VIDEO. Un boulanger apiculteur heureux de vivre ses deux passions

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Sujet Rund Um en alsacien sous-titré ©France Télévisions

Le matin, il a les mains dans la farine. L'après-midi, il soigne ses abeilles. Manuel Goetz, de Huttendorf, réussit à allier son métier et son loisir favori, grâce à un emploi du temps chronométré. Rund Um l'a rencontré.

Chaque jour, de 3h du matin jusqu'à 11h30, Manuel Goetz travaille la pâte levée ou feuilletée dans une boulangerie de La Walck. "Je suis boulanger-pâtissier depuis une vingtaine d'années" explique-t-il. "J'adore réaliser brioches, petits pains, croissants et tartes aux fruits."

Ce métier n'était pas son premier choix. Au départ, il voulait "faire quelque chose du genre paysagiste." Mais un jour, il est "tombé dans un fournil. J'ai trébuché et je suis resté" rigole-t-il. "Et jusqu'à présent, je suis heureux. C'est mieux d'être sous un toit que dehors, dans la neige et le vent."

Mais rester enfermé ne lui convient qu'à moitié. Chaque après-midi, il se reconnecte donc avec la nature. Dans son jardin, à Huttendorf, il passe des heures à bichonner ses abeilles. "Etre dehors, au grand air, au soleil ou sous les nuages, j'en ai besoin" reconnaît-il. 

Un hobby chronophage

Vu le temps qu'il consacre à l'apiculture, pour lui, "c'est presque un deuxième métier". Même s'il n'est nullement question de rentabilité. Il ne compte même pas le nombre de pots de miel qu'il produit : "parfois rien, et parfois quelques centaines."

Sa seule motivation, ce sont ses abeilles, qu'il observe et soigne inlassablement. "On peut partir une semaine en vacances, elles se débrouillent" assure-t-il. "Mais quand c'est nécessaire, il faut être présent. Pour chercher le miel, et surveiller ce qu'elles font. Si elles veulent créer un essaim et partir, il faut être là. Si elles n'ont pas assez à manger, il faut être là et les nourrir. Et l'hiver, il faut être là pour veiller à ce que tout se passe bien."

Le monde des abeilles lui était familier depuis l'enfance. "Dans ma famille on en avait, et un voisin en avait aussi." C'est là qu'un jour, il a pu "assister à la naissance d'une reine." Il s'est soudain senti "piqué par cette passion" qui ne l'a plus lâché.

Ses connaissances, il les a acquises "auprès des anciens qui en ont depuis 10, 20 ou 30 ans." L'hiver, il les a complétées en lisant "plein de livres sur les abeilles. Et d'un coup, c'est venu tout seul." Et au fil des ans, cette activité s'est amplifiée. "On a une ruche, puis deux, et soudain beaucoup plus." Jusqu'à une vingtaine aujourd'hui. 

Des abeilles tranquilles

Pour aller voir ses petites bêtes, Manuel Goetz n'enfile pas de combinaison de protection, ni même de veste. "L'été, j'y vais en tee-shirt et en short" assure-t-il. En effet, il a choisi cette variété d'abeilles autant pour son caractère paisible que son esthétique : "C'est une espèce gentille, et claire, dorée."

Son seul équipement consiste en un chapeau avec une voilette grillagée, qu'il garde attaché sur les épaules, et ne met qu'en cas de besoin. Et un petit fumoir, dans lequel il place du foin enflammé, pour remettre régulièrement un peu de fumée dans ruche, lorsque les abeilles lui semblent un peu nerveuses.

En ce jour de mai frisquet, aucune n'est sortie butiner. En ouvrant la première ruche, l'apiculteur dévoile une dizaine de cadres recouverts d'alvéoles de cire, tous surmontés d'un tapis mouvant d'insectes qui semblent marcher au ralenti. "Elles restent là pour maintenir la chaleur" précise-t-il. "Pour que les œufs et les larves ne refroidissent pas."

L'un après l'autre, il sort puis replace chaque cadre, en présentant ses particularités : "le couvain, c'est-à-dire les larves d'abeilles" dans des alvéoles recouvertes d'un opercule, et les œufs, "au fond des alvéoles qui semblent vides." Un autre cadre ne contient "que du couvain, des larves presque adultes qui vont éclore d'ici quelques jours" et des alvéoles un peu plus grandes des drones, c'est-à-dire les mâles. Avec, dans les coins, quelques cellules encore pleines de miel.

Sur un autre cadre, c'est le pollen jaune qui est bien visible, "la protéine dont elles nourrissent les petits." Ailleurs, les jeunes abeilles sont déjà sorties de leur cocon. Les reines, une par ruche, sont repérables par une pastille blanche collée sur le dos. 

