Le journal Libération a publié ce mardi 4 février une enquête exclusive sur les écoles rongées par l'amiante. Dans les Ardennes, l'Addeva, l'association de défense des victimes de l'amiante, pointe du doigt les toits des préaux. Certains contiendraient encore des fibres toxiques.
Y'a-t-il de l'amiante dans votre école ? L'article de Libération fait l'effet d'une bombe. Le journal a publié, ce mardi, sur son site internet une carte interactive pour savoir, pour chaque école, collège ou lycée, en France, s'il existe un risque. Et la Champagne-Ardenne n'est pas épargnée. De nombreux points rouges sont présents. Les informations datent de 2016, il est donc possible que des travaux aient été effectués depuis.Les parents ne s'en rendent pas compte car l'amiante est inodore, incolore, invisible. Si leur fils ou leur fille rentrait de cours avec de la poussière sur ses vêtements, ils s'inquièteraient, mais là, ils ne réalisent pas
- Claude Huet, président de l'Addeva des Ardennes
Dans les Ardennes, Claude Huet se bat depuis des années contre l'amiante. Le président de l'Addeva, l'association départementale de défense des victimes de l'amiante, est un homme très occupé. Il croule sous les demandes et les dossiers. Le dernier en date : les toits des préaux des écoles. Depuis 1997, l'amiante est totalement interdite sur le territoire français mais pour la construction des bâtiments, cette interdiction remonte à 1987. Des bâtiments anciens qui contiendraient, pour certains, encore des fibres toxiques. Plusieurs écoles seraient concernées dans le département.
Le toit du préau de l'école des Ayvelles contiendrait de l'amiante
"On m'a ramené des photos d'écoles, de toits de préaux en tôle de fibrociment", Claude Huet évoque notamment l'établissement scolaire des Ayvelles, près de Charleville-Mézières. "Le plus grave, c'est que ces états des lieux ont été faits mais les communes nous disent qu'elles n'ont pas de budget, on les a pourtant déjà prévenues. Les maires préfèrent faire de la peinture sur les murs que d'enlever le toit qui gêne." Une photo du toit a été prise lors de la kermesse de l'école, en juin dernier. Il s'agissait bien de tuiles d'époque.Pour lui, le danger est bien réel "ça peut paraître anecdotique mais il suffit qu'il y ait des intempéries, qu'un ballon tape sur la tôle et les enfants respirent cette poussière. Leur santé est en jeu. Les parents ne s'en rendent pas compte car l'amiante est inodore, incolore, invisible. Si leur fils ou leur fille rentrait de cours avec de la poussière sur ses vêtements, ils s'inquièteraient, mais là, ils ne réalisent pas".
Le toit du préau de l'école d'Elaire a été changé il y a quatre ans
A côté de Charleville-Mézières, la commune d'Elaire s'est emparée du problème. Depuis quatre ans, le toit du préau de l'école a été changé. "C'était l'une de mes priorités au début du mandat" tient à souligner Pierre Delforge, le maire de ce village de 700 habitants. "Un préau avec de l'amiante dans une cour d'école, les parents se seraient plaints, imaginez si un enfant tombait malade à cause des tuiles".Cela nous a coûté une fortune, il a fallu mettre des barrières partout, s'équiper de masques et de combinaisons, on a dépassé les 10.000 euros de frais
- Pierre Delforge, maire (SE) d'Elaire
Mais le premier édile s'empresse d'ajouter "ça nous a coûté une fortune, il a fallu mettre des barrières partout, s'équiper de masques et de combinaisons, un organisme de contrôle était là pour surveiller sans compter bien sûr l'entreprise qui a fait les travaux. On a dépassé les 10.000 euros de frais". La sécurité coûte que coûte.
Les premières maladies se déclarent au bout de 15 ans
Interdite depuis plus de 20 ans maintenant, le nombre de victimes de l'amiante devrait diminuer mais comme nous précise Claude Huet, "les premières anomalies vont arriver au niveau pulmonaire mais 15 ans après l'exposition. Les maladies ne se déclarent pas avant. Les enfants ne sont pas malades aujourd'hui, on ne peut pas les identifier."
Pour comprendre, le président de l'Addeva des Ardennes prend un exemple très concret. "Quand on bricole à la maison, qu'on manipule de la laine de verre, on est tout de suite gêné alors on met une combinaison. Avec l'amiante on ne ressent rien, une fibre d'amiante est plus fine qu'une fumée de cigarette. On avale sans savoir".
Depuis 2007, 180 décès liés à l'amiante dans les Ardennes
Depuis 2007, dans les Ardennes, 180 décès sont liés à l'amiante, détaille le président de l'Addeva."Il s'agit de maladies reconnues et prises en charges par la sécurité sociale, dont 28 rien que pour l'usine PSA Peugeot-Citroën". A chaque permanence, le bureau de l'association de défense des victimes de l'amiante est plein "lundi, je suis arrivé dans les locaux, j'avais 15 personnes devant la porte. On a trop de travail sur la réparation, on a pas le temps pour la prévention" se désole Claude Huet.