L'histoire étonnante (et absurde) d'un pont qui ne mène nulle part, construit en 2017 et rattaché à aucune route

On vous raconte l'histoire du pont de Warcq (Ardennes), construit au-dessus d'une voie ferrée et d'une route, mais rattaché à rien. Il est l'unique vestige d'un projet abandonné et aucune démolition n'est prévue à ce jour.

Un pont sans aucune route de part et d’autre. Un pont qui ne mène nulle part. A Warcq, cet ouvrage d’art construit au-dessus de la voie SNCF en 2017 est le seul et unique vestige du projet de raccordement entre l’A304 et la nationale 43, au nord de Charleville-Mézières. Mais depuis, il n’est rattaché à aucune route.

Une utilité controversée

Le projet date du début des années 2000. "L’idée était de réduire le trafic de poids lourds dans Charleville-Mézières", raconte Noël Bourgeois, le président du conseil départemental des Ardennes. Le plan se dessine d’une route à deux fois deux voies de 3,3 kilomètres permettant de relier la RN 43 et l’A304 tout en traversant les communes de Belval, Damouzy et Warcq. Un chantier à 30 millions d’euros. Le projet séduit, il est reconnu d’utilité publique dans un arrêté pris par le préfet des Ardennes, en 2016.

Suite à cette déclaration, des décisions sont prises pour exproprier certains propriétaires afin de réaliser le projet. Des décisions qui font alors l’objet de recours. Mais, grâce à la déclaration d’utilité publique (DUP), le Conseil départemental engage les travaux en 2017 en commençant par le volet le plus complexe : la construction du pont au-dessus de la voie ferrée.

Ensuite, le chantier ne cesse d'être retardé. En 2021, le Conseil d’État annule la décision du préfet alors que le pont vient d’être construit. En cause : des raisons environnementales, patrimoniales, financières ou encore sécuritaires sont pointées du doigt, notamment plus tôt par le tribunal administratif de Châlons ou encore la Cour administrative de Nancy.

"Le Conseil d’État a considéré que l’utilité même du barreau n’était pas justifiée, notamment qu’il n’y avait pas assez d’arguments pour exproprier des personnes de leur terrain afin de construire une nouvelle route", rappelle Igor Dupin, directeur général des services du conseil départemental des Ardennes. La déclaration d’utilité publique tombe à l’eau.

" Une véritable épine dans le pied du département "

Sans cette déclaration, impossible de finaliser l’opération. Le conseil départemental fait alors appel à la décision devant le Conseil d’État, juridiction ultime et définitive. "Tous les arguments ont été développés en référence aux études de l’époque pour contester", appuie Igor Dupin, directeur général des services du Conseil Départemental.  "On ne s’y attendait pas. La DUP était établie, ce qui signifie qu’elle était reconnue par les services de l’État", commente-t-il. Mais aucune suite n’est donnée.

"C’est toujours compliqué, car c’est de l’argent public engagé : trois millions d’euros ont été investis. Mais aussi des indemnités d’expropriation, des terrains achetés par le conseil départemental", explique le président du Conseil départemental des Ardennes. Il soupire : "c'est une véritable épine dans le pied du département."

Une voie sans issue ?

Depuis, plus rien. Malgré des discussions avec la mairie et la communauté d’agglomération de Charleville-Mézières, aucune solution ne voit le jour. "Le pont fait partie intégrante du barreau de raccordement. Il est orienté de telle manière qu’il ne permet pas de récupérer un axe routier", déplore Noël Bourgeois. Est-il destiné à être là, éternellement, sans aucune route à desservir ? "Je n’en sais rien", répond-t-il. Il précise qu’une démolition n’est pas envisagée à ce jour.

Le 22 octobre 2022, lors du Congrès des maires à Warcq, Noël Bourgeois relance le sujet auprès de la mairie. "L’idée est de rediscuter avec tous les acteurs concernés c’est-à-dire la mairie et la communauté d’agglomération : il faut se mettre autour de la table et continuer de réfléchir pour trouver une solution", affirme-t-il. Une réflexion difficile car ces solutions ne sont pas simples, ni techniquement, ni financièrement, selon Noël Bourgeois. "Si nous en avions trouvé une, cela ferait bien longtemps qu’elle serait engagée", termine-t-il.

Des concertations devraient avoir lieu dans les semaines qui viennent. "Je ne sais pas si de la fumée blanche jaillira de cette discussion, sinon elle serait déjà probablement sortie. Qu’importe, il faut continuer de mener cette réflexion", se résout le président du conseil départemental des Ardennes

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