Coronavirus: la vente de tabac ne sauve pas les bars-restaurants qui restent fermés

Les mesures sanitaires de confinement bloquent l'économie du pays depuis plusieurs semaines. Les bars et les restaurants sont fermés par obligation. Les tabacs-presse restent en activité mais sont privés d'une grande partie de leur chiffre d'affaires.  


Je remonte, ce jeudi 2 avril, la grande avenue Charles Boutet en direction du cimetière de Charleville-Mézières. Avant de casser sa pipe, à seulement 50 mètres de la nécropole, on s'arrête en général, "Au dernier sou", un bar-tabac-restaurant bien connu dans la cité.

" Le dernier sou", c'est tout ce qui lui reste à Xavier Simon, 63 ans, gérant de l'établissement qui porte ce nom bien singulier. Et encore, ce dernier sou est coupé en deux depuis les débuts de la crise sanitaire. Son fameux bar-restaurant repris en 1989, n'est plus qu'un bureau de tabac classique, depuis l'épidémie de covid-19. Vu de l'extérieur, on comprend au premier coup d'oeil qu'une partie de son commerce est fermée : le bar est dans le noir.
 

"On a été obligé de faire une barrière pour que les gens ne viennent pas s'installer sur les tables ! " m'indique-t-il en montrant la haie de chaises devant le comptoir. "On a remonté les chaises pour bien dire qu'on est fermé et qu'on ne peut pas servir. D'habitude, les clients venaient chercher leur paquet de cigarettes très tôt, on ouvre à 6 h du matin, et ils prenaient un petit café avant d'aller au travail."

En général, ils achètent de la presse, leur journal et, à midi, on les voyait revenir pour manger. J'avais tous mes habitués dans le bar le matin. C'est un endroit de passage ici, on a régulièrement du monde qui vient, et là, on a plus de bar ni de restauration.
- Xavier Simon, gérant du bar-tabac Le dernier sou à Charleville-Mézières
 

Devant la porte des fumeurs, une file d'attente s'installe. Xavier a bien matérialisé les allers-venues dans son commerce : on y entre d'un côté, pour en ressortir en fin de boucle par l'arrière. Il y a du débit apparemment vu sous cet angle. Le tabac-presse se suffirait-il à lui-même en cette période de vaches maigres ?

Quand je lui pose la question, le commerçant m'arrête en soupirant : "Nous, on a une grosse part du chiffre d'affaires sur le bar et le restaurant. C'est 65 % en restauration, et seulement 35 % en tabac-presse. Le tabac, ce n'est que de la commission à 6 % ! Ça génère moins de revenu, mais ça attire le client".
Avec le confinement, on vend donc plus de tabac. Avant, les clients allaient au moins cher, en Belgique, pour l'acheter. Maintenant, ils le prennent ici.

Ça aide quand même mais ça ne compense pas la fermeture du bar-restaurant. D'ailleurs, vous le voyez, une personne suffit pour servir, moi.
- Xavier Simon, gérant du bar-tabac Le dernier sou à Charleville-Mézières
 

Adieu moules-frites

Les bonjours se succèdent devant la caisse à tabac de Xavier. Des journaux, beaucoup de cigarettes, beaucoup de jeux de grattage, des cartes postales, les buralistes ont su se diversifier pour survivre.

Une petite dame toute souriante vient tenter sa chance et risque quelques euros sur une grille de loterie. C'est Andrée, 95 ans, une grande habituée du quartier. Xavier prend le temps de s'enquérir de sa santé. "Je viens souvent jouer mes tickets chances mais, le vendredi, je venais manger les moules-frites, et là, c'est porte close en ce moment ! ", me lance-t-elle dépitée en récupérant ses précieux tirages. 
 


Jusqu'au dernier sou

A la belle époque, en janvier, avant la guerre ... contre le virus, le buraliste, cafetier-restaurateur pouvait servir plusieurs centaines de cafés par jour au bar, des litres de bière, et soixante couverts à midi, du lundi au samedi. Aujourd'hui, trois personnes sont au chômage technique, la cuisinière et les deux employés qui travaillaient pratiquement à temps plein.
 

Pour ce qui est des compensations de l'Etat, Xavier Simon semble réaliste : "Pour l'instant, on entend des chiffres, mais question salaires, c'est moi qui avance. Je pense qu'on sera aidé mais, en attendant, il faut une bonne trésorerie pour pouvoir assurer."
 

Une activité en demi-teinte

Les commerces borgnes, privés d'une partie de leur activité, sont nombreux en cette troisième semaine de confinement sur le territoire. Sur la route du retour, je vais saluer Pascal Gillard, le gérant du Bar-tabac " Le Pédro " dans le quartier de Mézières. La sentence est encore plus nette en découvrant la façade de l'établissement : un rideau de fer condamne carrément le bar. Une petite porte s'ouvre uniquement sur le débit de tabac.
 

Fumer tue, mais ici, la cigarette sauve ce commerce. Le débit y est important. "Côté tabac, c'est énorme chez nous !", me confie Pascal, en plein travaux dans le bar fermé.

On est moins impacté car c'est le bureau de tabac qui fait le chiffre. Je plains surtout les collègues qui ont uniquement un bar. Là, c'est grave. 
- Pascal Gillard, gérant du bar-tabac Le Pédro, Charleville-Mézières
 


En attendant des jours meilleurs, le cafetier a trouvé une petite alternative gustative : le p'tit noir à emporter. Ce ne sont que quelques cafés qui font chauffer la machine, pour l'instant, et que l'on doit consommer à l'extérieur dans un gobelet. 
Peut-être est-ce simplement un prétexte pour entendre au moins une fois dans la journée : " S'il vous plaît, chef, deux cafés ... à emporter ! "
 
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