Le groupe français Michelin a annoncé à ses salariés mardi 28 novembre la fermeture de son usine de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg) en 2025. 313 frontaliers français y travaillent, nous avons recueilli les témoignages de quelques-uns.
Steve est encore sous le choc. Cet agent de production de 40 ans fabrique des pneus chez Michelin à Karlsruhe depuis 10 ans, et il a appris, en même temps que tous ses collègues, mardi 28 novembre, la fermeture en 2025 de son usine. Nous l'avons joint par téléphone.
"On l'a appris lors d'une réunion obligatoire, même les malades ont dû venir, sauf ceux qui ont le covid ou de la fièvre, c'est la première fois que je vois ça !", explique-t-il.
Trois réunions ont eu lieu, simultanément, à 12h30 mardi, sur les trois sites concernés par des fermetures : Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), Trèves (Rhénanie-Palatinat) et Hombourg (Sarre).
Une première réunion en octobre
"On avait déjà eu une réunion de crise le 19 octobre, là on nous a annoncé que les stratégies de Michelin allaient changer."
Le site de Karlsruhe fabrique beaucoup de pneus pour l'exportation, "maintenant ils veulent faire des boucles courtes et fabriquer les pneus, là où ils sont vendus. Ils nous ont dit qu'ils nous donneraient leurs décisions en novembre".
"Alors hier, on s'attendait à une annonce. Moi, ça fait dix ans que je travaille chez Michelin à Karlsruhe, ça fait quelques années que la production a baissé. Mais on ne pensait pas arriver à ça, on a tous été très surpris".
Tout le monde est resté sans voix.
un salarié de Michelin, à l'annonce de la fermeture du site
Lors de la réunion obligatoire, la direction annonce la fermeture de l'usine de Karlsruhe au premier trimestre 2025. "Ils ont donné les mêmes arguments qu'en octobre. Tout le monde est resté sans voix. Et puis, vers la fin, il y a eu plusieurs questions."
"Le directeur s'est engagé à nous retrouver du travail"
Ce qui rassure Steve, c'est la promesse du directeur du site, Christian Metzer : "il s’est engagé à tous nous retrouver du travail. Il a fermé il y a trois ans l'usine de Bamberg, il est chez nous depuis deux ans. Et à Bamberg, personne n’a quitté l’usine sans un emploi. Donc ça nous réconforte. Mais bon, ici on a nos collègues, nos habitudes, ça fait bizarre de se dire que tout est bientôt fini."
Devant l'usine, mercredi 29 novembre, à 14h, au moment du changement de postes, un frontalier français au volant de sa voiture répond à nos questions : "je travaille sur le site depuis 24 ans, et je suis dans l'entreprise depuis 12 ans, je suis dans le service bâtiment et je suis aussi concerné que les autres en production."
L'avenir, on ne sait pas trop de quoi il va être fait.
un frontalier français devant l'usine Michelin de Karlsruhe
"L'avenir, on ne sait pas trop de quoi il va être fait. La direction nous dit qu'ils nous accompagneront soit par un reclassement, soit en nous trouvons un emploi dans une entreprise autour. Mais ça reste très flou, donc pour l'instant c'est difficile."
Plus loin, une salariée française se tient devant les grilles de l'usine : "pour moi, c'est une grande déception, mais après deux années de chômage technique, on s'y attendait un petit peu. J'ai une phrase qui me vient : 'celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a tout perdu', donc il faut voir la vie de façon optimiste. J'ai 47 ans, je pense qu'il y aura encore des ouvertures pour la suite."
Rester en Allemagne, chercher ailleurs ou changer de branche
Steve a été mécanicien pendant 16 ans avant de rentrer chez Michelin, donc il pourrait peut-être chercher un travail dans cette branche. "Mais à vrai dire, depuis plusieurs années, je me suis spécialisé dans la sécurité et la qualité, et je me voyais bien quitter la production pour ne faire que ces deux nouvelles compétences."
"J'avais envie de progresser dans le groupe Michelin, c'est une entreprise intéressante, je me voyais bien y évoluer pour le reste de ma carrière. Là il va falloir trouver autre chose".
La direction a aussi dit que des entreprises des environs l'ont déjà contactée, pour embaucher certains salariés, à la recherche de compétences précises. Rien d'autre n'a été dévoilé pour l'instant.
Steve et les autres vont donc attendre les annonces des prochains mois, les avancées des négociations des syndicats. Les premiers salariés pourraient quitter Michelin en juillet 2024.