À Donchery (Ardennes), on trouve un vieux blockhaus des années 40. Un couple nordiste a jeté son dévolu dessus afin de lui rendre son lustre d'antan et d'en faire un gîte. Une cagnotte participative a été lancée le 1er février, se termine le 20 mars en n'ayant récolté qu'un tiers des fonds nécessaires.
Dormiriez-vous dans un blockhaus (les Ardennes en sont couvertes) ? Un couple nordiste en a très envie, et est à l'origine d'une initiative tant historique qu'écologique.
Afin de mener à bien la restauration d'un blockhaus de la Seconde Guerre mondiale, une cagnotte participative a été lancée au début du mois de février 2022. À deux semaines de sa conclusion, le vendredi 18 mars, elle n'a récolté "que" 1.300 euros, soit le tiers des fonds minimaux nécessaires au projet. À l'issue des travaux, ce blockhaus pourrait devenir un gîte historique (comme dormir dans un petit musée).
En attendant, le samedi 2 avril, une sorte de journées portes-ouvertes/bénévolat est organisée pour faire découvrir les lieux. Mais aussi donner un petit coup de main au passage, car il y a parfois jusqu'à un mètre de terre à dégager à l'intérieur. L'Écoblockhaus est situé à Donchery (Ardennes, voir sur la carte ci-dessous).
France 3 Champagne-Ardenne a joint le porteur du projet, Yohan Demandrille. Avec sa compagne, Yasmine Aboubacar, il se démène pour trouver les fonds nécessaires... car c'est un blockhaus qu'il connaît bien.
"En fait, je suis né à Sedan. Jusqu'au bac, j'ai fait ma jeunesse à Sedan. C'est pour le travail que je suis ensuite parti des Ardennes [au profit du Nord; ndlr]. Toute ma famille et mes amis y sont restés, et je reviens régulièrement."
L'histoire mise en avant, mais pas que
Celui qui travaille dans les statistiques vante le rôle "majeur" de cet ouvrage lors de la percée de Sedan. Son histoire gagne à être connue. Le passionné n'en est qu'au début de ses recherches et a contacté des historiens pour en apprendre le plus possible. Il s'est notamment rapproché de l'héritier du lieutenant Camille Drapier, qui commandait le blockhaus en 1940. Mais la priorité pour le moment n'est pas l'histoire, mais le commencement - et le financement - des travaux, prévus au printemps 2022.
La première étape a été d'acquérir, auprès de l'agriculteur local, le lopin de terre où se trouve le blockhaus (2.000 m²). C'était au mois de décembre 2021. "C'était sur nos fonds personnels. Les banques, clairement, elles estiment que ce n'est qu'un terrain sans bâtiment : elles ne prêtent pas. On a fait face à un mur, c'est pour ça qu'on fait un financement participatif."
On a fait face à un mur de la part des banques, c'est pour ça qu'on fait un financement participatif.
Yohan Demandrille, co-fondateur de l'initiative Écoblockhaus
Axer la communication sur l'aspect historique ne semble pas avoir permis de rencontrer un large écho. Par contre, un gîte insolite, ça parle plus. "L'idée, c'est d'être en immersion en mai 40, en y passant la nuit. Ce serait trop petit pour un musée : le blockhaus fait 40 m² [bien moins que celui de Châlons-en-Champagne, qui a ouvert au public; ndlr]. Je pense que ce serait très compliqué d'attirer ainsi du public."
Dormir comme à l'époque
Proposer d'y dormir, ça passe mieux. "On leur proposerait de se déconnecter du monde pour la nuit, sans Internet ni télé." Un peu comme à l'époque, quoi. De plus, aucun raccordement au courant ou au réseau d'eau n'est prévu. À la place, recourir à des panneaux solaires et des toilettes sèches est envisagé : moins cher, plus écolo. Il y aurait bien une "petite salle d'eau" approvisionnée, mais ce serait "en quantité limitée, pour apprendre à s'en servir efficacement". Ni plus ni moins ce que les soldats ont connu à l'époque, en somme.
Mais le confort ne sera pas sacrifié. "L'idée n'est pas non plus de faire dormir les gens sur des lits en paille. Ce sera confortable comme dans tous les gîtes, l'immersion historique en plus." Le mobilier sera d'ailleurs d'époque. "Mais pas des vrais, j'ai un peu peur que ça ait de la valeur et de laisser le public avec sans surveillance." C'est vrai qu'on s'imagine mal passer la nuit au musée. On privilégierait donc des reproductions de meubles et d'équipements, faisant intervenir des entreprises locales.
L'argent, le nerf de la guerre
De la signalétique pour le grand public est envisagée à l'extérieur du blockhaus. Mais on en est encore loin et la réflexion à ce sujet est toujours en cours. Pour ça, il faudrait aussi l'aval de la municipalité. "Le maire est partant à 100%, le projet est suivi à fond." Une subvention n'est toutefois pas prévue, la mairie manquant de moyens. Il s'agit donc d'un soutien moral, qui sera bien utile lorsqu'il faudra demander certaines autorisations à l'administration et aux collectivités.
En attendant, le financement participatif sur Ulule suit - timidement - son cours. Les 5.000 euros (minimum) requis pour (juste) le début du projet n'ont pas encore été atteints (plusieurs paliers sont prévus jusqu'à 20.000 euros). "C'est vraiment pour lancer les travaux, les devis pour le terrassement sont de 5.000 euros." Si ce premier palier n'est pas atteint, tout l'argent collecté sera perdu (il sera rendu aux gens qui ont donné) et l'Écoblockhaus ne touchera rien, ce qui handicapera sérieusement le projet.
Aux personnes qui critiqueraient les sommes mises en jeu pour restaurer ce vieil ensemble bétonné qui n'intéresse pas forcément grand-monde, Yohan Demandrille défend ses objectifs et tient à préciser que "c'est important de mettre en avant le tourisme en terre ardennaise, qui est très riche mais très peu connu. Attirer ainsi des gens et faire marcher les commerces, c'est une bonne idée."
Il argue aussi du fait que "du point de vue historique, c'est important de garder en mémoire notre passé. On a un rôle à jouer. Ces bâtiments sont à l'abandon depuis un certain temps, et c'est important de les garder." Il est vrai qu'il n'est jamais bon d'oublier qu'il y a eu la guerre, surtout en ce moment alors qu'un nouveau conflit majeur s'est ouvert aux portes de l'Europe... Il s'agit pourtant du continent qui, par son histoire, aspire le plus à la paix.