Pierre Rigaux a publié ce samedi 27 mars une vidéo dans laquelle il dénonce les pratiques de l'amicale des chasseurs des Hautes Ventes, une association située au sud de Troyes. Des pratiques légales, dont le naturaliste questionne la moralité.
La chasse n'a pas fini de diviser. Le dialogue entre chasseurs et naturaliste semble au point mort. Une nouvelle vidéo du naturaliste Pierre Rigaux, publiée sur ses réseaux sociaux ce samedi 27 mars, l'illustre un peu plus. Durant six minutes, le militant résume des mois d'enquête visant les pratiques de l'amicale des chasseurs des Hautes Ventes, située dans le sud de l'Aube. France 3 Champagne-Ardenne répond à trois questions qui se posent autour de cette vidéo.
Qu'est-ce qui est reproché aux chasseurs ?
Le militant anti-chasse dénonce le fait que les chasseurs nourrissent des sangliers et entretiennent leur population, ce qui va à l'encontre de l'argument régulièrement utilisé par ces derniers, selon lequel les chasseurs aident à la régulation des espèces nuisibles (le sanglier en fait partie). "Si on veut réguler la population de sangliers, on ne leur distribue pas de la nourriture, on les chasse", résume Pierre Rigaux.
A l'aide des vidéos (attention, certains passages peuvent choquer) qu'il a pu se procurer "grâce à un lanceur d'alerte", le militant explique que les membres de l'amicale procèdent à des "tirs sélectifs épargnant les femelles (pour assurer la reproduction)", et "distribuent toute l'année du maïs stocké dans un silo agricole en quantité impressionnante (qui apporte un complément alimentaire notable, autorisé localement pour dissuader les sangliers d'aller se nourrir dans les cultures agricoles)". "Les problèmes de cohabitation avec les sangliers et de dégâts aux cultures ne sont jamais réglés, explique-t-il, malgré l'augmentation continuelle des périodes de chasse : ouverture dès juin-juillet dans la plupart des départements, voire mai ou avril dans certains."
Est-ce que ces pratiques de chasse sont légales ?
Pierre Rigaux reconnaît que les pratiques de l'amicale des chasseurs sont tout à fait légales. C'est d'ailleurs l'argument de l'amicale des chasseurs des Hautes Ventes. Son président, David Gueu (qui refuse de répondre à nos questions sur cette affaire, estimant que Pierre Rigaux est entré "illégalement sur sa propriété"), estime "que son intérêt n'est pas de disposer de beaucoup de sangliers et que l'agrainage n'a pas de conséquence sur ces animaux car ils trouvent l'essentiel de leur nourriture sans aide humaine". C'est également l'argument utilisé par la fédération de chasse de l'Aube.
Contacté, son directeur Bruno Baudoux répond "qu'il n'y a pas de sujet, puisque tout est légal" et précise que l'agrainage se fait sur une propriété privée. Selon lui, les grillages mis en évidence dans la vidéo ne sont pas installés à destination des sangliers, mais pour éviter les dégradations et les sabotages de son terrain privé, car il y en a eu par le passé.
Mais alors, qu'est-ce qui cloche ?
Pierre Rigaux veut mettre en lumière le caractère légal de ces pratiques de chasse pour mieux les dénoncer. C'est "justement ce que nous dénonçons : la chasse en France n'est pas organisée pour "réguler" réellement, mais pour s'auto-entretenir". Le militant le précise, "il ne s'agit pas d'accuser les chasseurs d'être seuls responsables de l'abondance des sangliers et des dégâts agricoles, mais force est de constater que la chasse de loisir ne permet pas de réduire leurs effectifs et donc de répondre aux conflits avec le monde agricole". Selon lui, les chasseurs "ont localement intérêt sur le terrain à disposer d'un gibier abondant, alors même que les fédérations de chasseurs peinent à indemniser les dégâts aux agriculteurs et vont même jusqu'à demander que ce coût soit partagé avec la collectivité".
De manière générale, l'agrainage est souvent pointé du doigt par les défenseurs de la cause animale, mais également par certains agriculteurs. Selon la confédération paysanne que nous interrogions en mars 2020 au moment du premier confinement lors de la mise en place d'un arrêté préfectoral, "la pratique est l’une des causes de la prolifération des sangliers. Car les stocks de nourriture qu’apportent les chasseurs dans l’habitat des suidés, s’additionnent aux ressources de la forêt dont disposent déjà les bêtes". En revanche, interrogé lors de l'autorisation préfectorale de l'agrainage en mars 2020, Gauthier Bruno, responsable du dossier "dégât lié au gibier" de la FDSEA, affirmait que l'agrainage est le seul moyen d'éviter que les porcins n'engloutissent les semences des agriculteurs. "Si on ne met pas en place l’agrainage dès maintenant, expliquait-il, on fait courir un risque pour nos plantations. Cette année, les dégâts sont déjà estimés à 600.000€ dans l’Aube. C’est le double de l’année dernière."