Faire du vélo, cela ne s’oublie pas. Mais comment faire quand on n’a jamais appris ou vécu une grosse chute ? Dans l’agglomération de Troyes (Aube), l’association Akhilleus propose des cours aux adultes anxieux. Rencontre avec le coordinateur technique Christian Marcellot.
Vous avez tendance à renoncer au vélo en hiver, car vous êtes mal assuré quand la luminosité diminue ? Ou sans l’avouer, vous n’êtes jamais monté sur la Petite Reine ? Un détour par la vélo-école de l’association Akhilleus serait sûrement bénéfique.
Silhouette longiligne et regard franc, Christian Marcellot y pilote le projet de vélo-école. Depuis début septembre 2024 et jusqu’au mois de juillet, l’association propose deux heures de créneaux de cours totalement gratuits de bicyclette par semaine, assurée par l’un des éducateurs sportifs de l’association de sport-santé, Jonathan Massard.
La méthode est originale puisque les cours se font, au moins pour les premières séances, en utilisant une draisienne prêtée par une autre association, Vélo Solidaire. “Comme pour les enfants, la draisienne permet de chercher la situation d’équilibre et de travailler le freinage dans un premier temps. Ensuite seulement on ajoute les pédales. Mais si la personne a son propre vélo, c’est aussi bien, car il n’est pas toujours évident de prêter un vélo à la bonne taille".
Individualisés, les cours ont lieu sur des parkings ou des terrains à petit dénivelé de la Chapelle-Saint-Luc, près de l’association. “Il y a beaucoup de pudeur et de peurs de la part de nos élèves, alors nous faisons preuve d’une grande souplesse. Nous ne nous risquons pas très loin, mais nous les sensibilisons aux difficultés de type rond-point ou carrefours dangereux. Certains auront besoin de quelques cours, d’autres dépasseront les 10 séances prévues par le dispositif”.
En 2021, Akhilleus a organisé des cours collectifs, notamment à destination de primo-arrivants dans le quartier des Chartreux avec l’Accord parfait. “Cela les sécurisait comme ils ne parlaient pas bien le français, mais pour être plus efficace, Il vaut mieux tabler sur l’individualisation, précise Christian Marcellot. Nous l’avons constaté à Pont-Sainte-Marie où nous avons d’abord lancé la vélo école. Durant ces années, nous avons formé au moins 80 personnes en tout cas".
Convaincu des multiples bienfaits du vélo
L’utilité d’introduire de la bicyclette pour lutter contre la fracture sociale, Christian Marcellot en est convaincu depuis cinq ans, date à laquelle il est intervenu pour remobiliser des demandeurs d’emploi. Et très vite, l’association a souhaité se concentrer sur les adultes. “ Avec le savoir rouler, les enfants apprennent bien souvent désormais à se servir du vélo à l’école et par la suite les mamans seules qui ont du mal à suivre restent à la maison ou interdisent à l’enfant d’aller faire du sport, et ça, c'est contraire à nos principes de sport-santé“.
Pour ce professionnel de l’activité physique, le vélo reste “un accessoire extraordinaire contre les maladies cardio-vasculaires. Il entretient l’équilibre, la force des membres inférieurs, pourvu qu’on arrive à le pratiquer en toute sérénité”. La maison de sport-santé Akhilleus reçoit aussi beaucoup de diabétiques pour des cours de renforcement musculaire et le vélo est une activité de loisir qui les complète bien à ses yeux.
Quant aux bienfaits pour la planète, il ne les oublie pas, et regrette qu’en l’absence de permis, beaucoup actuellement se tournent plutôt vers la trottinette qui est selon lui “plus accidentogène, et moins active pour la santé.”
Du service pour un public très large
Les cours de vélo d’Akhilleus s’adressent potentiellement à un public très divers. “L’entonnoir est large, explique le coordinateur, cela va de l’infirmière d’origine malgache qui n’a jamais connu de routes carrossées dans son pays et qui n’a donc pas osé s’y mettre, à des personnes qui ont grandi à Paris et ont eu peur de s’élancer en milieu urbain, en passant par le troyen sans permis qui a envie de ne plus être dépendant du bus ou d’un membre de sa famille”.
En revanche, la vélo-école ne peut être rentable et dépend des appels à projets successifs des collectivités. Elle est relancée en 2024 grâce à une enveloppe accordée par Troyes Champagne Métropole. “Il est possible que nous intervenions dans d’autres secteurs de l’Aube si le Département nous missionne”, ajoute Christian Marcellot.
Parce qu’il est toujours plus difficile de se motiver à l’automne ou en hiver, les chances d’obtenir un créneau seront plus grandes en ce début d’année scolaire qu’au printemps. Selon Akhilleus, il y a une courte liste d’attente, mais la "Petite Reine" ne demande qu’à être chevauchée.