Alors que les autorités sanitaires ont annoncé réserver 28.000 flacons pour que les pharmaciens démarrent à leur tour la vaccination, les médecins de ville se trouvent de facto privés de doses pour leurs patients. En Alsace, les syndicats s'insurgent d'une même voix contre cette gestion.
Les médecins libéraux qui souhaitaient vacciner leurs patients contre le coronavirus avaient enfin pu démarrer les injections le 26 février. Les voilà déjà privés de doses pour la semaine du 15 mars, la faute à un nombre limité de vaccins disponibles - environ 28.000 flacons AstraZenecca - que les autorités ont décidé d'octroyer aux pharmaciens, qui entreront donc à leur tour dans la campagne.
"Les pharmaciens sont les bienvenus, ce n'est évidemment pas la question, pose immédiatement le docteur Guilaine Kieffer-Desgrippes, présidente de l'union régionale des professionnels de santé pour le Grand Est, pour éteindre toute polémique visant à opposer les uns aux autres. C'est la gestion de cette campagne par l'Etat qui est cynique! Diviser pour mieux régner, nous ne renterons pas dans ce jeu!"
Les médecins sont en colère, car ils ont l'impression, une fois de plus, d'être pris de court. "On nous annonce une semaine avant que nous ne pourrons pas vacciner! fustige le docteur Claude Bronner, qui représente lui le syndicat des médecins généralistes Union Généraliste. J'ai des confrères qui ont déjà fixé leurs rendez-vous vaccinaux, et qui vont devoir annuler!"
Lent démarrage de la vaccination dans les cabinets
Un comble quand on sait combien il avait été difficile de lancer cette campagne dans les cabinets de ville. "Il a fallu appeler les patients un à un, réserver des créneaux pour enchaîner les injections... et maintenant, il faut rappeler pour annuler? C'est catastrophique pour nous en terme d'image! Et ce sont les patients qui sont désorientés au final...", déplore le docteur Kieffer-Desgrippes. Qui refuse de voir les médecins libéraux accusés d'un retard à l'allumage. "Bien sûr qu'il nous a fallu un peu de temps pour nous organiser! Mais on a démarré que depuis le 26 février... cette politique de la carotte et du bâton est insupportable, on a l'impression d'être punis commes des enfants!"
"Nous avons eu besoin de nous organiser, mais maintenant, nous avons atteint notre rythme, nous pourrions vacciner bien plus, affirme le docteur Bronner. Je n'ai rien contre les pharmaciens bien sûr, mais ils auraient pu commencer à vacciner pour les deuxièmes doses par exemple."
L'Etat n'apprend pas de ses erreurs, et ce sont les patients qui trinquent. C'est scandaleux!"
Et les deux praticiens de dénoncer d'une même voix "un vrai manque de visibilité. L'Etat n'arrive pas à nous dire combien de doses nous aurons dans deux semaines! Comment voulez-vous être efficace? Nous avons là une organisation de technocrates, pas de professionnels de terrain!", fulmine le docteur Bronner.
Vaccination en pharmacie le 19 mars
Et il rappelle, tout comme sa consoeur, qu'ils avaient proposé dès le mois de novembre un outil qui aurait permis de mieux communiquer les besoins en vaccins de chaque cabinet et le nombre de doses disponibles, pour fluidifier la gestion de cette campagne. Sans avoir été écoutés. "C'était déjà le cas pour les masques, puis pour les tests, aujourd'hui pour les vaccins! L'Etat n'apprend pas de ses erreurs, et ce sont les patients qui trinquent. C'est scandaleux!", assène Guilaine Kieffer-Desgrippes.
Si la colère des médecins est bien réelle, ce n'est donc contre les pharmaciens qu'elle est dirigée. Eux recevront un à deux flacons par officine s'ils en commandent d'ici vendredi 19 mars. Et pourront commencer les injections, dans les 460 pharmacies d'Alsace*, à partir des listes de patients éligibles qu'ils ont commencé à établir.
*Sont autorisés à vacciner les pharmaciens formés pour le faire, ceux qui peuvent également administrer le vaccin contre la grippe saisonnière, soit, en Alsace, 80 à 90% d'entre eux, selon l'union régionale des pharmaciens.