Ce 16 février au soir, quatre nouveaux manuscrits étaient présentés au musée Rimbaud, à Charleville-Mézières. Le maire (LR) de Charleville-Mézières Boris Ravignon était présent, mais aussi l'entrepreneur ardennais Pascal Urano, à l'origine du don de trois des quatre manuscrits, et avec qui nous nous sommes entretenus.
Le musée Rimbaud enrichit sa collection. Ce 16 février, en présence du maire (LR) Boris Ravignon, les quatre nouvelles acquisitions sont présentées. Parmi elles, trois ont été achetées aux enchères par l'entrepreneur ardennais Pascal Urano, et une a été acquise par la Ville elle-même, en collaboration avec l'État, avec la Région, et avec la Fondation du patrimoine.
Parmi les œuvres, une lettre du poète à sa sœur Isabelle, depuis l'hôpital de la Conception, à Marseille, en juin 1891, alors qu'on vient de lui amputer une jambe. "Je ne fais que pleurer jour et nuit, je suis un homme mort, je suis estropié pour toute ma vie ? Enfin notre vie est une misère, une misère sans fin ! Pourquoi donc existons-nous ?", peut-on lire dans ce manuscrit.
Le deuxième manuscrit est une missive envoyée à sa mère et à sa sœur depuis Aden, au Yémen, en 1883. "Il ne pleut jamais. Voilà un an que je couche continuellement à ciel ouvert. Pour moi, j'aime beaucoup ce climat et j'ai toujours horreur de la pluie, de la boue et du froid."
Le troisième manuscrit est un poème, Ce qui retient Nina ! (1870), écrit par Verlaine qui a imité la signature de Rimbaud.
Ces trois œuvres s'ajoutent donc à celle qu'a acquise la Ville, aidée par l'État, par la Région et par la Fondation du Patrimoine. Il s'agit d'une lettre de Rimbaud écrite depuis Harar, dans l'Est de l'Ethiopie, où il évoque le début de sa maladie, avec des "douleurs dans sa maudite jambe".
Ces manuscrits vont maintenant être exposés au musée Rimbaud de Charleville-Mézières.
Entretien avec Pascal Urano, à l'origine du don de trois manuscrits
Cette soirée de présentation des manuscrits est aussi l'occasion de lever le mystère sur le généreux donateur, resté anonyme jusqu'à aujourd'hui : Pascal Urano. En décembre dernier, lors d'une vente aux enchères à la maison Piasa, à Paris, il a acquis trois des quatre nouveaux manuscrits du poète Arthur Rimbaud, pour une somme avoisinant les 280 000 euros. L'entrepreneur ardennais, qui aurait pu se contenter de les garder pour lui, en a fait don à la Ville de Charleville-Mézières. Une "excellente nouvelle" avait alors réagi le maire (LR) de Charleville-Mézières, Boris Ravignon. Nous lui avons posé quelques questions.
Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans cet achat ?
C’est quelque chose qui n’est pas instantané. C'est tout un projet. Depuis près de 25 ans, on a imaginé que Rimbaud pouvait être le vecteur de communication de Charleville-Mézières et de son territoire. À Bilbao, avec la Fondation Guggenheim, j’ai vu un miracle se passer : Bilbao n’était pas une ville attractive et elle est devenue un des phares culturels mondiaux. Je me suis imaginé qu’on pouvait faire la même chose avec Rimbaud. Aujourd’hui, quand j’ai vu le retentissement et l’intérêt que les gens avaient pour ces manuscrits, ça nous a confortés. Chez Piasa [la maison de vente aux enchères parisienne où ont été proposés les manuscrits, NDLR], quand on a vu la qualité et l’extrême rareté, on a commencé à y réfléchir.
Que représente Rimbaud pour vous ?
Quand on s’aperçoit de la vie de Rimbaud, on se rend compte qu'il était fou, dans le sens de "non standard", c'est-à-dire différent des autres. Aujourd'hui, si vous êtes standard, vous êtes cuit. Il faut être différent des autres. C'est le cas de Rimbaud qui a eu 50 vies dans sa vie. Il a fait tellement de choses, a été dans des endroits insensés pour l’époque. C’est le meilleur exemple qu’on a pour notre jeunesse.
Qu'est-ce qui vous a marqué dans ces manuscrits ?
Quand j’ai eu dans les mains les lettres, j'ai été subjugué : le papier est aussi fin que du papier cigarettes, l'écriture avec la plume d’oie, la calligraphie exceptionnelle... Et aujourd'hui, je me pose beaucoup de questions, car j'ai peur qu'on perde tout ça avec les SMS, l'écriture inclusive... Toute cette richesse, ça me tracasse qu’on la perde.
En tant qu'entrepreneur, cet achat était-il une sorte de message que vous vouliez faire passer ?
Ça a permis de réveiller les possibilités qu’on peut avoir les uns et les autres. Je ne réalise que 4% de mon chiffre d'affaires dans les Ardennes, mais je suis très attaché à ce territoire. Il faut qu’on se bouge pour développer son attractivité. Mais le fait est qu'aujourd’hui, on a du mal à faire venir des gens dans notre région. Il est extrêmement important pour nous que l’offre du territoire soit aussi riche que possible pour le faire monter en gamme. Comme par exemple le Louvre-Lens, en plein milieu du bassin minier ! Je me dis qu'avec l'achat de ce manuscrit, on a peut être réveillé quelques consciences. Aujourd’hui, si le manuscrit de L'Éternité [acheté pour 540 000 euros par un anonyme, NDLR] était en vente, on pourrait se le procurer sans problème.
Vous avez d’autres projets pour Rimbaud à Charleville ?
La suite aujourd’hui, c’est d’essayer de trouver la ou les personnes qui seraient capables de pouvoir rentrer dans un projet qui est dans une ampleur complètement différente. On n’a pas de philosophie prédéfinie, mais j’ai une idée extrêmement précise d’un certain nombre de choses, auxquelles je réfléchis depuis 25 ans. Mais je n'en dirai pas plus pour l'instant.