À l'hiver 2017-2018, la Champagne, et particulièrement l'Aube, avait très été durement touchée par la montée des eaux, avec 90 communes reconnues victimes de catastrophe naturelle. Un an après, la vie des habitants a-t-elle repris son cours normal ? Comment lutter contre le phénomène ?
Le département de l'Aube a souffert de l'hiver 2017-2018. Les crues, notamment de la rivière éponyme et de la Seine, avaient alors approché des niveaux records, comme ceux atteints en 1910, engendrant de nombreux dégâts dans les habitations et sur la voie publique. À Bar-sur-Aube, particulièrement touchée, les habitants ont assisté, impuissants, à la force dévastatrice de l'eau. Un an après, le traumatisme est encore bien présent.
"En trente ans, on avait jamais eu d'eau dans la maison. C'était la première fois, raconte Arnaud Salinas, un Baralbin historique. Pendant trois jours, on était sur le qui-vive, sans électricité, donc pas de chauffage. Donc on s'éclairait à la lampe torche le soir et on surveillait constamment la montée de l'eau. C'était traumatisant. Moralement, c'est vraiment une épreuve."
Une priorité : protéger la population
Face à l'ampleur de ces inondations, comment mieux anticiper, pour préserver et prévenir les risques ? Dans l'agglomération troyenne, on essaie de répondre depuis un an à ces questions avec notamment la création d'un plan d'action de prévention des inondations, il vise dans un premier temps à protéger les populations."On va chercher la protection directe des habitants. Faut-il les évacuer, les maintenir chez eux ? Peut-on tenir les réseaux d'électricité, d'assainissement, de téléphone, pour que la vie puisse continuer malgré l'inondation ? C'est l'objectif qui est à atteindre, car nous n'avons malheurement aucune solution," concède Jean-Michel Viart, vice président de Troyes Champagne Métropole.
Le niveau de l'Aube en janvier 2018 et janvier 2019 rue de Mathaut à Bar-sur-Aube (Aube).
Aménager des digues, surélever les berges
Mais alors est-il possible d'empêcher ces débordements, lorsque les pics de crues sont atteints ? Dans le quartier de Foisy, à Saint-Parres-aux-Tertres, la digue de protection, entièrement réhabilité en 2013, a permis de protéger tout un quartier des inondations. Sur le même modèle, à La-Chapelle-Saint-Luc, des travaux vont débuter au mois d'avril 2019. L'objectif est d'y recréer une digue, 40 centimètres au-dessus du niveau de 1910.800km de rives, des dizaines de cours d'eau traversent le département, mais il est interdit de construire des digues sur ces sites naturels. Seule alternative, rehausser les berges affaissées avec le temps, à leur niveau naturel. À Virey-Sous-Bar, des travaux ont été effectués dans ce sens pour éviter que la ville ne soit à nouveau sous les eaux cet hiver. "En remettant la berge à son niveau naturel, on va laisser un volume d'eau conséquent dans la rivière, souligne Philippe Dossot, référent SDDEA de la commune. Par contre, si le débit est supérieur à la capacité de la rivière, l'eau sortira de son lit à un autre endroit et nous seront malheureusement à nouveau inondés."
La remontée des nappes phréatiques
Ces submersions paraissent donc difficiles à contrer. Mais il y a encore plus coriace : les remontées de nappes phréatiques. La rocade troyenne en a fait les frais. L'eau créant d'impressionnants embouteillages pour les 35 000 voitures qui empruntent quotidiennement cette portion. Il a fallu près de cinq mois de pompage et 160 000 euros pour la remettre en état.Le Département tente, par des forages et des sondes utilisés à des endroits stratégiques de la rocade, de contrôler le niveau de cette nappe. "Ce sont des outils que l'on met en place pour un suivi mensuel, qui va nous permettre d'anticiper, que ce soit en curatif - pompage - ou en préventif - drainer la nappe," signale Arnaud Sylvestre, directeur de l'exploitation des routes au Conseil départemental de l'Aube.
Peut être une solution de prévention pour ce quartier de Saint-Julien-les-Villas, dont les maisons baignent irrémédiablement dans l'eau à chaque remontée de nappe. Christine, comme son voisinage, n'y a pas échappé en 2018. Alors elle a pris des précautions : ses biens entreposés dans sa cave sont tous rangés sur pilotis. "On a monté tout ce qui est meubles, électroménager, en hauteur, au cas où ça déborde dans le sous-sol. Je pense que ça se reproduira," confie-t-elle.
La capacité des lacs-réservoir mise à rude épreuve
Le phénomène semble inarrêtable. Pourtant, les quatre lacs réservoir ont joué pleinement leur rôle, Le lac réservoir Seine par exemple a stocké à lui seul 155 millions de m3 d'eau (soit le contenant de 50 millions piscines olympiques remplies à ras bord), car il est tombé en quelques jours l'équivalent de trois mois de pluie sur le département.Une période exceptionnelle que les équipes technique du lac on dû gérer nuit et jour. "En un mois, le lac a pris une hauteur de 8,5 mètres ! s'exclame Brice Pieur, technicien d'exploitation à l'EPTB Seine-Grands Lacs. On l'a rempli à pleine capacité au mois de janvier 2018, et c'était inédit depuis sa mise en service en 1966."
Pour éviter de nouvelles inondations, un projet de réservoir pouvant contenir 9 millions de m3 est à l'étude. Il devrait voir le jour en 2023. Mais situé à la frontière de l'Yonne et de la Seine, il n'aura pas d'influence sur notre département. Malgré tout, d'après une estimation de la caisse centrale de réassurance. Les quatre lacs déjà existants auraient permis de réduire de près de 90 millions d'euros les dommages liés aux crues de 2018.