Un rassemblement est prévu ce mardi 3 août sur la friche Porcher de Revin, qui devait accueillir les cycles Mercier et relancer ainsi l'économie dans la vallée. Les élus, à l'origine de la manifestation, ne comprennent pas pourquoi l'état a annoncé jeudi son désengagement dans cette installation.
"C'est catastrophique, parce que les gens espéraient : quand on vous promet 270 emplois, c'est quand même très important !" Daniel Durbecq, maire DVD de Revin, est dépité et en colère. Jeudi 29 juillet, l’Etat a en effet annoncé son désengagement dans le financement de l’installation des cycles Mercier sur une friche de sa commune. Pour l’élu, c’est un coup dur pour la ville, mais aussi pour la vallée de la Meuse et ceux qui y habitent. Il poursuit : "Il faut penser aussi à la sous-traitance ! Il y a de petites entreprises, sur Fumay, sur Vireux, avec qui on avait déjà des contacts. Ce sont des entreprises qui allaient aussi embaucher, peut-être cinq ou dix personnes. C'était encore des embauches et du travail pour la vallée !" Pour lui, ce revirement de l’Etat est incompréhensible. Ce mardi 2 août à 10h45, il se rendra donc avec d'autres élus du territoire sur la friche industrielle Porcher qui devait accueillir la nouvelle usine, et réclamera, à l'occasion de ce rassemblement citoyen, des réponses de la part de l'Etat.
L’histoire avait pourtant bien commencé, et en grande pompe. En mars 2021, un mois après l'annonce de l'installation, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, avait même fait le déplacement jusqu’à Revin et affirmait avec force : "Nous ne sommes plus dans le discours qui consiste à dire « les territoires ruraux sont désindustrialisés, c’est comme ça»… Nous, on dit : il faut leur donner leur chance et c’est ce que nous avons fait, ici".
Un revirement sur lequel l'Etat refuse de s'expliquer
Alors que s’est-il passé ? Pourquoi ce brusque changement de position ? Il est difficile d’obtenir des réponses à ces questions. D’après nos informations, il fallait agir vite, selon l’Etat, parce que les collectivités territoriales s’apprêtaient à engager d’importantes sommes sur le site de la friche industrielle Porcher, ancien fabricant de sanitaires qui accueillait jusqu’en 2011 une usine du groupe Ideal standard. Mais pour les élus, qui voient s’envoler la perspective de centaines de création d’emplois, l’explication semble un peu mince.
Le rassemblement de ce mardi, à l'initiative de Pierre Cordier, député LR des Ardennes, sera donc l'occasion de demander à l'Etat des réponses concrètes sur ce qui a fait pencher la balance en défaveur des cycles Mercier. "Il faut que l’état rende des comptes, assène le député de la 2e circonscription du département. "Parce que le projet était intéressant : les cycles Mercier, c’est une marque française, qui a prospéré, et qui porte la mobilité de l’avenir, avec le vélo et le vélo électrique. De nombreuses voies cyclables sont créées dans les communes, les gens peuvent emprunter la voie verte pour aller au travail. C’est tout cela qu’il y a derrière ce projet".
Le vélo, ce n’est pas une petite affaire. Cela va prendre de l’ampleur, j’en suis convaincu. C’est un mode de déplacement qui va se développer.
Ce coup d'arrêt au projet plonge aussi les habitants de la vallée dans une grande désillusion : "C’est triste, c’est malheureux, se désole cette Revinoise. On pensait que ça allait faire revivre un peu la ville et y apporter du dynamisme, et peut-être même plus de population". Une bouffée d’air providentielle pour la cité ardennaise, qui voit son taux de chômage atteindre les 27%. Mais avec six millions d’euros en moins – la participation annoncée de l’état – sur les 15 millions nécessaires, l’affaire semble pliée, même si le porteur de projet, le patron des cycles Mercier Jean-Marc Seghezzi, espère encore. La bouée de sauvetage a crevé, pour reprendre l’expression du maire de Revin.
La valse des promesses non-tenues
Ce n’est pas la première fois que des projets s’envolent sur les friches industrielles revinoises. Le feuilleton Arthur Martin Elextrolux a laissé des traces dans les esprits, tout comme l'échec de l'installation de Cevital et de son usine d’équipement de purification d’eau, en 2018. Deux déconvenues qui rendent les locaux sceptiques. "J’ai déjà été déçu quand Electrolux a fermé, parce que j’y travaillais… Là, ça recommence", constate un habitant de Revin. Et Bernard Dekens, président (LR) de la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse de renchérir : "Chaque fois qu’un ministre vient, c’est pour nous annoncer que cela va aller bien, et à chaque fois, ça ne va vraiment pas bien du tout".
Franchement, s’il y a d’autres dossiers qui s’installent sur la communauté, je ne pense pas que je demanderai au ministre de venir, et s’il vient quand même, je n’irai pas.
"Des emplois plutôt que de l'argent"
D’autres projets. Mais y’en aura-t-il encore de cette ampleur ? C’est l’espoir exprimé par le conseil départemental des Ardennes, via un communiqué : "Face à cette situation, le conseil départemental des Ardennes attend de l’État non pas de simples compensations financières à la hauteur des 6 millions d’euros promis pour le dossier des Cycles Mercier mais bien un véritable engagement dans l’arrivée d’un ou plusieurs projets à Revin, à la hauteur de l’espoir suscité précédemment". L’Etat, en effet, s’est engagé à rediriger les 6 millions d’euros promis vers d’autres investisseurs ou d’autres projets dans le département. "Du saupoudrage", pour le député Pierre Cordier qui s’explique : "Ce n’est pas de moyens dont on a besoin, ce sont des emplois. Nous donner de l’argent, c’est intéressant mais on préfère des gens qui investissent dans l’économie et s’installent dans les Ardennes plutôt que de répartir ces six millions d’euros sur de petits investissements qui, à terme, ne créeront que peu d’emplois".
Et le conseil départemental de confirmer : "L’État doit mobiliser tous ses moyens et toutes ses ressources pour soutenir et accompagner ce territoire qui n’a déjà que trop souffert et dont les habitants espèrent aujourd’hui un véritable redémarrage économique".
Alors ce mardi 3 août, les élus espèrent que les citoyens seront nombreux à venir exprimer leur désarroi, leurs interrogations, leur incompréhension face à ce désengagement de l’État dans un projet qui aurait pu leur redonner un peu d’espoir.