Mon premier festival des marionnettes : entre surprise et retour en enfance

Fraîchement débarquée dans la région, je n'avais jamais assisté à un spectacle de marionnettes. Muppets, robotisées, articulées à l'aide de fils… je les ai longtemps assimilées aux vieux spectacles de guignols. Les festival mondial des théâtres de marionnettes m'a prouvé le contraire.

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A entendre parler espagnol à tous les coins de rue, j'ai d'abord cru m'être trompée de destination. A Charleville-Mézières, pour cette 20ème édition du Festival mondial des théâtres de marionnettes, la cité Ardennaise revêt des habits de ville monde. Pendant dix jours, la rue de la République, place Ducale, la rue du petit bois… et toutes les autres prennent les accents de tous les continents, grouillant d'artistes et visiteurs originaires d'Israël, du Chili, d'Argentine, du Japon…

Les marionnettes, à mes yeux, n'étaient que des spectacles de guignols. Dans mon souvenirs, ces spectacles étaient annoncés par une affiche sur fond bleu et rouge. Affiches placardées un peu partout dans le sud de la France, d'où je suis originaire. Elles avaient pris un sacré coup de vieux. Une fois arrivée à Charleville, j'ai compris que c'est mon esprit qui avait mal vieilli : en fait, elles sont bien plus modernes que je ne voulais le croire, ces petites marionnettes. Certaines sont même connectées. 
 

Pour certains spectacles, pas un enfant dans le public

Dans les rues, même celles qui utilisent les plus vieux procédés du monde, à savoir quelques morceaux de bois articulés par des fils, font rires petits et grands, moi la première. Quand Lourdes Pereyra fait bouger Edith Piaf sur une tablette de velours noir, je suis bluffée. Quand Georges présente Gwen, son marionnettiste, je ris. Dans le public de la libraire Plume et Bulle, à mes côtés, pas un enfant. Les adultes pouffent. "C'était trop bien", lance une sexagénaire. "Je reviendrai", lance un autre. Le personnel de la libraire est obligé de refuser du monde à chaque représentation, ne pouvant accueillir qu'une soixantaine de personnes à la fois.

La marionnette ne fait pas seulement rire d'ailleurs. En 2019, elle s'anime loin de son concepteur. Connectée, elle semble autonome. Dans Gimmie Shelter, de la compagnie Yokaï, la directrice artistique (qui est une ancienne de l'institut de la marionnette, est également passée par l'école de magie de Châlons) joue sur cet aspect, articulant à distance ses marionnettes. "Je veux entretenir le mystère. Ce lapin rose géant est-il un robot ou est-il animé par un comédien à l'intérieur?", questionne-t-elle. La marionnette devient alors angoissante, source de frayeurs. L'atmosphère y est angoissante, un raton-laveur empaillé prend vie, agonise. Les nouvelles technologies servent une nouvelle forme de narration et sortent la marionnette de ses carcans humoristiques. Elle se transforme en héroïne de film d'horreur. 
 

 

Des marionnettes en mousse, connectées, en bois

Même sans nouvelles technologies, les muppets, comprendre les marionnettes que l'on meut à l'aide de sa main, se transforment. Pour certaines, cela fait djéà une vingtaine d'années qu'elles sont parées à l'exercice, à l'instar des Guignols de l'info sur Canal Plus. Elles sont en mousse, en polystyrène mais elles ont un côté réaliste troublant. On voit bien qu'elles bougent grâce à leur marionnettiste (qui est situé juste derrière elle), mais leur manière de se mouvoir leur confère des attitudes quasi humaines. Avec humour, les grosses têtes de la famille Dhouib prennent une allure sociale.

Nous nous sommes basés sur l'oeuvre d'un sociologue qui a dressé le portrait d'une famille de Pantin, dans la banlieue parisienne. Les Dhouib nous font rire parce qu'ils nous ressemblent.
Jean-Louis Heckel, le directeur artistique de la famille Dhouib.


Des traits humains, et même si l'on sait que c'est la personne derrière elles qui les articulent, le doute est toujours là. Qui de la marionnette ou du marionnettiste est-il réel ? Parfois, je me suis posée la question, sans vraiment avoir envie d'y répondre.

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