Face à la fermeture des restaurants et des bars, les Français n'hésitent plus à mettre le prix pour accompagner les repas pris à la maison, chez les cavistes de la Marne, les ventes de bouteilles de vin ont sensiblement augmenté.
Dans les rues de Reims ce mardi 5 janvier, c’est un calme apparent qui règne, sauf chez ce caviste du centre-ville ou l’arrivage des cartons de vins et spiritueux était attendu. Dans La Grande Boutique Du Vin, les deux salariés rangent et répertorient les nouvelles bouteilles qui vont venir étoffer une cave déjà bien remplie. Entre liqueur, champagne, vins du monde, Tony Pasquier caviste indépendant et expert en vins, est un passionné depuis toujours.
En novembre 2020 il a repris cette boutique bien connue des Rémois et dresse un bilan positif, plutôt rare pour un commerçant actuellement. "Avec l’absence des touristes sur le premier confinement, nous avons eu très peur, mais heureusement une nouvelle clientèle est arrivée. La consommation a augmenté, grâce à ces nouveaux clients qui ne prenaient pas le temps de venir et aujourd’hui ils sont là, les clients ont pris le temps de venir surtout pour découvrir de nouveaux produits pour se faire plaisir et retrouver un côté festif", explique Tony Pasquier.
Fort de son expérience dans le domaine des vins, Tony parle de ses bouteilles avec une réelle passion et entretien une relation étroite avec ses clients pour leur proposer le meilleur choix, notamment en cette période délicate. La fermeture des bars et des restaurants, associées aux deux confinements a entraîné une nette augmentation de leurs ventes de bouteilles, essentiellement de vin. "Les clients nous disent que, dans ce contexte morose, ils veulent se faire plaisir, les gens ont changé leurs habitudes de consommation en n’allant plus au restaurant, ils se sont plus intéressés au monde du vin, ils sont revenus vers les indépendants, vers les cavistes, pour avoir du conseil et tenter de recréer ce qu’ils avaient avant au restaurant ou avec des amis", confie Tony Pasquier.
Certains clients ont tenté de recréer ce qu’ils avaient avant au restaurant ou avec des amis.
Les clients se sont lâchés sur la qualité avec un panier moyen en hausse
Pour ces cavistes, ce confinement a permis aux épicuriens et amateurs de vins, de mieux consommer en recherchant des produits de meilleures qualités. "Les clients montent facilement en gamme, le consommateur a fait évoluer ses habitudes de consommation pour avoir des produits plus diversifiés. Nous avons noté une augmentation du panier moyen des consommateurs, ne sortant plus ils se sont portés sur des achats plus chers, s’ils hésitent entre deux bouteilles, l'une classique, l'autre dont le prix est plus élevé, ils vont franchir le pas la tendance globale est d’aller sur des vins plus chers proche des quarante euros, même plus et surtout moins commun, des produits plus atypiques " observe le patron de cette cave.
Dans une autre cave d’une grande artère rémoise, là-aussi, Bruno Corvez, caviste dresse le même constant sur les achats plus réfléchis et de meilleures qualités. "Nous avons vu le panier moyen augmenter de la part de nos clients, nous avons vendu de belles bouteilles en champagne, whisky et de très bons vins, malgré tout, nous nous attendions à une explosion de tout ça, mais ça a été modéré, même si nous sentons que les gens ont envie de se faire plaisir", explique Bruno Corvez.
Se faufilant entre les allées, Jean-Marc est un habitué des lieux, à la recherche d’un excellent produit, pour lui, un bon vin est indispensable dans cette période complexe, pas question de passer à coté des bons moments. "Mon comportement a évolué avec cette crise, nous voulons nous faire un peu plus plaisir, je dirais qu’avec ce confinement j’ai tendance à déboucher plus facilement une bonne bouteille, et j’ai aussi tendance à prendre des produits plus chers et aussi découvrir des choses très sympathiques, c’est pour cela aussi que je viens chez un caviste, ici il y a le conseil et le choix. Le caviste connaît ses produits, cela me convient tout à fait, je ne m'achète jamais de bouteille à 20 euros, mais là je suis prêt à la faire.
Comme je ne vais plus au restaurant, je peux me permettre d'acheter des bouteilles de meilleure qualité et donc plus chères.
Pas de mariages, pas de communions et pas de foires
Effet négatif de cette année noire tout de même, l’annulation des grandes cérémonies et rassemblements tels que la Foire de Chalons en Champagne et de nombreuses fêtes de famille."Nous n’allons pas nous plaindre, nous avons eu des beaux mois même mieux qu’en 2019, nous allons rester positif malgré une baisse du chiffre d’affaire en 2020, ce qui nous pénalise le plus c’est l’annulation depuis le mois de février des mariages, des communions et autres fêtes familiales, nous travaillons aussi beaucoup avec les comités d’entreprises, la Foire de Châlons ou nous avons de très gros clients depuis des années, c’est normalement le plus gros débit de l’année pour nous, et la effectivement tout a été annulé, c’est à cette occasion que nous réalisons une partie de notre chiffre d’affaire. Tout ça bout-à-bout, ça plombe un peu, mais nous faisons face pour vivre 2021 avec plus d’enthousiasme", indique Bruno Corvez responsable des Caves et Terroirs à Reims.
Communication et nouveaux concepts
Pour rebondir il faut donc se diversifier et trouver de nouveaux modes de communication, avec ce nouveau couvre-feu, les cavistes comme d’autres commerces ont dû réorganiser les plannings et les horaires d’ouverture de leurs établissements. "Nous avons développé un site internet que nous avions en projet, nous avons aussi lancé la communication sur les réseaux sociaux, c’est une nouveauté pour nous, mais aujourd’hui indispensable pour nous adapter au confinement et au couvre-feu, les plannings ont été aménagés, nos horaires aussi, aujourd’hui nous ouvrons dés 9 heures le matin et faisons une journée continue jusqu’à 17 heures 30, pour nous c’est nouveau, on s’adapte pour offrir un maximum de temps à nos clients. Nous avons dû mettre en place du travail à mi-temps pour donner plus de souplesse, nous nous sommes adaptés aussi à la livraison autour de Reims, il est important de garder ce lien avec nos clients", explique Bruno Corvez.
Malgré ce confinement, malgré la disparition des grandes tables animées, la fin d’un verre après le bureau, les français n’ont pas voulu rompre avec certaines habitudes. Avec plus de 44 litres consommés par personne et par an, et bien que la tendance soit à la baisse, la France est le pays où l’on boit le plus de vin. Les cavistes confirment que les consommateurs préfèrent faire donc leur choix sur place et avoir un contact direct avec le commerçant, les acheteurs consomment donc plus mais mieux aussi, c'est l'un des grands enseignements de cette crise sanitaire.