En matière de maltraitance, les chiffres de la plateforme nationale 119 ont été alarmants pendant le confinement. Mais il y’a t’-il eu davantage de maltraitance sur enfants dans l’Aube qui compte un taux important d’enfants placés, 1.250 pour 309.000 habitants?
Jusqu’à 90% d’augmentation des appels au 119 « allo enfance maltraitée » certaines semaines du confinement : c’est le constat que le secrétaire d’Etat à la Protection de l’Enfance Adrien Taquet faisait fin avril au vu des informations préoccupantes recueillies à cette période par la plateforme nationale.
L’Aube ne serait pourtant pas a priori le territoire le plus concerné par la hausse des signalements. Selon le Dr Sylvie Plique, directrice du Pôle Enfance Famille, qui pilote le volet Aide Sociale pour le Conseil Départemental, « la situation a certes été inhabituelle mais pour le moment elle n’a pas été catastrophique. C’est sûr, le confinement peut créer des tensions familiales et nous avons perdu des circuits de signalement classiques à commencer par l’école. En parallèle cependant, les maires sont venus vers nous en direct, la Gendarmerie également."
Des situations complexes
La directrice ajoute qu’un maximum de consultations dans les CAMPS (Centre d’Action Médico-sociale Précoce) et les CMPP (Centre médico psycho-pédagogique) ont pu être maintenues en les faisant par téléphone. Les éducateurs ont également continué à suivre des familles à distance. « Il y a bien eu quelques ordonnances de placements provisoires pour des enfants en danger qui ont été accueillis au Centre départemental de l’Enfance mais rien d’exponentiel. Nous resterons cependant très vigilants car avec le déconfinement nous allons peut-être découvrir des situations complexes.»Conflits conjugaux sur fond d’alcool
Au Tribunal judicaire de Troyes, le sentiment du juge pour enfants Samuel Gervais est similaire. « A travers notre activité, nous n’avons pas constaté d’explosion des signalements et des requête, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il n’y a pas eu plus de maltraitance." Selon lui en tout cas, lorsqu’il y a eu placement en urgence c’était avant tout déclenché par des conflits conjugaux sur fond d’alcool, ou la nécessité de remédier à des carences de parents en difficulté physique ou psychologique.Seuls 5 ont été symptomatiques et dépistés comme positif au Covid 19
Mais des enfants déjà placés, il y en avait avant le 15 mars. Alors, comment ont-ils été encadrés et quelle est leur situation actuellement ? Au Département, Sylvie Plique est plutôt satisfaite de la gestion de la crise par les établissements spécialisés et les assistants familiaux. « Premier point positif, sur les 1.250 jeunes concernés, seuls 5 ont été symptomatiques et dépistés comme positif au Covid 19. Ce sont 3 ados de 15 à 18 ans et 2 jeunes majeurs car nous nous occupons d’enfants de 0 à 21 ans. Nous avons envoyé des hygiénistes dans tous les établissements et avons formé les assistants familiaux grâce à des webinaires (séminaires par web). »Il y a eu une vraie belle coordination entre des services qui sont plutôt cloisonnés d’habitude.
- Docteur Sylvie Plique, directrice du Pôle Enfance Famille de l'Aube
L'aide des scouts
« C’est vrai que nous avons eu un réel soutien de nombreux partenaires, habituels ou non », explique également Nadia Rabat, directrice d’Action Enfance, un foyer situé à Bréviandes qui accueille des fratries placées, 50 enfants répartis dans des maisons et des studios avec des éducateurs. « Des scouts ont été exceptionnellement autorisés par nos tutelles à venir pour organiser des activités avec les jeunes. Heureusement, car ils ont tout de même été privés de tout droit de visite ou d’hébergement même temporaire dans leurs familles. Pour certains dans un premier temps, cette rupture a pu présenter des bénéfices, mais cela ne dure qu’un temps."Un confinement qui dure
Quant aux autres contacts avec l’extérieur, ils ont été supprimés ici aussi pendant deux mois… Et ce n’est pas fini ! « La totalité des parents des enfants de cet établissement a préféré refuser qu’ils retournent à l’école. » La directrice s’interroge : « les parents auraient-ils pris la même décision s’ils étaient directement en charge ? Nous respectons leur décision car ils gardent l’autorité parentale mais ces enfants sont vraiment en souffrance, sans copains, sans horizon… ils aimeraient reprendre le chemin de l’école. »Même constat du côté du responsable de l’Association Action Jeunesse de l’Aube, Xavier Meignin : « En plus des 40 familles que nous accompagnons, nous suivons 36 jeunes dans notre établissement et nous incitons les parents à rescolariser leurs enfants. Nos éducateurs ont fait de leur mieux mais la continuité pédagogique reste limitée, les moyens informatiques sont insuffisants et ce n’est pas leur métier."Les moyens informatiques sont insuffisants
Xavier Meignin, responsable de l’Association Action Jeunesse de l’Aube
Alors que la réouverture des collèges pourrait avoir lieu en juin, la décision de remettre son enfant à l’école est toujours un dilemme dans le contexte actuel. Un choix encore plus cornélien pour ce qui concerne les enfants placés.