Au Café de la Place, à Brieulles-sur-Bar, dans les Ardennes, il se raconte qu’un cheval s’est installé au comptoir. Anecdote de bistrot à l’imagination débordante, brève de comptoir lancée après quelques ballons (de rouge ou de blanc)… ou réalité.
Ce samedi matin-là, Laetitia, dit Lili, prépare sa jument... pas tout à fait comme tous les samedis. Cette cavalière expérimentée d’Oches dans les Ardennes s’est mise en tête de rallier, avec Shei, son cheval, le village de Brieulles-sur-Bar à une dizaine de kilomètres. Une idée un peu folle, surtout lorsque l’on connait la suite !
"Lili m’a contacté quelques jours plus tôt, raconte Jérôme Brancourt, photographe professionnel. Elle m’a dit qu’elle souhaitait faire des photos dans un petit bar qu’elle connaissait bien. Elle avait prévenu le propriétaire. Je lui ai dit ok, c’est une super idée, je te retrouve sur place. Sans moyen de locomotion, elle est venue à cheval. Nous nous sommes retrouvés au Café de la Place à 11h."
Ils sont très bien accueillis par le propriétaire du bistrot, Quiquine, et "il y avait même du monde sur place. Tout le monde s’est prêté au jeu".
En arrivant, j’ai attendu que Shei, ma jument, fasse ses crottins… avant d’entrer dans l’établissement avec elle.
Laetitia, propriétaire de Shei, jument de 15 ans.
"Ma jument est une ancienne compétitrice, formée pour faire des concours de saut, explique Laetitia. Nous sommes très très complices. Alors faire une heure, au pas, pour rejoindre le village d’à côté n’était pas compliqué en soi. J’avais prévenu le propriétaire du Café de la Place, Quiquine, que je connais bien. Il y a quelque temps, tous les matins, j’allais boire mon café avant de commencer le travail. Je continue à y aller le week-end. On y voit du monde, c’est un endroit convivial. Un jour, je lui ai dit : ce serait bien de faire quelque chose d’original dans ton café ! Je l’ai prévenu quelques jours avant pour ne pas arriver à une heure où je risquais de déranger ses clients".
Des gâteaux apéro pour Shei
Sur la place, Jérôme, le photographe, est fin prêt à immortaliser la scène. "En arrivant, j’ai attendu que Shei, ma jument, fasse ses crottins… avant d’entrer dans l’établissement avec elle. Il y avait 5-6 clients sur place et notamment une petite fille qui est même montée sur elle dans le café. Les clients l’ont caressé, ont pris des photos et des vidéos. On a bien discuté !" Shei, elle, est restée impassible en mangeant les gâteaux apéritifs offerts par le patron accompagné d’un seau d’eau pour calmer sa soif.
Quand on demande à Lili, quelle idée lui est passée par la tête, elle répond : "Je n’aime pas faire les choses comme les autres. J’aime avoir des idées insolites, qui sortent de l’ordinaire."
De l’insolite pour se faire connaître
Si le domaine équin ne lui est pas totalement inconnu, Jérôme Brancourt n’est pas un spécialiste des photos insolites. Faire plaisir à la jeune cavalière est sa première motivation.
À 48 ans, Jérôme est un jeune photographe reconverti. Chauffeur de bus à Compiègne jusqu’en juillet dernier, il a décidé de sauter le pas. "Je commençais à m’ennuyer à faire toujours la même chose, avec des amplitudes horaires importantes et un petit salaire. Ça ne m’apportait plus rien".
Par contre, la photo est devenue une passion presque dévorante, accentuée depuis que sa fille est devenue cavalière quelques années plus tôt. "J’en ai parlé à ma patronne qui m’a encouragé. Elle a été très compréhensive et a mis en place une rupture conventionnelle. J’ai commencé mon nouveau métier en août dernier. Au début, et même encore maintenant, j’ai encore des doutes, mais je me donne à 100% et je me suis donné un an pour réussir. Comme on dit souvent : qui ne tente rien n’a rien. La photo, c’est ce qui me rend heureux, où je suis moi-même. J’ai l’impression d’avoir trouvé ma voie".
Jérôme Brancourt est basé dans l’Oise et il travaille le plus clair de son temps dans les Ardennes. "C’est là où se trouve le début de mon réseau de clients et où je fais la plupart de mes photos. Je ne suis connu de nulle part".
Accepter de faire une heure de route pour photographier une jument au comptoir du Café de la Place de Breuilles-sur-Bar, il n’en aurait pas rêvé ! Mais cette brève de comptoir est une belle occasion de faire parler de lui ! "Ce sont des moments qui peuvent me faire connaître."