Sylvain Hallet et Pascal Oudéa ne veulent pas travailler dans l’illégalité. Mais ces restaurateurs ardennais entendent maintenir leur activité et montrer qu’ils sont toujours là. Ils se sont donc installés dans la rue, sous un porche, pour proposer des plats de brasserie.
Depuis le 28 octobre 2020, le restaurant et la brasserie "La table d’Arthur", à Charleville-Mézières, dans les Ardennes, sont fermés. Habituellement, c’est une quinzaine de personnes qui y travaillent, mais actuellement, ils sont au chômage. Pourtant pour les deux associés, Pascal Oudéa et Sylvain Hallet, pas question de renoncer à travailler. "La restauration est toujours là ! insiste Sylvain Hallet. Il faut le montrer".
L’idée était aussi de rendre service, notamment, aux salariés des banques, magasins de prêt-à-porter de la rue piétonne, et plus généralement à tous ceux qui ne peuvent plus se rendre dans les restaurants, depuis maintenant, plusieurs mois. Avec les réseaux sociaux, l’initiative a incité des curieux à venir tester cette cuisine de rue. "Des personnes âgées qui ne cuisinent plus beaucoup, viennent nous chercher des plats pour deux ou trois jours. Quelques jeunes également passent goûter nos plats et, parmi les habitués, certains nous réservent quelque chose pour le soir". En effet, avec le couvre-feu, la cuisine de rue ne fonctionne que pour le déjeuner, du mardi au vendredi.
Chaque jour, on invite un pro. On veut resserrer les liens entre nous. Les restaurateurs ne sont pas des concurrents, mais des collègues.
Plaques à induction, friteuse, plancha sous le porche
Pour concrétiser leur projet, Pascal Oudéa et Sylvain Hallet sont sortis de leur établissement, rue Pierre Bérégovoy, pour s’installer, en limite de l’espace public, sous leur porche. Si les préparatifs se font, à l’intérieur, dès 11 heures 30, ils se mettent au fourneau, dehors, pour accueillir les premiers clients. En trois semaines d’activité, la cuisine de rue a acquis une certaine réputation. Une cinquantaine de clients s’y approvisionnent au déjeuner, jusqu’à 13 heures 30, et ils sont de plus en plus nombreux, chaque jour.
Récemment, avec des températures de -8 à -10 degrés, les deux chefs ont renoncé à s’installer sous le porche, mais c’est reparti. "On a voulu maintenir un esprit de convivialité", explique Sylvain Hallet. Chaque jour, on invite un professionnel. On veut resserrer les liens entre nous. Les restaurateurs ne sont pas des concurrents, mais des collègues". Mais le message est parfois difficile à faire passer, reconnaît le chef ardennais.
Dinde rouge des Ardennes, truite de Vendresse
Soupe, plats du terroir, les chefs de "La Table d’Arthur", ont l’intention de faire profiter leurs clients de produits locaux. "On veut associer les producteurs ardennais, à cette opération, avec jambon des Ardennes, dinde rouge ou truite de Vendresse, mais difficile, en ce moment d’avoir un peu de visibilité". Avec des plats à neuf euros, des soupes à trois euros, les deux associés avouent : "On ne perd pas, mais on ne gagne pas. On équilibre tout juste, financièrement, mais on va continuer le plus longtemps possible", assure Sylvain Hallet.
La restauration est toujours là. Il faut le montrer.
Pour être prêt, à 11 heures 30, la journée commence à 7 heures 30, par les courses. Ensuite, il faut préparer pour le coup de feu du déjeuner. Evidemment, l’activité des deux chefs n’a rien à voir avec celle qu’ils connaissaient avant la pandémie et la fermeture des restaurants. Quand "La table d’Arthur" a ouvert en 2004, Sylvain Hallet était seul. C’est en 2008 que Pascal Oudéa l’a rejoint. En 2010, ils ont lancé des travaux pour doubler leur surface. Ils affichaient complet, midi et soir, et refusaient du monde.
La cuisine de rue a désormais ses habituées
Ouardia Amour est conseillère en téléphonie mobile. Elle travaille juste à côté de "La table d’Arthur" qu’elle fréquente régulièrement avec sa collègue Nathalie. "On vient souvent, dit-elle. C’est un peu notre cantine. C’est une super idée, d’avoir mis en place cette cuisine de rue. C’est une bonne initiative, surtout qu’on y est toujours bien accueillies. On y retrouve la qualité de la brasserie, pour un bon rapport qualité-prix. C’est du fait maison, avec des produits locaux, et ils prennent nos tickets restaurant, du coup, c’est avantageux. C’est mieux que de la nourriture rapide, industrielle." Nathalie poursuit : "On les voit s’installer. Ils se donnent à fond. Ils sont vraiment motivés. Leur gamme est super. J’y ai découvert le lait coco, que j’ai essayé de reproduire chez moi."
Avant même que les deux cuisiniers soient installés, il est fréquent de voir une file d’attente se former, devant le stand de cuisine de rue. Le succès est au rendez-vous. La semaine prochaine, c’est Gratien Leroy, ancien candidat de Top Chef, qui viendra cuisiner au côté de Pascal Oudéa et de Sylvain Hallet. De quoi tenter tous ceux qui n’avaient pas encore testé la cuisine de rue.