A Uhrwiller (Bas-Rhin), une petite dizaine de passionnées se retrouve le mercredi après-midi pour pratiquer la peinture sur porcelaine. Un art qui nécessite beaucoup de précision et de patience, et aide à se vider la tête.
Dans la salle lumineuse de la paroisse protestante d'Uhrwiller, le silence est surprenant. Pourtant, une dizaine d'artistes de tous les âges, de 7 à près de 80 ans, est en plein travail. Mais la peinture sur porcelaine exige minutie et concentration, et les papotages sont rares.
"On est au calme. On peut se recentrer, se poser tranquillement…" estime Marie-Louise Jund, venue d'Offwiller, où elle fait partie d'un autre groupe qui s'adonne à la même passion. Avec trois acolytes, elle n'hésite pas à rejoindre parfois le groupe d'Uhrwiller, principalement constitué de bien plus jeunes.
Devant chaque participante, une assiette, un bol ou une tasse. Les réalisations sont extrêmement variées. Certaines font exclusivement des dessins noirs, très détaillés, offrant un beau contraste avec la porcelaine blanche. D'autres colorent des motifs dont elles ont réalisé les contours au préalable. D'autres encore procèdent par grattage.
Inutile de savoir bien dessiner
Les différentes techniques offrent une multitude de possibilités esthétiques, "et on apprend toujours, on n'arrête pas d'apprendre" affirme la formatrice, Fabienne Fichter. Elle-même, ainsi que plusieurs participantes, continuent à suivre des cours plus approfondis auprès d'une artiste de Haguenau.
Mais Fabienne Fichter a aussi eu envie de transmettre à d'autres les connaissances déjà acquises. Et particulièrement aux plus jeunes, qui se sont enthousiasmées pour cette activité finalement pas si difficile, mais très valorisante.
Le premier élément rassurant, c'est qu'il n'est pas obligatoire de savoir bien dessiner. Raison pour laquelle Fabienne elle-même affectionne tout particulièrement cet art graphique.
"Je recherche les motifs sur internet, je fais des photocopies et les mets dans des classeurs", raconte-t-elle. C'est principalement là que ses élèves cherchent l'inspiration, avant de rephotocopier le motif qui leur plaît. "On le réduit ou on l'agrandit, pour qu'il soit à la bonne taille pour le support", explique l'une d'elles, Louise Christmann.
Grossièrement découpé, le modèle est scotché sur l'assiette, pour qu'il ne bouge plus. Il suffit ensuite de glisser un calque au carbone dessous, et de repasser sur les traits avec une pointe dure, pour retrouver le dessin tracé sur le support.
Ensuite, il faut préparer la couleur. Si l'on commence par les contours, c'est généralement du noir. La teinte est obtenue en mélangeant un peu de poudre avec un médium adapté. "Je la prépare bien fluide, pour que ça donne la consistance de l'encre" détaille Fabienne Fichter, qui préfère réaliser ses contours à la plume, pour des traits fins et réguliers. Mais si on prend le pinceau, "la couleur doit être un peu plus épaisse."
Plusieurs cuissons sont possibles
Lorsque tous les contours noirs, et éventuellement des traits graphiques à l'intérieur du dessin, sont réalisés, on peut cuire la pièce de vaisselle une première fois. Un four spécial porcelaine, acheté par la paroisse, a été installé dans la salle communale, à côté de ceux pour les tartes flambées. "Il grimpe jusqu'à 850 degrés, précise Fabienne. Puis il atteint un palier et s'arrête. Durant deux jours, la température va lentement redescendre. Après, je peux à nouveau l'ouvrir. 66 degrés, c'est encore chaud, mais on peut saisir les objets."
La cuisson fige les couleurs, c'est tout l'intérêt de cette technique, qui évite de faire baver des teintes qui se touchent. Car ce qui est cuit ne bougera plus, et on peut travailler à côté, ou même par-dessus, sans aucun dommage. Mais c'est une épreuve de patience, car il faut compter deux jours et demi de latence entre deux étapes.
Et aucune cuisson n'est sans risque. "Il y a parfois des surprises, il arrive que de la vaisselle casse, si elle a subi un choc au préalable." Il arrive aussi que certaines couleurs, des rouges tout particulièrement, se modifient et virent au brun. "Mais on peut remettre de la couleur pour corriger, et améliorer, avant de recuire" assure Fabienne Fichter.
La mise en couleur
Les couleurs sont à nouveau préparées avec de la poudre et du médium. Les aplats sont principalement coloriés au pinceau, qui se nettoie facilement avec de l'essence d'oranges.
"Pour que la couleur ne soit pas trop épaisse, et risque de craquer à la cuisson, il faut la putoiser, détaille Fabienne Fichter. C'est-à-dire passer une fine éponge pour l'égaliser, pour qu'elle forme une couche bien lisse, sans bourrelets. (…) L'éponge permet aussi d'éclaircir ou d'assombrir certaines zones, ou de réaliser plein d'effets : repousser la couleur, ou en fusionner plusieurs entre elles…"
A l'autre bout de la table, Arlette Wanke, d'Offwiller, préfère créer son motif de feuilles de houx en une seule fois, sans contours et sans première cuisson. "Les verts des feuilles, ce n'est pas grave s'ils s'interpénètrent, estime-t-elle. Je mets à la fois du clair et du plus foncé, pour un effet un peu chiné. Et le rouge des petites boules ne les touche pas", donc aucun risque de bavure disgracieuse.
Marie-Louise Jund, elle, reprend plusieurs fois ses créations, pour les peaufiner. "Tant que ce n'est pas encore cuit, je peux rectifier des contours qui ne me satisfont pas, explique-t-elle. Si la peinture n'est pas encore sèche, j'utilise une gomme, et si elle est sèche, je gratte un peu." Quitte, même, à rajouter un peu de peinture si elle en a trop ôté.
Julie Matz, 11 ans, préfère créer un fond monochrome, en recouvrant son assiette d'une seule couleur au pinceau, qu'elle affine avec l'éponge à putoiser. Elle le fait sécher rapidement avec un sèche-cheveux. Puis vient le moment délicat de l'image à décalquer, car "il ne faut pas la bouger, puisqu'on ne peut pas mettre de scotch, sinon ça enlève la peinture."
Mais sa main ne tremble pas, et le tracé est parfait. Elle peut ensuite le gratter avec un stylet en bois, pour laisser réapparaître le blanc du support. "Quand on voit tout ce qu'on réussit à faire, on est fiers" s'exclame la jeune fille.
L'atelier de Fabienne Fichter, ouvert à toute personne intéressée, se déroule le mercredi de 14h à 17h, pour arranger les jeunes, tous scolarisés. Mais elle souhaiterait aussi pouvoir accueillir davantage d'adultes, et serait prête à organiser une seconde rencontre le samedi, si d'autres candidats se manifestent.
Les participants qui souhaitent garder leurs œuvres pour eux, ou les font pour les offrir, doivent naturellement payer le matériel et la cuisson. Il leur est aussi demandé de céder quelques réalisations, que la paroisse vend à différentes occasions, pour rentrer dans ses frais.