À Troyes, le club du Suma entretient la mémoire populaire du moto-ball

Le Suma est une véritable curiosité troyenne : ce club, qui souffle bientôt ses 80 bougies, accueille près de mille spectateurs à chaque match de moto-ball. Pourquoi ce sport, sorte de football sur moto, bien ancré en Europe de l'Est, s'est-il taillé une place de choix dans l'Aube ?

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Dans l'arène de Troyes, les motos ont remplacé les gladiateurs. Au stade Gaston-Arbouin, au milieu de la poussière et des vrombissements, deux équipes de cinq joueurs s'affrontent dans un match de moto-ball, une variante du football disputé sur des motos automatiques. Une variante peut-être, mais une discipline sportive à part entière qui a pris racine à Troyes avec le club historique du Suma motoball.

Né en Angleterre durant l'Entre-deux-guerres, le moto-ball trouve rapidement des adeptes dans l'Aube. Dès la fin des années 1930, il devient le passe-temps des garagistes et des ouvriers des usines troyennes. Cette mémoire, Michel Tournemeule et Graziano Maraghini la conservent précieusement. Leur histoire est celle de petits employés, devenus joueurs de légende.


Une seconde famille

"Je travaillais en tant que mécanicien dans la machinerie agricole. C'est mon patron, avec qui je jouais au foot, qui m'a proposé d'essayer le moto-ball après m'avoir vu faire le zouave sur des mobylettes, raconte Graziano Maraghini, entraîneur au Suma. "Il n'y avait pas besoin d'être riche puisque la moto était fournie par les clubs. Il fallait juste que les joueurs payent leur licence," souligne Michel Tournemeule, aujourd'hui co-président du club.

Des années 1950 à 1980, le moto-ball devient pour les joueurs une seconde famille. Durant cette période de gloire, le Suma collectionne les gros titres, du championnat de France à la Coupe d'Europe.


Un public rural et fidèle

Mais le plus beau trophée du club aubois reste sans doute la fidélité du public. Les fidèles sont essentiellement des agriculteurs pour qui les chocs, les glissades, la gadoue, et les bagarres de l'arène représentent la sortie du dimanche. Jacquy Mahieu en sait quelque chose. Au poste de gardien de but, il était le plus exposé aux coups. S'il revient régulièrement au musée du club, c'est que sa ténacité en a fait l'un des héros des supporters.

"Les risques étaient nombreux à l'époque! Un jour, un collègue n'a pas pu s'arrêté et m'a balayé en pleine vitesse. J'ai eu le coude cassé mais j'ai continué à jouer quand même ! se souvient l'ancien portier. C'est pour ça qu'il y a toujours du monde, ici au stade Gaston-Arbouin. Les gens de la région, de la campagne ils aiment bien la violence, le risque."

Un sport qui se professionnalise

Ce folklore appartient au passé. Aujourd'hui, le moto-ball est plus encadré et se professionnalise peu à peu. En 2016, le Suma a engagé le tout premier salarié de son histoire, un joueur russe, que le club loge et paye au SMIC. Michel Dufau a pris la tête du club en janvier 2017. Les anciennes tribunes seront prochainement abattues pour laisser leur place à des flambant neuves, preuve de la future mutation du Suma.

"On a un nouveau public, notamment plus féminin, plus jeune ou encore composé de chefs d'entreprise, note le co-président. On a aussi beaucoup de sponsors déçus du football qui viennent au moto-ball. On a recueilli une centaine de sponsors, ce qui est pas mal. Le monde évolue, donc le Suma soit évoluer aussi !" Le Suma fêtera ses 80 ans en 2019. Deux ans plus tard, il ambitionne de recevoir la Coupe d'Europe des Nations à Troyes. Une manière de foncer vers l'avenir, tout en gardant un oeil dans le rétro.


 

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