Le procès en correctionnel d'un homme renvoyé devant le tribunal pour avoir traîné ses deux chiens derrière sa voiture s'est ouvert ce mercredi 1er décembre à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Compte-rendu d'audience.
L'affaire avait eu un écho important et national en août 2021, il était question de violence sur animaux, le maire de Charleville lui même, s'en était ému. Un homme de 67 ans avait conduit en traînant ses deux chiens accrochés derrière sa voiture, sur un boulevard de Charleville-Mézières. "Un geste involontaire", expliquait alors la police suite à son audition. Un geste qui avait valu non seulement la blessure importantes des chiens, mais aussi la colère des passants et d'une association qui a souhaité porter plainte.
À la demande du procureur de la République, l’auteur des faits a été placé en garde à vue et les chiens confiés à une association. Ce mercredi 1er décembre, il comparaissait devant le tribunal correctionnel de Charleville. Daniel M. comparaît pour sévices graves ou actes de cruauté envers un animal domestique. Il est résident à Charleville. Trois avocates sont présentes : deux en parties civiles et une en défense. Il y a aussi la compagne du prévenu et sa fille.
Au début de l'audience, l'avocate du prévenu, Maître Alexandra Oosterbaan a demandé un renvoi au motif qu’elle sollicite une expertise médicale pour déterminer la responsabilité pénale du prévenu. En l’espèce, une responsabilité pénale réduite ou absente. Le prévenu souffrirait de troubles de mémoire. Et de troubles neurologiques. Ils s’inscriraient dans une maladie neuro-dégénérative qui pourrait induire une altération du discernement au moment des faits. Et une entrave du contrôle de ses actes. Demande rejetée par la juge, qui estime qu’il y a assez d’éléments pour juger Daniel M.
Le klaxon des automobilistes
Les chiens étaient de races beagle et fox. L’homme a été interpellé place Marceau à Charleville le jour des faits. Les chiens étaient attachés à la "boule" de l’attache-caravane (selon les propos de la juge). Le Beagle a eu plusieurs plaies, les coussinets des pattes très abîmés, le souffle difficile et ne pouvait plus poser la patte avant-droite.
En jean et veste bleue, masqué, l’homme a 67 ans, mais paraît plus âgé, dégarni, fin, il semble ailleurs devant le tribunal. Ce jour-là, cet ancien chasseur, avait mis la musique à fond et n’a pas entendu les chiens. Ceux-ci avaient les coussinets en sang. Les automobilistes ont klaxonné mais le prévenu ne s’est pas arrêté. Il n’a pas compris. Il ne se rappelait pas avoir attaché ses chiens. Il explique (pourtant…) qu’il a l’habitude d’attacher ses chiens à sa voiture.
De nombreuses plaies d’abrasion ont été observées sur le corps des chiens qui ont été placés sous antibiotiques et anti-inflammatoires. Un automobiliste a réussi à faire barrage à la voiture du prévenu. Des gens lui ont pris ses clés pour l’empêcher de partir.
"Une faute bête"
L’homme aurait reçu de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux après les faits. "Malheureusement c’est une faute bête", bredouille le prévenu. "Il y a un haillon, je ne pouvais pas les voir". La juge : "vous ne pouviez pas les entendre parce qu’il y avait la musique ? Oui". Le lendemain matin, à 11h, à l’arrivée des policiers, l’homme n’avait pas chercher à faire soigner ses chiens. Il n’avait pas contacté d’autres vétérinaires.
Les chiens auraient été tirés sur 200 mètres selon la juge qui demande : "quand vous voyez que vos chiens sont blessés, comment vous vous sentez à ce moment-là ?". "Oh, ben je suis désolé à 100%". Il aurait laissé son coffre ouvert pour faire de l’ombre aux chiens. Mais il a circulé coffre fermé. L’avocate de l’association 30 millions d’amis pose la question : "Comment avez-vous pu fermer votre coffre sans voir les chiens ? ». Le prévenu : " je ne les ai pas vu, ils étaient peut-être sous la voiture". Il ne sait pas s’il a fermé son coffre et il est parti directement après avec la voiture.
