Le journaliste Edwy Plenel, co-fondateur de Médiapart, a été reçu au café-librairie Chez Josette de Charleville-Mézières (Ardennes) ce samedi 6 mai. Il y a averti des dangers de l'extrême-droite, thème de son dernier livre "L'Appel à la vigilance : face à l'extrême-droite".
Un journaliste dans une librairie. Après la sortie de son livre L'Appel à la vigilance : face à l'extrême-droite, Edwy Plenel a été reçu ce samedi 6 mai 2023 au café-librairie Chez Josette.
Romain Michelot, journaliste de France 3 Champagne-Ardenne, lui a posé quelques questions.
Pourquoi venir lancer ce message d'alerte dans les Ardennes ?
"Le métier que je fais, qui est un métier de journaliste au service de l'intérêt général, soit avec Médiapart, soit avec des livres, suppose d'aller à la rencontre. Nous ne sommes pas au-dessus de ceux auxquels on doit rendre des comptes, c'est à dire le public et les citoyens. Je fais un livre comme celui-ci pour alerter, non pas sur l'extrême-droite partisane et électorale, mais sur notre responsabilité à nous, journalistes, et aux intellectuels médiatiques, sur la montée des idéologies de l'inégalité naturelle. Celle qui dresse une partie de la population contre l'autre, en raison de son origine, de son identité, de son apparence, de son sexe, de son genre. C'est donc une alerte citoyenne; et le lieu d'une alerte citoyenne, c'est dans l'espace public, avec des citoyennes et des citoyens."
Qu'avez-vous à dire sur le contexte social actuel ?
"La mobilisation sur la réforme des retraites, avec cette exceptionnelle unanimité syndicale, c'est le chemin pour construire un imaginaire qui évitera la catastrophe, qui évitera de sombrer dans la haine de son voisin, dans la haine de l'autre, la peur, le repli, la xénophobie et le racisme. C'est ce que j'appelle les causes communes de l'égalité. Quand il y a un mouvement comme celui-ci, on ne demande plus aux gens d'où ils viennent. On est ensemble, sur ce qui nous concerne : les questions démocratiques, les questions sociales, les questions écologiques. C'est cela qu'il faut faire."
Le pouvoir actuel, qui a été élu à deux reprises pour faire barrage à l'extrême-droite, a une immense responsabilité dans sa façon de ne pas entendre la société.
Edwy Plenel, écrivain et journaliste à Médiapart
"Et c'est là que le pouvoir actuel, qui a été élu à deux reprises pour faire barrage à l'extrême-droite, a une immense responsabilité dans sa façon de ne pas écouter ça, de ne pas entendre la société. Et au contraire de brutaliser la société, et même la démocratie. Non, la démocratie, ce n'est pas le pouvoir d'un seul. Ce n'est pas simplement l'élection, qui plus est une élection qui se réduirait à l'élection d'un seul, le pouvoir d'un seul qui raflerait la volonté de tous. La mobilisation des retraites, elle est un chemin d'espoir. Y compris dans les conséquences dans la société d'aujourd'hui. Pour moi, c'est comme ça qu'on inventera des réponses pour demain."
Aviez-vous anticipé la forte mobilisation de la population contre cette réforme ?
"Depuis qu'on a créé Médiapart, [en 2008], il y a eu sans cesse des mobilisations. N'oublions pas les Gilets jaunes, qui ont été un soulèvement exceptionnel contre la vie chère, et auxquels, à cette époque, les syndicats et les partis politiques n'ont pas suffisamment prêté attention, et l'ont peut-être même méprisé. Or, ce mouvement a subi une des pires répressions policières de notre époque moderne. Nous sommes un journal qui est un porte-drapeau pour accompagner tous ces souffles, ces soulèvements de la société. Et vous voyez, y compris dans la jeunesse aujourd'hui, tous les soulèvements, les questions féministes et pas seulement sociales ou démocratiques, les soulèvements écologiques... Regardez comment le pouvoir actuel diabolise ce mouvement de la jeunesse qui alerte et s'engage sur l'urgence climatique..."
"En tant que journaliste, je n'anticipe rien. Je ne pense pas qu'il faut prédire le futur. Autrement, on n'est pas disponible à l'évènement, à la surprise, à l'inattendu justement. L'inattendu, c'est quand la population se mobilise : personne ne le décrète à sa place. Moi, j'accompagne ça, en tant que citoyen, là où je suis. Ma responsabilité, c'est le journalisme. Et je mène mon combat, dans ce métier, contre une partie de ce métier. Qui se laisse aller à diffuser des haines, à diffuser des opinions qui violentent les droits fondamentaux. Voilà mon combat, c'est ce sur quoi on peut me juger.