C’était une tendance qui se confirme après cette période de confinement. Le Pays d’Othe attire les Parisiens. Chevauchant l'Aube et l'Yonne, ce territoire boisé a des atouts pour séduire ces clients en recherche d'espace, d’une résidence secondaire ou pourquoi pas principale.
Ils ont visité dans les tout premiers jours du déconfinement et ils ont trouvé leur bonheur. D’ici un mois, Julien Millet et sa compagne doivent signer pour l’acquisition d’une longère de 174m2 située dans le village de Bérulle à la limite de l’Yonne, 3.000 m2 de jardin, le tout pour 130.000 euros. Ils y réfléchissaient depuis longtemps, mais ce couple d’habitants du Val-de-Marne le reconnaît, la vie contrainte liée à la crise sanitaire a accéléré leur décision.
"Avec nos deux enfants, nous voulions une résidence secondaire entre Sens et Troyes et nous nous étions déjà promenés pour choisir", raconte Julien. "Le secteur est joli, vallonné, avec beaucoup de forêts et des centres hippiques pour ma fille. La maison est assez proche de Vulaines, la sortie de l’A5, une autoroute beaucoup moins fréquentée que l’A6 lors des retours de week-end. Comme nous pensons faire du télétravail sur certaines périodes, je me suis rapproché de la mairie et ils m’ont dit que la fibre allait bientôt arriver. Pour le moment, il y a l’ADSL".
Selon une étude de l’Insee, 450.000 Parisiens se sont mis au vert pendant le confinement. Pour ceux qui n’ont pu le faire, la promiscuité et la peur de la grande ville comme « zone de contagion » ont provoqué des envies de changements.
Des projets d’achat plus arrêtés que d’habitude
Des déconfinés qui veulent déménager, les salariés de l’agence Euro Foncière d’Aix-en-Othe en ont rencontré à un bon rythme depuis le 11 mai. " Cinq à six visites par jour dans notre secteur, c’est beaucoup, sans parler du samedi où l’on affiche vraiment complet. Il y a un effet de rattrapage avec bien sûr des locaux, mais pas seulement. Un tiers des clients sont effectivement des Parisiens et ils semblent avoir des projets plus arrêtés que d’habitude", témoigne Julien Mennetrier, qui exerce dans le canton depuis trois ans. Ce que recherchent les clients venus de la capitale ou de sa banlieue ? "Avant tout la tranquillité et du terrain. Pas de pavillons, plutôt une fermette ou une longère, bref une maison avec un peu de cachet, car on compte bien inviter les copains", ajoute l’agent.
Parallèlement, nous constatons que ceux qui envisageaient de vendre leur bien ont renoncé, ils se sont aperçus de la chance qu’ils avaient.
- Julien Mennetrier, agent immobilier
Selon cet agent immobilier, dans le secteur d’Aix-Villemaur-Pâlis, un bourg où l’on trouve toutes les professions libérales et médicales, le prix moyen d’une maison de 150 m2 avec 1.500 à 2.000 m2 de terrain se situe entre 150 et 160.000 euros.
Un retour durable ?
Notaire et administrateur de biens à Aix-en-Othe depuis 25 ans, Laurent Drouhin tient à rester prudent sur le constat. "J’ai l’impression qu’il y a plus de demandes, mais sur un échantillon de quelques semaines, c’est encore un peu court. Ce qui est sûr, c’est que depuis deux ou trois ans, il y a un retour d’une clientèle que nous avions perdue avec la crise des subprimes il y a dix ans".
Le confinement ne va certainement pas nuire à cette tendance. Les gens ont besoin de la campagne.
- Laurent Drouhin, notaire dans l'Aube
Selon Laurent Drouhin, il y a un peu plus de Parisiens qui recherchent une résidence principale. "On observait déjà avant la crise le développement du télétravail avec un déplacement un jour par semaine en train depuis Sens", précise-t-il. Mais c’est avant tout la résidence secondaire qui attire encore. Premier profil : ceux qui achètent un bien entre 80 et 100.000 euros qu’ils retaperont pour leur retraite parce qu’ils ne peuvent acheter à Paris.
Dans le secteur du Pays d'Othe, les opportunités sont nombreuses et abordables.
"Autre catégorie : ceux qui peuvent mettre facilement entre 150 et 200.000 euros. Quand la résidence secondaire est à une heure de route, les épouses n’hésitent pas à venir en profiter le mercredi. Le bémol vient du fait que nous manquons de belles résidences secondaires dans ces tarifs".
"L’engouement pour le Pays d’Othe, nous le constatons depuis un ou deux ans parmi nos visiteurs, renchérit la directrice de l’office de Tourisme Othe-Armance Tabea Posteaux. Il faut dire que nous avons des arguments côté nature. Par exemple, 500 km de circuits balisés de randonnées pour des sorties à pied, en VTT ou à cheval ! La vie associative, culturelle et sportive, tout est riche ! Par contre hors transports scolaires, c’est difficile de se déplacer… il faut absolument être motorisé".
Si la toute nouvelle municipalité d’Aix-Villemaur-Pâlis estime manquer de recul pour évoquer le phénomène, le maire délégué Romain Arnaud croise les doigts pour que cela se confirme. "Nous avons beaucoup de projets comme la mise en valeur de la zône Natura 2000 à Villemaur-sur-Vanne ou le positionnement de cette même commune dans le réseau futur de vélovoies porté par la Région et le Département entre Strasbourg et Nantes. Les nouveaux habitants sont évidemment bienvenus car ils participent à la vitalité économique". Feu de paille ou accentuation d’une vraie tendance ? Les prochaines semaines diront si les collines boisées du Pays d’Othe ont fait le plein de nouveaux résidents.
Le Pays d’Othe, entre forêts, vergers et patrimoine
Certains disent que c’est une deuxième Normandie répartie sur 36 communes autour d’Aix-Villemaur-Pâlis. Ici, les variétés anciennes de pommes ont des noms poétiques : culoison, nez de chat, avrolles. Les amateurs de cidre seront servis sur ce territoire et ils peuvent tenter une première approche à la Ferme d’Hotte à Eaux-Puiseaux par exemple.
Plus de la moitié du territoire est recouvert de forêts, ce qui n’est pas négligeable pour les passionnés de randonnées. Le patrimoine est riche également avec plusieurs halles (Aix-en-Othe,Estissac, ) des lavoirs (Saint Mards en Othe, Chennegy), des vitraux contemporains remarquables à Eaux-Puiseaux créés par l’auboise Flavie Vincent-Petit et un superbe jubé en bois dans la collégiale de Villemaur-sur-Vanne. De quoi attirer les « slow touristes » qui préfèrent partir moins loin mais plus souvent comme les visiteurs en quête d’une terre d’accueil.