La mise en accessibilité des transports en commun est un travail de longue haleine. Dans l'agglomération d'Ardenne Métropole, qui regroupe notamment Sedan et Charleville-Mézières, des difficultés peuvent persister, mais la collectivité assure veiller de près pour améliorer les choses.
Jean-Noël Scheidt est en fauteuil roulant depuis un peu plus d'un an. Cet habitant de Sedan, dans les Ardennes, regrette de ne pas pouvoir prendre le bus aussi simplement qu'il le voudrait.
Alors que les bus TAC sont équipés de rampes rétractables et que l'arrêt situé près de chez lui dans le centre de Sedan a été mis à niveau, il dit avoir subi de nombreux dysfonctionnements sur la vingtaine de fois où il a tenté de prendre les transports en commun. "Il y a juste un bus sur deux qui fonctionne en fait. C'est vraiment très peu", affirme-t-il.
Il dit avoir été contraint de faire plusieurs fois le trajet de deux kilomètres qui le sépare du centre commercial où il fait ses courses avec son fauteuil, avec des trottoirs pas toujours adaptés et des automobilistes à la vigilance perfectible.
Ne pas savoir s'il pourra ou non emprunter un bus qui doit théoriquement lui être accessible est "vraiment un frein", pour Jean-Noël. "Si mes amis me disent qu'on va faire des courses, je leur dis non. Je ne peux pas venir, parce que si le bus n'est pas adapté, je dois porter mes courses."
"L'ensemble de la flotte est équipée"
Jérémy Dupuy, vice-président de la communauté d’agglomération Ardenne Métropole en charge des mobilités, auquel nous avons soumis la situation de Jean-Noël Scheidt, insiste sur les efforts déployés par la collectivité pour rendre accessible son réseau de transports en commun, même s'il ne nie pas que des difficultés peuvent persister.
"On a 38 bus et 15 cars et l'ensemble de la flotte est équipée de rampes d'accès", rappelle l'élu. Et les bus sont adaptés "pour tous les types de handicap : mobilité réduite, malvoyant, sourd". L'accessibilité des véhicules répond de toute façon à une obligation légale. Mais certaines collectivités ont davantage de retard dans sa mise en œuvre.
Tous nos bus et tous nos cars sont équipés. Après, on n'est pas à l'abri d'avaries techniques. C'est du matériel qui est malheureusement assez sensible.
Jérémy Dupuy, Ardenne Métropole
Les difficultés rencontrées sur certaines rampes peuvent s'expliquer, selon l'élu, par le fait que certains bus en ont été équipés après leur construction. Une situation qui les rend moins fiables que les bus plus récents équipés dès leur conception.
Ce problème est amené à progressivement disparaître, car le parc de véhicules est remplacé au fur et à mesure. "Tous les ans, on a deux nouveaux bus qui rentrent sur notre parc et ils sont équipés de rampes dernier cri. Forcément, ils poseront moins de problèmes que les deux qui sortent du parc", assure le vice-président en charge des mobilités.
Pendant un temps, on faisait des tests quasi-hebdomadaires sur l'ensemble de nos rampes. Il faut qu'on continue à le faire et les réparer rapidement quand c'est nécessaire.
Jérémy Dupuy, Ardenne Métropole
Une grande part des arrêts progressivement mis aux normes
L'élu indique que le réseau de transports a répertorié une dizaine d'usagers en fauteuil roulant qui utilisent régulièrement les bus. Il invite ceux qui sont dans cette situation à se manifester auprès du transporteur, afin de l'alerter et lui permettre de veiller encore davantage à la bonne marche des rampes d'accès sur les lignes qu'ils comptent emprunter.
Du côté des arrêts de bus, tous ne doivent pas être mis aux normes. La loi prévoit de concentrer les forces sur les arrêts jugés prioritaires. Cette caractéristique est liée à plusieurs facteurs comme la fréquentation, la présence d'un pôle d'échanges ou alors l'existence d'une ligne structurante.
"Sur les 58 communes du territoire d'Ardenne Métropole, on dispose de 557 points d'arrêt. Sur ces 557 points, selon la loi, on a 206 points d'arrêt prioritaires qui doivent être rendus accessibles. Ensuite, il en reste 351 qui ne sont pas obligatoires", précise Jérémy Dupuy.
La mise en accessibilité est réalisée par les communes, qui ont toujours la compétence de la voirie dans le secteur d'Ardenne Métropole. En fonction du budget qu'elles peuvent y allouer, les travaux avancent progressivement "La mise en accessibilité d'un arrêt de bus, c'est entre 6 000 et 14 000 euros selon la complexité", rappelle l'élu.
À l'heure actuelle, 174 arrêts prioritaires ont été traités, soit 84% du total. Il en reste 32. "Certains sont programmés au cours de futurs travaux, d'autres sont en attente".
Mais les collectivités ont également décidé de mettre aux normes un certain nombre d'arrêts non prioritaires, afin par exemple de rendre tous les arrêts d'une même ligne accessibles. À Charleville-Mézières par exemple, 71 arrêts non prioritaires sur 141 ont été rendus accessibles.
Sur l'ensemble du territoire d'Ardenne Métropole, environ 35 % des arrêts non prioritaires ont été mis aux normes. L'objectif de la collectivité est bien sûr de parvenir à l'accessibilité totale, mais cela prendra encore du temps.
Un service de minibus dédié aux PMR appelé à disparaître
En attendant, la communauté d’agglomération a mis en place un service de minibus pour prendre en charge les personnes à mobilité réduite (PMR), et les transporter d’un point A à un point B de leur choix. Imaginé pour suppléer le réseau de transport en commun dans les secteurs où il n'est pas encore mis en accessibilité, ce service n'est pas proposé à Sedan. Il ne concerne que dix communes, dont Charleville-Mézières*.
Mais ce service, facturé 3 euros le trajet contre 1,2 euro pour le bus, n'est de toute façon pas aussi souple que le réseau de transport en commun. Il faut en effet réserver son itinéraire au plus tard la veille au soir. Impossible donc de décider de se déplacer au dernier moment.
Ce service de transport à la demande s'arrêtera en 2024. Cette date correspond à l'entrée en vigueur de la nouvelle délégation de service public pour les transports de l'agglomération. "Il avait vocation à exister tant que l'accessibilité n'était pas réalisée", rappelle Jérémy Dupuy. Avec le travail réalisé sur l'adaptation des arrêts et des véhicules aux personnes à mobilité réduite, il n'a plus de raison d'être maintenu.
* Il s'agit des communes de l'ancienne communauté d'agglomération de Charleville Coeur Ardenne, à savoir Aiglemont, Charleville-Mézières, Gespunsart, Lafrancheville, Lagranville, Montcy-Notre-Dame, Nouzonville, Prix-lès-Mézières, Villers-Semeuse et Warcq.