Écrire le livre de la vie avant la mort, c'est le métier de Stéphanie De Sousa. La biographe hospitalière propose à des malades de coucher leur histoire sur le papier. Une prestation gratuite, qui bénéficie également aux proches et aux soignants.
Elle se définit comme une passeuse de mots. Ceux que veulent bien lui confier les personnes qu'elle accompagne. Stéphanie De Sousa est biographe hospitalière en Alsace depuis début 2022. Elle relate dans des livres les mémoires de malades, pour laisser une trace de leur vie avant qu'il ne soit trop tard.
Le métier se développe, car la démarche fait ses preuves. Elle s'inscrit dans la continuité du parcours de soins. Se raconter apaise souvent les patients, les libère parfois. Une parenthèse de vie, au milieu de la maladie. "Certains parlent uniquement de leur travail, d'autres de ce qu’ils aimeraient encore faire, c'est très important aussi. Certains veulent partager un dicton qui leur tient à cœur ou un conseil. J’écris ce qu’ils ont envie de me donner", explique Stéphanie De Sousa.
La biographe intervient exclusivement sur proposition d'un soignant dans les unités de soins palliatifs, les établissements d'hébergement pour personnes âgées ou à domicile. Entre cinq et dix séances en moyenne, plus ou moins rapprochées selon l'urgence de la situation. Il y a les jours avec, et les jours sans. La quinquagénaire doit savoir s'adapter.
"Quand j’arrive, je ne sais jamais comment vont les gens. D’une semaine à l’autre, cela peut changer du tout au tout. Parfois, ils viennent d’avoir une grosse angoisse de mourir et moi j’arrive comme un cheveu sur la soupe avec l’envie de discuter… Je dois encaisser. Et les ramener à quelque chose de plus léger. Ou bien les faire parler de ça car il ne faut pas rester que dans du léger. Ce qui est important doit être verbalisé."
Un héritage pour les proches
"On a ri, on a pleuré ensemble. La vie, en somme...", sourit Christian, 50 ans. La maladie de Parkinson a bouleversé son quotidien depuis plus de dix ans. Il a dû quitter son métier d'électricien, changer de ville et de domicile. Le projet de biographie lui a fait beaucoup de bien, assure-t-il, très ému : "Ce qui me touche, c’est que des gens prennent le temps de m’écouter. Souvent, j’ai du mal à me faire entendre. Je suis content qu’il y ait des gens prêts à donner du temps pour écouter les autres."
Il recevra son livre gratuitement, comme chaque patient. Chacun peut choisir à qui il souhaite l'offrir. Sa famille, souvent, mais pas systématiquement. La première femme dont Stéphanie De Sousa a rédigé les mémoires a voulu laisser son témoignage au personnel de sa maison de retraite.
Une femme, atteinte d'Alzheimer, capable dans ses moments de lucidité de porter un regard sur sa maladie et la manière dont elle est abordée par les soignants. À travers son récit, elle a souhaité les aider à mieux comprendre Alzheimer.
Avant de mourir, les gens ont parfois des choses très intimes à dire encore mais ils n’osent pas en parler directement à leurs proches.
Stéphanie De Sousa, biographe hospitalière
Quand la biographie s'adresse aux proches, elle est quelquefois l'occasion d'exprimer ce qui n'a jamais pu l'être. "Avant de mourir, les gens ont parfois des choses très intimes à dire encore mais ils n’osent pas en parler directement à leurs proches. Passer par l’écriture, c’est plus simple. Le livre permet de laisser une trace mais aussi d'offrir quelque chose à ceux qui restent", souligne Stéphanie De Sousa, pour qui la gratuité de la prestation est fondamentale si elle veut être universelle.
Les enfants aussi peuvent être accompagnés
Le financement des ouvrages qu'elle signe est pris en charge par l'association Traces de vies, installée en Franche-Comté. Elle fonctionne grâce à des subventions et des dons. C'est elle aussi qui rémunère et qui a formé la biographe hospitalière.
Plusieurs mois de cours pratiques et théoriques pour apprendre à trouver la bonne place : "Je fais en sorte que le récit soit agréable à lire, tout en faisant ressortir ce qui compte vraiment pour la personne. Car c'est bien elle qui raconte son histoire. Moi, je m’efface. J’appose simplement mon prénom à la fin du livre mais c’est son histoire. C’est un « je » qui s’exprime."
L'association Traces de Vies ouvrira bientôt une antenne en Alsace pour répondre à la demande grandissante. En un an, Stéphanie De Sousa a déjà terminé quatre livres et en prépare cinq autres. Un travail "au service des autres et enrichissant pour elle", dont elle se dit très fière. Les biographes hospitaliers accompagnent tous les patients, des enfants aux personnes âgées.