Entre ses investissements effrénés sur tous les continents, sa politique de "colocalisation" et ses arrangements avec la fiscalité, Issad Rebrab s'est bâti un empire économique et une réputation. On vous en dit plus sur la première fortune d'Algérie qui investit à Charleville-Mézières.
Information confirmée ce 22 mars, puisque l'avocat Me Harir a déposé les statuts de l'entreprise au tribunal de commerce de Sedan, "il y a deux ou trois semaines", nous confirme-t-il par téléphone. Une vague de recrutement de 200 à 250 personnes est en cours. L'occasion de s'intéresser au PDG algérien Issad Rebrad, qui a préféré les Ardennes aux Etats-Unis pour son investissement.
1 – Un investisseur déjà implanté en France
Le magnat de l'industrie algérienne n'en est pas à son premier investissement sur le sol français. En 2013 et 2014, il avait racheté les entreprises Oxxo (fabricant de fenêtres de Saône-et-Loire) et Brandt, spécialisée dans l'électroménager.Dans le cas d'Oxxo, le groupe Cevital avait repris 288 des 406 salariés de l'époque. Outre le nombre de salariés, le contrat avait valu les bons augures d'Arnaud Montebourg, député du département où est implanté l'entreprise et ministre du Redressement productif de l'époque, qui a précédé Emmanuel Macron à Bercy.
Le rachat d'Oxxo permet alors une entrée en matière pour Rebrab, puisqu'un an plus tard, Arnaud Montebourg met l'homme d'affaire algérien sur la reprise de Fagor Brandt. L'Algérien ne rachète finalement que la filiale Brandt et deux ans plus tard, l'entreprise d'électroménager affiche de bons résultats. En 2016, Les Echos publie "Plus petit, Brandt réussit le pari de la relance." En tout, l'homme d'affaire algérien promet de reprendre 1 225 employés sur les 1 760 qui y travaillaient avant le rachat. Promesse quasi tenue puisque 1 200 d'entre eux officiaient dans l'entreprise en 2016.
2 – L'adepte de la "colocalisation"
Dans plusieurs interviews accordées aux médias francophones, Issad Rebrab rassure. Ses investissements en France n'ont pas vocation à être temporaires. "Nous voulons créer des emplois en Algérie tout en en préservant ceux dans les pays d'accueil. Le but est de ramener la technologie, des marques et créer un réseau de distribution à l'échelle mondiale", expliquait-il en novembre 2017 au micro de Jeune Afrique.C'est ce que l'homme d'affaires appelle la "colocalisation". Il expliquait dans le quotidien les Echos : "L'Algérie peut devenir l'atelier de l'Europe. Mais l'industrie française a de beaux jours devant elle, pour peu qu'elle investisse. Pour moi, l'idéal pour sauver des emplois en France, c'est d'aller vers la 'colocalisation'."
C'est-à-dire de fabriquer les produits de haute qualité dans leurs pays d'origine et les produits très compétitifs dans des pays comme l'Algérie.
3 – Ses petits arrangements avec le fisc
Issu d'une famille modeste, le milliardaire algérien a bâti un empire qui l'a placé à la première place du classement des hommes les plus riches du pays, et parmi les 10 plus grosses fortunes du continent africain. Cevital, créé officiellement en 1998 est devenu la première entreprise privée d'Algérie, et intervient dans une multitude de secteurs comme l'automobile, l'agroalimentaire ou encore l'électroménager. La première fortune algérienne l'affirme, il a "fait passer l'Algérie du statut d'importateur à exportateur en sucres, huiles végétales… "Selon l'enquête menée par le consortium international de journalistes dont Le Monde fait partie, cette ascension ne doit rien au hasard. Lors des révélations des "Panama Papers", on apprend qu'Issad Rebrab serait l'un des plus anciens clients algérien du cabinet d'avocats Mossack Fonseca, mis en cause dans l'affaire des "Panama Papers".
Il aurait aussi bénéficié de monopoles sur les importations de produits de grande consommation dès le début des années 1990. Surtout, le quotidien du soir révèle que "c'est cette activité d'import-export qui a alimenté le compte suisse d'Issad Rebrab (…) et c'est aussi ce flux d'argent qui a permis à Issad Rebrab de se lancer dans l'agroalimentaire en France."
4 – Des relations ambiguës avec le pouvoir en place
Entre le pouvoir Algérien et le businessman, les relations sont un peu tendues depuis quelques années. Dans un pays où tout passe par l'Etat, certains projets sont actuellement bloqués à l’import comme à l’export.L'Algérien se plaint d'un pouvoir qui le "malmène", affirmant qu'il pourrait "faire mieux". S'il tient ces propos, c'est que le milliardaire a vu quelques projets lui passer sous le nez, comme le rachat de Michelin Algérie ou encore un projet industriel et un port à l'est d'Alger. Mais comme le rappelle plusieurs analystes dans Le Monde Afrique, Issad Rebrab a tout de même "prospéré sous le règne de Bouteflika", arrivé au pouvoir en 1999, soit un an après la création officielle de Cevital.
5 - Les ambitions présidentielles démenties
A Alger, il se disait il y a quelques mois que Rebrab serait candidat à la présidentielle de 2019. Ses 74 ans ne sont pas un frein pour les Algériens, même si le principal intéressé a démenti cette candidature, se disant plus utile dans le secteur économique.Cevital en quelques chiffres :
- 1971 et 1998 : la première date correspond à l'entreprise Cevital sur laquelle s'est appuyé Issad Rebrab pour monter son empire. 1998 est la date de création officielle de Cevital telle qu'elle existe aujourd'hui.
- 18 000 salariés à travers le monde. Parmi eux, 5 sont ses enfants. Issad Rebrab revendique le caractère familial de son entreprise.
- 26 filiales sur tous les continents.
- 4 milliards de chiffre d'affaire en 2016, et 30% de croissance par an en moyenne depuis 15 ans