Un décret autorisant l’aigrainage a été publié ce jeudi 26 mars par la préfecture de l’Aube. La pratique contestée consiste à nourrir artificiellement les sangliers, en apportant directement de la nourriture dans leurs forêts. Objectif : limiter les dégâts pour les agriculteurs.
En pleine période de confinement dû à l’épidémie de Covid-19, les chasseurs restent chez eux. Au grand bonheur des sangliers. Car avec la mise en pause contrainte de la chasse, leur nombre reste très important dans l’Aube, comme nous vous l’expliquions déjà au début de la période de chasse. Pour limiter les dégâts que pourrait causer cette surpopulation, le préfet de l’Aube a autorisé ce matin une reprise de l’agrainage (méthode permettant d'attirer le gibier en répandant du grain sur le terrain de chasse).
Pour la préfecture, le but de la manœuvre est simple : tout faire, pour que les sangliers ne quittent pas leurs forêts et ne déferlent vers les champs d’agriculteurs.
Contre les sangliers, protéger les semences
À la Fédération départementales des syndicats d’exploitants agricoles de l’Aube, on se réjouit de cette décision. Car elle tombe précisément dans un moment stratégique : celui où les paysans plantent les semences pour la saison à venir. Pour les porcins, il s’agit d’une nourriture potentielle, notamment le maïs dont ils raffolent. En charge du dossier « dégât lié au gibier » à la FDSEA, Gauthier Bruno explique la position de son syndicat : « Si on ne met pas en place l’agrainage dès maintenant, on fait courir un risque pour nos plantations. Cette année, les dégâts sont déjà estimés à 600.000€ dans l’Aube. C’est le double de l’année dernière. »Pour autant, l’agrainage est aussi vivement critiqué : pour d’autres organisations, comme la Confédération paysanne, la pratique est l’une des causes de la prolifération des sangliers. Car les stocks de nourriture qu’apportent les chasseurs dans l’habitat des suidés, s’additionnent aux ressources de la forêt dont disposent déjà les bêtes. « Oui, dans plusieurs zones il y aura probablement encore des problèmes de population l’année prochaine », admet l’agriculteur. À court terme, la solution pourrait cependant éviter de gâcher la récolte à venir.
D’autres départements concernés, comme la Marne et la Haute-Marne, suivront aussi.
- Gauthier Bruno, responsable "dégât des gibiers" à la FDSEA de l'Aube
« Agrainage de dissuasion »
Du côté des chasseurs aussi, on approuve la décision du préfet. « On ne peut qu'être d’accord puisque c’est nous qui l’avions demandé au préfet, dans un courrier commun avec la FDSEA », explique Jacky Desbrosse, président de la Fédération des chasseurs du Grand-Est. « Nous avions eu une réunion avec le ministre en charge du dossier – Didier Guillaume – plus tôt, et il a été convenu qu’il appartiendrait aux départements de prendre des dispositions, selon leurs situations. » Pour le chasseur, il s’agit avant tout d’un « agrainage de dissuasion », qui permettrait de contenir les porcins dans leurs zones d’habitats. De plus, il fait valoir que la technique s’effectue seul par le chasseur, sans faire courir de risque sanitaire.Concernant les critiques portées sur l’agrainage, Jacky Desbrosse les rejettent : « On tient à le rappeler, pour nous l’agrainage ce n’est pas la cause de la surpopulation des sangliers. Ce qui l’enclenche, c’est la fructification saisonnière, ce sont les hivers trop doux qui facilitent la reproduction des porcins. » Avec l’arrêt précoce de la chasse que le confinement a entraîné, le président de la Fédération des chasseurs assurent qu’ils se préparent désormais pour la prochaine saison.