Treize personnes résidant en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Troyes (Aube) vont relever un défi à la fin du mois d'avril : marcher sur les chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Précédemment, des résidentes avaient grimpé au premier étage de la tour Eiffel, par les escaliers.
C'est un défi remarquable. Marcher sur les chemins du renommé pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, il faut oser. Mais alors quand on a passé l'âge de la retraite...
C'est ce qu'il va se passer pour treize résidentes et résidents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), Saint-Vincent-de-Paul, situé à Troyes (Aube). Au mois de mai 2023, six de ses résidentes avaient tenté l'ascension des escaliers vers le premier étage de la Tour Eiffel.
Le 26 avril 2024, les marcheurs et marcheuses vont se rendre (pas à pied) à Vézelay (Yonne). Il s'agit de l'une des étapes donnant accès aux principaux chemins de Compostelle. C'est le 27 avril que ces treize personnes, âgées de 65 à 98 ans, vont s'élancer en marchant depuis cette commune bourguignonne, vers Bourges (Cher).
Un petit bout de pèlerinage
Il ne s'agira "que" de faire une partie du chemin, de 9h30 à 18h00. Il devrait faire une vingtaine de kilomètres. La marche se fera sous forme de relai, afin que chaque personne puisse contribuer à hauteur de son âge et de sa force.
Évidemment, un tel défi ne se prépare pas à la légère. Les préparatifs, au sein de l'Ehpad, ont commencé au mois de novembre 2023. À l'intérieur, les résidentes et résidents qui vont marcher montent les escaliers au lieu d'utiliser les ascenseurs. Deux jours d'entraînement sont prévus chaque semaine, y compris dans les rues autour de l'établissement (localisé sur la carte ci-dessous).
L'entraînement comprend bien sûr de la marche, mais aussi du cardio. Des exercices de franchissement d'obstacles sont prévus, ainsi que d'assouplissement. Les personnes qui participent paraissent aussi sereines que déterminées. Séphane Moccozet, journaliste à France 3 Champagne-Ardenne, les a rencontrées.
Commençons par Geneviève Robert qui va bientôt avoir 99 ans. On la retrouvait un an auparavant en train de grimper au premier étage de la tour Eiffel. Elle y a laissé son déambulateur, tout simplement devenu... inutile. Une expérience qui l'a transformée. "Je me sens capable - presque - de marcher normalement."
Si elle participe à ce relai, "c'est parce que je trouve que c'est très agréable. Ça ne m'est jamais arrivé. Et à chaque fois que [je participe à l'entraînement], je suis très contente. Je ne rate aucune réunion. Marcher sur ces chemins, c'est un défi, mais j'espère que ça ira."
Guy Ruttene, malgré ses 88 ans, est ce qu'on pourrait appeler un petit nouveau. Il a fait son entrée dans l'Ehpad à la fin de l'année 2023. "C'est une aventure. Une occasion de faire quelque chose d'extraordinaire. Il y a l'attrait de la marche, le désir de la découverte."
"Vézelay, je connais depuis longtemps. C'est un lieu magnifique." Notamment la basilique Sainte-Marie-Madeleine, un haut-lieu du pèlerinage depuis près d'un millénaire. "Je suis heureux de pouvoir y aller à pied. En équipe."
"Ce qui est surprenant, c'est que je ne pensais pas qu'en allant en Ehpad, je serai là, à marcher sur les routes. Je me voyais plutôt en fauteuil... Le fait de marcher ensemble, ça dynamise. Ça me donne envie de vivre. J'ai pas envie de mourir, moi, j'ai envie de vivre."
Monique Bodié-Bernaudot a 90 ans. Elle aussi a participé à l'ascension de la tour Eiffel. "Ça nous a donné de l'assurance, et un peu de vigueur." Elle se souvient y être déjà allée, il y a de cela trois décennies, en compagnie de son époux. "Lui, il avait pris l'ascenseur", confie-t-elle, taquine.
"Ce n'était pas très difficile pour moi. Tous les jours, je montais déjà 50 marches à la maison. C'est pour descendre que c'était plus difficile..." Toujours avec son monsieur, elle avait déjà fait le pèlerinage... mais en bateau, cette fois-ci.
Et Marie-Louise Jorry, 91 printemps ? Elle "ne sait pas" ce qu'elle est venue chercher en participant à cette étape du pèlerinage (même si elle "aime marcher"). Et quand bien même, elle en a le droit. Le pèlerin Antoine Bertrandy a raconté dans son livre que "la question du pourquoi est mouvante. Le paradoxe du pèlerinage de Compostelle est que, plus on avance, plus la réponse à la question se précise." Ainsi, "ce n'est qu'en arrivant à son chevet que celui-ci révèle son mystère et, de la sorte, la raison véritable de notre voyage". À méditer, tous comme les beaux témoignages qui ont émaillé cet article...