rend service et évite de dire 'comme on dit' ou 'comme je l'ai dit', c'est trop long ! Elle est très pratique", sourit le linguiste de 42 ans.

D'autres mots utilisés en Alsace découlent directement de nos voisins allemands. Ne dites pas que cette personne qui a pris du ventre qu'elle "a du gras", mais qu'elle "a du speck". Ne parlez pas non plus de "tampon", mais plutôt de "stempel". Deux traductions littérales. Votre enfant n'est pas allé à l'école ? Il n'a pas "séché", non. Il a "bleuté" ou "fait un bleu" ! Une utilisation française de l'allemand "blaumachen".

Des mots empruntés à l'alsacien... mais pas seulement

"Il y a aussi tout plein de mots qui sont issus des différents dialectes alsaciens, continue Mathieu Avanzi. Les mots qui commencent par 'SCH-', vous pouvez être sûr que c'est le cas. Je pense au schluck (la gorgée), au schmutz (le bisou) ou au schpatz (l'oiseau ou l'appareil génital d'un petit garçon)." La liste est encore longue... Des schlops, un stuck, ou encore la shmer, cette dernière étant plutôt utilisée chez nos voisins lorrains.

Le chercheur fait cependant remarquer que les Alsaciens utilisent des mots à l'accent bien français, qu'on ne retrouve qu'ici. "Je n'ai aucune idée de pourquoi on utilise ce mot, mais on utilise 'finette' pour parler d'un t-shirt ou d'un débardeur. Pareil pour la 'tirette', que presque tout le reste de la France appelle 'braguette'."

Toujours dans ce sens, Mathieu Avanzi remarque un souci de la pureté de la langue française pour un plat traditionnel alsacien. "Une tarte avec une pâte fine, de la crème, des oignons et des lardons, toute la France appelle ça une flammekueche. Mais en Alsace, attention, c'est bien une tarte flambée ! C'est un peu bizarre d'ailleurs, mais il y a aussi une certaine fierté alsacienne. Tout ce qui touche à la gastronomie, c'est un tout, un territoire !"

Et si les guéguerres pour utiliser telle ou telle expression sont surtout entre les régions au niveau national, le chercheur a remarqué qu'il existe également des disparités entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. "On est encore dans le registre de la nourriture. À l'occasion du marché de Noël, les Bas-Rhinois vont manger des maennele tandis que leurs voisins Haut-Rhinois préféreront les mannala. À carnaval, c'est reparti : vous mangez des schankala ou des schenkele ?"

Des résultats permis par les sciences participatives

Les études de Mathieu Avanzi sont basées sur de très nombreux sondages, le chercheur utilisant les sciences participatives pour dessiner ces cartes. "On apprend encore des nouveaux mots et des nouvelles expressions, ça ne s'arrête jamais !". Vous pouvez participer à la dernière enquête du chercheur sur son site internet ou en téléchargeant l'application "Français de nos régions". Son équipe table d'ailleurs sur une nouvelle fonctionnalité qui permettra d'enregistrer à l'oral les prononciations faites de chaque mot. Avec objectif de produire un atlas sonore de la France.

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