Le prévenu a déjà été condamné pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Il s’était alcoolisé à la chasse. Et a repris sa voiture après. Il touche 1 230€ de retraite depuis 5 ans. La juge "Qu’est-ce que vous avez à dire pour terminer monsieur M. ? ». Le prévenu : "Je suis vraiment désolé ».
Lors des plaidoiries, l'avocate de l’association 30 millions d’amis, Me Maryse Bierna, se lance : "Ce sont des faits extrêmement graves. Si personne ne l’avait arrêté, il aurait continué sur des kilomètres".
Des chiens agonisants
Plusieurs injections de morphine ont été nécessaires pour apaiser leur souffrance. L’avocate évoque un "profond mépris pour ses chiens" de la part du prévenu. Des soins ont été prodigués aux chiens sous anesthésie générale
L’avocate sollicite la confiscation des chiens et l'interdiction définitive de détenir un animal. Elle sollicite aussi 1 000€ de dommages et intérêts au profit de l’association 30 millions d’amis qui œuvre pour le bien-être animal.
"Je ne comprends pas. On peut être choqué par ce qui est arrivé mais on essaye de venir en aide à ses chiens", lance Me Alloux pour la LISA. Car le vétérinaire du prévenu était fermé. " Il n’a pas cherché à les faire soigner… il y a pourtant d’autres vétérinaires dans Charleville. La LISA a récupéré les chiens dans un état lamentable". L’avocate sollicite 1 500€ de dommages et intérêts pour la LISA et l'interdiction de détenir un animal. L’avocate de la LISA représentait aussi la fondation Brigitte Bardot. Elle réclame 1 000€ de dommages et intérêts.
La substitut du procureur prend ses réquisitions. Se pose la question de savoir pourquoi ce laps de temps si important entre la constatation des blessures et la question d’éventuels soins aux chiens. "Il y’a eu atteinte à l’intégrité physique d’un animal ». La substitut demande la requalification des faits. De sévices graves ou actes de cruauté à atteinte involontaire à l’intégrité physique d’un animal. Elle réclame 450€ d’amende.
Relaxe
Pour la défense du prévenu, Me Alexandra Oosterbaan explique que "jamais il n’a eu l’intention de les traîner. On n’est pas dans une volonté de traîner les chiens avec le véhicule, c’est pour cela qu’il n’a pas compris quand il se faisait klaxonner par les autres automobilistes. Il ne s’est pas rendu compte. Il a des problèmes de mémoire. C’est exactement le symptôme-type de ces maladies neuro-dégénératives".
Son avocate reprend : "Cet homme a fait l’objet de menaces et de menaces de mort sur les réseaux sociaux. C’est inacceptable. Parmi les gens qui se sont émus du sort de ses chiens ce jour-là, il y en a qui lui ont pris son téléphone portable et sa carte bancaire", ajoute Me Oosterbaan. "Cet homme a fait du mal à ses chiens sans le vouloir. Non seulement il a fait du mal à ses chiens, mais en plus, il en est privé aujourd’hui".
Consternation et appel
Sans surprise, l’avocate demande la relaxe de son client pour non-intentionnalité. La juge part délibérer vers 18h20. Le tribunal prononce la relaxe quelques minutes plus tard, estimant qu’il manque un élément caractéristique de l’infraction, dans la constitution de l’infraction et dans l’intention de la porter. Les parties civiles sont toutes déboutées. Sabrina, membre de la LISA, semble consternée de cette relaxe totale.
La substitut du procureur interpelle la juge quant au sort des animaux
Comme il y a relaxe. La juge confirme la relaxe et ne se prononce pas sur le sort des chiens puisqu’elle dit ne pas avoir été saisie pour cela. Cela signifie que le propriétaire est libre de réclamer ses chiens à la LISA. Le parquet va faire appel de ce jugement. L'affaire devrait donc connaître un acte 2 sur le plan judiciaire.
Quant aux chiens, "Nino se remet tout doucement et il a plusieurs propositions d'adoption, Daisy quant à elle, accuse encore le coup de son œdème cérébrale. Elle a été transférée à la maison de retraite de la Fondation Brigitte Bardot où elle sera suivie par un vétérinaire sur place", signale la Lisa sur Facebook.