Commémorations du 8 mai : le maire de Villers-Semeuse donne une leçon d'histoire au ministre des Armées

Le maire de Villers-Semeuse, Jérémy Dupuy, par ailleurs professeur d'histoire-géographie depuis plus de 20 ans, s'est permis de corriger le message de Sébastien Lecornu adressé pour les commémorations du 8 mai. Sur son compte twitter, l'élu des Ardennes souligne des erreurs de vocabulaire entraînant des confusions historiques.

"Quand tu es maire, prof d'histoire et historien, certaines corrections s'imposent !" Juste avant de se rendre à la cérémonie commémorant le 8 mai 1945 dans sa commune, Jérémy Dupuy, maire divers gauche de Villers-Semeuse, a ainsi tweeté une photo montrant le message du ministre des Armées corrigé. "Ce n'est pas pour faire polémique, explique-t-il quelques heures plus tard. C'est plus le professeur d'histoire qui parle. On essaye pendant nos cours d'enseigner au plus proche de l'Histoire et lorsque je vois à la 3e et 4e ligne du message du ministre des erreurs, je ne peux pas les laisser passer".

Un armistice est une trêve. Une capitulation un arrêt définitif et sans concession de la guerre. C'est une vraie erreur historique

Jérémy Dupuy, maire de Villers-Semeuse et professeur d'histoire

"Après six années de guerre, l'écho de l'Armistice se répand (...)", dit le message du ministre. "Qui dit guerre dit combat, rappelle avec précision Jérémy Dupuy, et c'est vraiment le sens de la phrase. Hors les combats ont débuté le 10 mai 1940. Ce ne sont donc pas six ans mais 5 ans de guerre". Et puis le mot armistice... laisse sans voix celui qui est prof certifié d'histoire et détenteur d'un DEA en histoire contemporaine. "On parle d'armistice pour le 11 novembre 1918. Pour le 8 mai 1945, on parle de capitulation ou de reddition. En plus, signée à Reims. Un armistice est une trêve. Une capitulation, un arrêt définitif et sans concession de la guerre. C'est une vraie erreur historique".

On ne parle plus, depuis longtemps, de camps d'extermination mais de camps de mise à mort. C'est ainsi qu'on l'enseigne à nos élèves. Le fait de retrouver ce mot dans le discours du ministre... je suis vraiment sidéré.

Jérémy Dupuy, maire de Villers-Semeuse et professeur d'histoire

Jérémy Dupuy, maire de Villers-Semeuse, a bien lu le message du ministre des Armées, en ce jour de commémoration. Mais il y a apporté les corrections utiles. "Nous étions entre 150 et 200 personnes ce matin au monument aux morts et notamment des enfants des écoles et du collège. On reproche aux enseignants les niveaux qui baissent, mais depuis 2014, date de mon élection, je vois, année après année, passer les discours rédigés dans les cabinets ministériels. Nous attendons des messages forts. Aujourd'hui, je ne pouvais pas ne pas corriger". Un autre mot a heurté l'historien : extermination. "Il y a plus de 15 ans, je suis allé à Auschwitz où j'ai assisté à des conférences. A l'époque, un grand historien, Tal Brutmann, nous avait expliqué que le mot extermination était utilisé par les nazis. On extermine la vermine. Grâce aux travaux de ces spécialistes, il a été décidé de ne plus utiliser ce vocable dans les manuels d'histoire. On ne parle plus, depuis longtemps, de camps d'extermination mais de camps de mise à mort. C'est ainsi qu'on l'enseigne à nos élèves. Le fait de retrouver ce mot dans le discours du ministre... je suis vraiment sidéré". 

Il y a un vrai enjeu autour de ces commémorations. Nos ministres, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont un devoir d'exemplarité

Jérémy Dupuy, maire de Villers-Semeuse et professeur d'histoire

Le maire de Villers-Semeuse a donc parlé de génocide des juifs et non d'extermination. "Je me demande si les personnes qui rédigent ces messages se rendent compte de leur portée. Les maires de toutes les communes de France le reçoivent. Il devrait donc être pensé, réfléchi. Sa lecture est quasi obligatoire lors des commémorations".

Un coup de gueule

Le tweet du maire divers gauche de Villers-Semeuse n'est pas passé inaperçu (plus de 26000 vues) et a même suscité quelques messages. "Quant à "extermination" rayé d'un trait, outre le manque de tact à l'égard des victimes, je ne suis pas sûr que vous soyez plus capé que tous les historiens qui ont utilisé ce mot. Un peu d'humilité, monsieur le maire", dit une personne en réaction. "Ce n'est pas une question d'humilité, précise Jérémy Dupuy. Je ne peux pas parler à mes élèves de capitulation et voir dans le discours d'un ministre, aujourd'hui, parler d'armistice. Utilisons les bons mots dans les bonnes phrases, les bons mots sur les bons événements. Nous avons deux cérémonies qui rassemblent, reprend-il. Celle du 8 mai et celle du 11 novembre. Elles rassemblent notamment des élèves, des enseignants, des jeunes du conseil municipal. Ce sont des moments très fédérateurs dans nos communes et pas "has been" du tout. Il y a un vrai enjeu autour de ces commémorations. Alors oui, c'est un coup de gueule que je pousse aujourd'hui. Nos ministres, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont un devoir d'exemplarité".

Un apprentissage citoyen

Pour Jérémy Dupuy, l'enjeu est donc de taille. "Aujourd'hui tous les collègues font un super boulot pour enseigner la 1ère et la 2e guerre mondiale avec des exemples locaux, et on en a beaucoup, et l'histoire mondiale, explique-t-il encore. Quelque chose qui avait disparu ces dernières années est en train de revenir : ce sont les projets pédagogiques autour de ces commémorations. C'est-à-dire que les enfants ne viennent pas, comme ça, prononcer quelques phrases,au monument aux morts. C'est l'aboutissement d'un vrai projet pédagogique. Dans nos communes, nous travaillons avec les enseignants, en amont de la cérémonie. Les élèves viennent voir le monument et je réponds à leurs questions. La cérémonie, c'est comme donner du concret avec la venue des anciens combattants. C'est aussi un moment privilégié, intergénérationnel. On donne du sens à ce que l'on fait. C'est un apprentissage citoyen".

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