Jean-Philippe Schmitt a deux passions: la cuisine et le voyage. Très vite, il s'engage sur les routes avec un CAP en poche jusqu'à réaliser son rêve aux Etats-Unis où il est nommé chef de cuisine dans une grande institution. Cet Alsacien au cœur fidèle nous raconte son aventure.
Comme son nom l’indique, Jean-Philippe Schmitt est d’origine alsacienne. Il y a 23 ans, il s'est fixé aux Etats-Unis pour y faire sa vie. Son accent s'est notablement américanisé mais son attachement à sa terre natale, lui, n’a pas bougé. La photo de son profil Messenger, sur lequel je suis censé l'appeler, peut en témoigner. Haut comme trois pommes, il pose en culotte courte dans le jardin de ses parents à Mundolsheim.
C’est dans ce coin de l’Alsace qu’il est né, a grandi et s’est découvert très tôt une passion pour la cuisine. Quelques décennies plus tard, à 51 ans, cette passion est restée intacte. C’est elle qui l’a emmené toujours plus loin au fil de ses nombreux voyages.
"J’ai fait mes armes à Strasbourg, comme apprenti puis comme commis et enfin comme sous-chef de cuisine. C’est mon chef de l’époque en 1991 qui m’a donné la fièvre du voyage, en écoutant ses récits". Jean-Philippe, fort de ce curriculum vitae, se fait embaucher au Club Med comme cuisinier après son service militaire. Il entame alors un tour du monde qui, comme il dit, lui fait découvrir 33 pays en 6 ans. "J'ai beaucoup appris, ça m'a fait grandir".
Il est 11 heures du matin de ce côté de l’Atlantique et Jean-Philippe, alias Jips pour les intimes, s’apprête à rallier son lieu de travail. Sur le trajet, il en profite pour me raconter son histoire. "Je suis en main libre", tient-il à me rassurer en laissant derrière lui les collines verdoyantes de ce coin de l’Indiana où il a élu domicile avec sa femme. "Ce vert, ces bois, cet espace, ça me rappelle l’Alsace".
Au loin se profilent les buildings de Louisville, la grande ville du Kentucky. C’est là qu’il va prendre son service, au restaurant du très select Pendennis Club. Une vénérable institution fondée en 1881 et l'un des plus anciens clubs privés des Etats-Unis. "Il rassemble les plus grands avocats de Louisville. Ils peuvent y manger mais aussi jouer au squash, se détendre au sauna et même danser dans la grande salle de bal". Le fameux Old Fashioned Whisky Cocktail aurait été inventé au Pendennis Club, c'est du moins ce que prétend sa fiche Wikipedia.
J'ai recommencé au plus bas de l'échelle comme commis mais en six mois je suis redevenu chef de cuisine
Jean-Philippe
"En Floride, j'ai rencontré ma femme, de nationalité américaine. A cette époque je travaillais encore au Club Med, entre Orlando et Miami. Puis j'ai eu le choix de rentrer en France ou rester mais à condition de démissionner de mon poste de chef de cuisine au Club Med. Je suis resté, nous nous sommes mariés et nous sommes installés à Louisville. J'ai recommencé au plus bas de l'échelle comme commis mais en six mois je suis redevenu chef de cuisine".
Jips, toujours au volant de sa voiture - je pense qu'il doit rouler très lentement - se souvient de cette époque. C'était avant le Pendennis Club. Le restaurant, un gasthaus, était tenu par un Allemand. "Là, j'ai retrouvé la cuisine de mon enfance vu qu'avec les spätzle, tout ça, j'ai grandi avec. Pendant 13 ans j'ai travaillé au gasthaus comme chef de cuisine". Une fois par semaine, Jean-Philippe apporte au restaurant allemand sa french touch, un petit bourguignon en hiver, quelques pâtisseries et des plats alsaciens bien sentis de temps en temps.
Réglé comme du papier à musique, Jips, une fois par semaine, appelle ses frères et sœurs. "Au téléphone, on parle alsacien, c'est une langue que j'entretiens, que je ne veux pas perdre. Vous savez, quand on est Alsacien c'est du début jusqu'à la fin", dit-il avec bonne humeur et dans cet accent aux rondeurs américaines. Retrouve-t-il son accent alsacien quand il parle le dialecte ? Peut-être pas mais ce qui est sûr c'est qu'ici, aux Etats-Unis, on trouve qu'il a un accent français. Un vrai expatrié entre deux cultures. Il a d'ailleurs la double nationalité, française et américaine. Mais avant tout alsacien. Bien sûr. D'ailleurs à la maison il a hissé le rot un wiss.
C'est le rêve américain : vous partez de rien mais vous pouvez y arriver si vous vous y mettez
Jips, Alsacien Franco-Américain
"Certaines choses me manquent de ma patrie d'origine, mais il y a beaucoup plus de facilités aux Etats-Unis. Une personne déterminée dans sa vie professionnelle va réussir mais si vous attendez dans votre fauteuil vous n'arriverez à rien ici. Quand j'ai décidé de rester aux Etats-Unis, je n'avais rien. Je me suis marié avec une ravissante femme, maintenant j'ai une maison, une voiture, une très bonne situation professionnelle".
Arrivé en 2013 au Pendennis Club, il monte rapidement en grade grâce au directeur général qui lui fait confiance. "Il faut reconnaitre aux Américains cette qualité. Quand ils voient que vous êtes une bonne personne, ils vont vous tendre la main, ils vont vous aider à réussir. C'est le rêve américain : vous partez de rien mais vous pouvez y arriver si vous vous y mettez".
D'ici un an, Jean-Philippe sera nommé executive chef, selon le terme consacré dans les cuisines outre-Atlantique. "C'est le top, on peut pas aller plus haut, c'est le rêve qui se réalise. Souvent je pense à mon père, là-haut, et je le vois dire à ma femme : 't'as vu ce qu'il est devenu le petit', c'est comme ça qu'il m'appelait. Voila, le petit y est arrivé".
La conversation et le trajet en voiture de Jips s'arrête sur ces mots. Il a juste le temps d'ajouter "Voyagez, voyagez. C'est mon conseil que je donne à toux ceux qui veulent s'ouvrir l'esprit". Bye Jips.