Après l'avoir qualifiée de "menteuse", Sabrina Kouider assure que "l'esclave" à la maison, c'était elle et non Sophie Lionnet. Telle est la défense de la meurtrière présumée. Elle et son compagnon sont accusés d'avoir tué la fille au pair originaire de l'Aube. Leur procès se poursuit à Londres.
"Menteuse", "heureuse" et maintenant "princesse", pour Sabrina Kouider, Sophie Lionnet "s'amusait". On n'est loin, très loin, du calvaire qu'a vécu la jeune fille au pair, originaire de l'Aube, durant ces 20 mois avant sa mort.
A la barre, la co-accusée, Sabrina Kouider assure que la victime vivait "comme une princesse" à Londres où elle gardait les deux enfants de ses employeurs.
"C'était moi l'esclave dans la maison", s'est-elle insurgée, interrogée par le procureur. "C'était moi qui cuisinait, nettoyait".
La jeune fille mentait à sa mère quand elle lui écrivait vouloir rentrer chez elle, mais en être empêchée faute d'être payée par ses employeurs, a prétendu l'accusée, qui comparaît aux côtés de son compagnon Ouissem Medouni devant la Cour criminelle
de l'Old Bailey, à Londres.
Même durant la période de Noël 2016, alors que Sophie Lionnet n'avait plus vu sa famille depuis son embauche un an plus tôt, elle a préféré rester chez eux, selon elle.
"Elle était très, très heureuse. Elle ne voulait pas aller dans sa famille", a affirmé cette mère de famille de 35 ans, chevelure noire lâchée sur une veste sombre.
Elle aurait pu partir n'importe quand si elle le voulait. Elle avait de l'argent
"Elle ne l'a pas demandé parce que nous avions des moments formidables", a-t-elle poursuivi. "Elle s'amusait. (...) Je pense que c'est le meilleur Noël que nous ayons jamais eu".
Sabrina Kouider a soutenu que la jeune nounou "aurait pu partir n'importe quand si elle le voulait. Elle avait de l'argent". Elle a assuré l'avoir payée 50 livres par semaine, plus des "extras" tels que des vêtements.
L'accusée a une nouvelle fois démenti avoir torturé et tué Sophie Lionnet, dont le corps carbonisé a été retrouvé le 20 septembre 2017. Elle a reconnu uniquement l'avoir frappée avec un câble électrique à une reprise.
Sabrina Kouider et Ouissem Medouni s'accusent mutuellement du meurtre. "Je n'ai pas tué Sophie", a martelé Sabrina Kouider. "Je traitais bien Sophie. Je la respectais", a-t-elle dit, avançant avoir même été "trop gentille" et "trop généreuse" avec la jeune fille.
Sabrina Kouider était persuadée que la victime avait comploté avec Mark Walton, père d'un de ses deux garçons et fondateur du boys band Boyzone, pour droguer et abuser sexuellement de sa famille. Pour la faire avouer, Ouissem Medouni et elle lui faisaient subir des interrogatoires musclés et enregistrés, le dernier, filmé, ayant été mené peu avant son décès.
"Si ce n'était pas vrai, pourquoi Sophie est venue me le dire", a-t-elle rétorqué au procureur Richard Horwell qui l'interrogeait. "Peut-être essayez-vous de protéger Mark Walton. Oui, vous essayez de protéger Mark Walton", lui a-t-elle lancé, accusant aussi la police de n'avoir pas agi.
"Tout est toujours la faute de quelqu'un d'autre avec nous, n'est-ce pas?", a déploré le magistrat.
Interrompant régulièrement le procureur, Sabrina Kouider s'est énervée, haussant le ton et s'exprimant d'une voix tremblante et saccadée, parfois ponctuée de pleurs.
"Sophie, elle me rendait folle!", a-t-elle fini par lâcher. "Elle agissait de manière malfaisante" mais "elle jouait la victime", a-t-elle
ajouté. "C'était moi la prisonnière (...) pendant que Sophie se baladait (dans la maison) avec Mark Walton", a-t-elle encore affirmé.
Le procureur lui a demandé de regarder une photo de la victime, où elle apparaît émaciée et effrayée, peu avant sa mort. "Que diable est-il arrivé à cette femme?".
"Je ne sais pas", a répondu l'accusée, blâmant la mauvaise qualité de la photo avant de noter que Sophie Lionnet était "mince". Richard Horwell a mis en exergue ses incohérences.
"Vous êtes le dernier témoin dans cette affaire. Ceci pourrait être la dernière occasion pour vous de dire à ce jury ce qui s'est passé", lui a-t-il fait remarquer. "Avez-vous quelque chose à dire?" "Non. J'ai tout dit et tout ce que j'ai dit est vrai", a rétorqué Sabrina Kouider. Plus tard, pressée de questions, elle s'effondre en pleurs: "Je n'en peux plus".
Le procès, commencé le 19 mars, se poursuit la semaine prochaine.