Le miel prélevé n'est que le surplus

Les cadres sur lesquels Manuel Goetz prélève du miel sont plus petits que ceux qui servent à la ponte et à l'élevage des larves. Ils sont placés dans une boîte qui forme la partie supérieure de la ruche, la "hausse". Les abeilles y stockent le miel pour l'hiver, mais la reine n'arrive pas à y entrer pour pondre. "Les abeilles de culture sont sélectionnées pour produire plus de miel que ce dont elles ont besoin" précise l'apiculteur. "On ne leur prend donc que leur surplus."

Sur certains cadres de la "hausse", bon nombre d'alvéoles sont déjà recouvertes d'un opercule de cire. Mais dans d'autres, le miel reste. "Il faut encore attendre quelques jours, que tout soit bien fermé. Alors le miel sera bon pour être sorti" estime Manuel Goetz. Pour le prélever, il devra écarter ces "couvercles" de cire, puis placer les cadres dans une centrifugeuse qui les videra de leur contenu.

Ses abeilles produisent une demi-douzaine de sortes de miel : "fleurs de printemps", "fleurs d'été", "acacia", "crémeux" et "forêt". "Ce que je cherche, c'est du local" précise-t-il. "Je ne veux pas faire des kilomètres pour déposer trois ruches. En Alsace, on a de la chance d'avoir toutes sortes de plantes. D'autres régions n'ont pas une si grande diversité."

Pour l'"acacia" il a placé quelques ruches du côté de Kaltenhouse. Les autres restent pour l'instant dans son jardin, où ses abeilles ont déjà pu butiner des fleurs d'arbres fruitiers, et celles des cultures avoisinantes.  

Les champs de colza des alentours lui fournissent un miel très clair et parfumé, mais qui se transformerait en un bloc compact en un rien de temps. "La vitesse de cristallisation du miel dépend des plantes dont ils sont issus" explique-t-il. "Certains mettent une semaine à se pétrifier, et d'autres, comme le miel de sapin, plusieurs années."

Pour son miel de colza, il a donc investi dans un mélangeur professionnel qui le brasse plusieurs jours d'affilée, "lentement, un quart d'heure toutes les heures", jusqu'à le transformer en une masse onctueuse, facile à tartiner et appréciée de ses clients. Principalement des connaissances, ou attirés par le bouche à oreilles. 

Une cire réutilisable à l'infini

L'hiver ou par mauvais temps, le jeune apiculteur passe aussi du temps à préparer de nouveaux cadres pour ses ruches. Chauffer le fil de fer qui sillonne le cadre permet d'y faire adhérer une fine plaque de cire, sur laquelle le motif des alvéoles est déjà esquissé. "C'est la base sur laquelle les abeilles vont pouvoir construire" leurs prismes des deux côtés, en y ajoutant la cire qu'elles produisent elles-mêmes.

Les cadres de la "hausse", dont les alvéoles contiennent uniquement du miel, peuvent resservir durant de longues années. Ceux du corps de la ruche, où s'accumulent au fil du temps des restes de cocons, de miel ou de pollen, finissent par noircir et doivent être changés plus régulièrement.

Mais la cire est toujours récupérée. Manuel Goetz la laisse lentement fondre au soleil, en plaçant les cadres à recycler dans des boîtes vitrées prévues à cet effet. Ensuite, le bloc de cire ainsi obtenu est filtré, puis moulé en de nouvelles plaques fines destinées à des cadres tout neufs. Un véritable cercle vertueux, rendu possible par le labeur incessant de ces petites bêtes incroyables qui produisent, butinent, transforment et nourrissent.  

Un respect infini pour le monde animal

Manuel Goetz leur voue une admiration sans bornes. Les abeilles le fascinent, et il s'en sent responsable, à son échelle : "Elles doivent être protégées, car de plus en plus d'entre elles meurent. Elles risquent de disparaître alors qu'elles représentent l'un des piliers de la nature. Les fleurs ont besoin d'elles et nous avons besoin de leur miel. Il faut vraiment tout faire pour les préserver."  

A quelques mètres des ruches, il élève aussi quelques poules, qui lui donnent leurs œufs. Et des oies et des chèvres, qui nettoient son terrain. Mais il est hors de question que l'un ou l'autre de ces animaux finisse à la casserole. En remerciement de ses bons et loyaux services, chacun aura droit, au soir de sa vie, à une retraite largement méritée.

En toute fin d'après-midi, après le nourrissage, Manuel Goetz peut enfin profiter de sa troisième source de bonheur : son épouse et leur petite fille, qui viennent de rentrer. Mais la soirée sera brève, car dès 20h, il doit aller se coucher. Pour être à nouveau d'attaque lorsque le réveil lui annoncera le début d'une nouvelle journée. Dès 2h du matin.  

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