Journée mondiale des aides-soignants : une "profession invisible, il a fallu la Covid-19 pour qu'on soit à l'honneur"

C'est l'un des métiers des "premiers de corvée" : aide-soignant. Ils ont fait face à des cadences de travail effrénées que cela soit dans les hôpitaux, les cliniques, les ehpad et même au domicile des personnes âgées. Leur dévouement a été mis en lumière pour la 1ère fois !  

Leur journée internationale vient de s'achever. C'était le 26 novembre 2020. Les aides-soignants sont près de 400.000 en France, dont 93% de femmes. Leur journée existe depuis 2010, mais il faut bien l'avouer, elle a toujours été bien discrète ! Il aura fallu la crise sanitaire pour qu'on les remette à l'honneur, qu'on les applaudisse, qu'on les salue. Pourtant, dans les hôpitaux comme dans les maisons de retraite, c'est une profession qui est essentielle depuis toujours. La pandémie de Covid-19 est venu le rappeler.
 



Manon a 51 ans, elle est aide-soignante dans un Ehpad des Ardennes depuis 6 ans. Avant, elle est passée par des services en milieu hospitalier, mais elle a aussi travaillé dans le secteur de l'aide à domicile. Une vie toujours aux côtés des plus fragiles. "C'est mon moteur, ma raison d'être et c'est vraiment là que je me sens utile." Elle habite dans le secteur de Bogny-sur-Meuse, et travaille à proximité. Mais elle souhaite rester anonyme. Par pudeur, "parce que je n'aime pas me mettre en avant". Aussi parce qu'elle a vécu des moments difficiles ces derniers mois et que son établissement - qu'elle ne veut pas stigmatiser - comme beaucoup d'autres a été touché de plein fouet par le coronavirus.

"On a vu des résidents partir sur des brancards et ne jamais revenir lors de la première vague." Toute l'équipe avait pourtant l'impression de tout faire bien et de scrupuleusement respecter les consignes. "Nos personnes âgées étaient confinées, elles ne sortaient pas de leur chambre, il n'y avait pas de visites. On faisait très attention à tout, on prenait toutes les précautions. Et malgré tout, la mort est venue frapper à notre porte." D'où un inexorable sentiment d'injustice.   
 

En première ligne

"Et ça continue ... " Car il ne faut pas croire pour Manon et ses collègues, que tout est revenu comme avant. La deuxième vague est bien là. "Par chance, je croise les doigts, nous n'avons pas de cas graves. Mais on vit dans le stress d'être de nouveau emporté. On voit des Ehpad, pas loin de chez nous, qui sont encore touchés. Je me mets à leur place, ça me mine" explique-t-elle.   
 

Après le premier pic, j'étais épuisée aussi bien physiquement que moralement. Mais je suis revenue parce que c'est mon métier. Presque une vocation. Mon devoir, c'est de garder le sourire et de ne pas trop montrer mes émotions. 

Manon, aide-soignante

  
 
Cette soignante a pris la première vague de plein fouet. Bienveillante, compréhensive, elle ne veut accabler personne. Mais si on la pousse un peu dans le questionnement. Elle avoue que "tout n'a pas très bien fonctionné". Au détriment de sa vie de famille. "les équipements de protection complets ont tardé à arriver, puis on n'en avait pas assez. Alors on faisait comme on pouvait, j'avais peur de ramener le virus à la maison. Même chez moi, le soir, je m'isolais car je ne voulais pas croiser mon compagnon."  
 
 

Une profession enfin reconnue ?

Les applaudissements le soir lui ont fait chaud au coeur, "même si, c'est fini ! C'est une reconnaissance qui nous a fait tenir. Et quand on a vu la deuxième vague arriver, j'y ai repensé. Cela m'a fait rester debout parce que je pensais que je n'aurais pas la force de retourner au front. Heureusement, ici, la deuxième vague est moins dure. Ce qui n'est pas le cas partout dans les Ardennes."

Manon est malgré tout éreintée. "51 ans, ce n'est plus si jeune que cela." Comme ses collègues, elle espère que le vaccin sera bientôt disponible. "On est quand même au bout du rouleau. On a besoin de retrouver de la sérénité, un rythme plus lent."
 

S'il y a une troisième vague, on ne tiendra pas le choc. Aide-soignante est une profession en danger. Il faut que les gens soient responsables et qu'ils fassent les efforts jusqu'au bout. Sinon, tous ces efforts et toute cette souffrance n'auront servi à rien.

Manon, aide-soigante


C'est tout un secteur qui est en souffrance. Selon une enquête menée sur 60.000 infirmiers en France, il y a deux fois plus de situations d'épuisement professionnel. Idem chez les aides-soignants, à n'en pas douter. 
   

Aide-soignant : une profession délaissée

En fait, la pandémie n'a fait que révéler les failles d'un système sanitaire que les soignants tiennent à bout de bras. "C'est un métier qui n'est plus attractif depuis de nombreuses années", ajoute Manon. Conditions de travail extrêmes, manque de moyens humains, coupes budgétaires, salaires modérés, dégradation de la securité des malades et de la qualité des soins. Les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. 

Et les aides-soignantes, comme Manon, souffrent non seulement de la difficulté de leurs tâches, mais aussi de la mauvaise image que leur métier renvoie auprès de la population.
 

Une profession délaissée, nous ne sommes qu'aide-soigante, on ne nous écoute pas. Nous avons une mauvaise image, on nous considère comme les larbins des malades, tout juste bonnes à changer les couches, laver les malades et faire le ménage. Voilà l'image que nous renvoyons. Oui, c'est notre quotidien mais ne je ne considère pas que cela soit dégradant. Et on ne fait pas que cela : on accompagne les résidents. Le rôle d'écoute, de réconfort, de lien avec les familles est essentiel. Il y a de l'humain.  

Manon, aide-soignante


Manon rappelle l'essentiel : "nous accompagnons les personnes en appliquant les deux principes de base : respecter le résident et surtout ne pas faire à sa place. Il doit garder son autonomie autant que possible, l'estime de soi est tellement importante."
 

Des différences entre aides-soignants

Le gouvernement a pris des engagements auprès de la profession dans le cadre du Ségur de la santé. Les 400.000 aides-soignantes percevront une revalorisation de 183 euros nets par mois. Mais Manon ne voit toujours rien venir. "Nous sommes plusieurs dans ce cas là. Evidemment on ne fait pas ce travail pour l'argent. Mais j'estime que l'augmentation sera méritée." Olivier Varan, le ministre de la santé a promis que la revalorisation serait visible sur la fiche de paie dès le mois de décembre 2020.

D'autres se sentent "les oubliés du Segur", ce sont les aides-soignants à domicile qui travaillent pour des associations. Les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux ont été également oubliés. Les augmentations de salaires ne les concernent pas. "Comme ma voisine, raconte Manon, elle aussi a vu de près les malades du covid. Elle est essorée, elle se rend chaque jour au domicile de personnes âgées. Elle aide aux repas, aux petits soins, à la toilette. C'est comme s'il y avait plusieurs catégories d'aides-soignantes. C'est inadmissible." Dans certaines villes, elles ont d'ailleurs manifesté pour exprimer leur malaise. Cela concerne aussi tous les établissements de types Foyer de Vie, Foyer d'Accueil Médicalisé, Maison d'Accueil Spécialisée, Institut Médico-Educatif, Foyer de l'Enfance. Une manifestation est d'ailleurs prévue le jeudi 3 décembre à Charleville-Mézières, place de l'hôtel de ville. Manon est solidaire. Rien d'étonnant pour cette combattante de la première heure. 
 



 
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