Autisme: des mamans créent elles-mêmes un centre éducatif pour leurs enfants dans les Ardennes

L'association " Aurélien et Jason" fête ses 10 ans: cette structure éducative née de la volonté de deux mamans dont les enfants sont autistes, accueille aujourd'hui des dizaines de familles à Bourg Fidèle dans les Ardennes.
 

C'est un long chemin qui commence pour les familles dont un enfant est diagnostiqué autiste. Une route bien incertaine, avec des doutes, des questions, des errances, un voyage dans l'inconnu. Une image qui colle bien aux six kilomètres de forêt que je traverse ce mardi matin 21 janvier entre Rimogne et le village de Bourg Fidèle où j'ai rendez-vous.


Les arbres blanchis par la gelée du matin n'en finissent plus. Bourg Fidèle, c'est un coin de verdure qui se mérite et l'on prend conscience très vite que la distance du chef-lieu, Charleville- Mézières, au village est déjà un effort. C'est pourtant ici que tout a commencé, il y a 10 ans.


"Il fallait une structure éducative pour nos enfants autistes"

Sur la place principale du village de Bourg Fidèle, "l'association "Aurélien et Jason" est installée dans l'ancienne école, à l'étage. Ces deux prénoms, ce sont les enfants respectifs de deux mamans qui se sont associées en 2009 avec la même idée : regrouper les familles qui, comme elles, ont un enfant autiste dans les Ardennes et mettre en place des solutions pour les éduquer avec l'aide de professionnels.

Première victoire, ce sera la mairie du village qui va leur louer l'ancienne école pour un prix modique et ainsi donner vie à ce projet éducatif. C'est Stéphanie, la maman d'Aurélien qui s'aperçoit, en découvrant le handicap de son fils en 2005 que la France n'offre pas beaucoup de systèmes de prise en charge des enfants autistes, ou, qu'ils sont souvent mal adaptés.

Elle prend connaissance lors d'un déplacement à Lilles d'une nouvelle méthode comportementaliste, l'analyse appliquée du comportement. Elle revient dans les Ardennes avec la ferme intention de partager son savoir aux mamans concernées. Une méthode extraordinaire pour stimuler ces enfants seuls dans leur tête, mais une aide non remboursée par la sécurité sociale.

Ce matin, derrière le petit bureau en bois, c'est Aurélien lui-même qui devient l'élève devant sa maman. Elle lui donne des exercices. A l'aide d'étiquettes nominatives, de dessins, de photos et avec beaucoup de patience, Stéphanie enchaîne les questions et tente de capter l'intérêt de l'adolescent.
 

Entre deux hésitations d'Aurélien, Stéphanie confie sa fierté d'avoir créer cette association. Que de chemin parcouru ! "En 10 ans, on a accompagné 400 familles dans leurs démarches, on a proposé plus de 300 heures de formation, 50 familles ont bénéficié d'une prise en charge en analyse appliquée du comportement (A.B.A)."  C'est un type d'accompagnement qui a été validé scientifiquement par la haute autorité de santé et l'ANESM. "On met en relation les familles et les psychologues," ajoute-t-elle, "il y en a peu mais on essaie d'en faire venir dans cette structure. Le but c'est que ces familles aient une prise en charge pluridisciplinaire vraiment solide avec des personnes spécialisées dans l'autisme".


Une méthode avec des résultats

Aurélien vient de terminer son loto en images et attaque un puzzle de 20 pièces avec un large sourire. C'est peut-être déjà là la première des récompenses : une sympathique interaction, enfin, avec son enfant. A chaque bonne réponse, il valide avec bonheur ses succès d'une frappe dans la main de sa mère et se tortille sur sa chaise. "Grâce à la méthode ABA, on va se baser sur les lois du comportement, qu'est-ce-qui le déclenche et quelle est sa conséquence. On définit chez une personne autiste une problématique ou un apprentissage par rapport à ce constat".

Par exemple, en maternelle, une maîtresse demande à des enfants de se regrouper après la récréation et l'enfant crie au lieu de se mettre en rang. Peut-être, l'enseignante pensera-t-elle qu'il est angoissé mais nous on va voir que c'est plutôt le comportement, et on va tenter de modifier celui-ci.
- Stéphanie Chacel, co-fondadrice de l'association " Aurélien et Jason"


"On va prévenir l'enfant avant ce genre de situation, lui montrer ce que l'on attend de lui, l'accompagner sur les lieux,  lui expliquer et le récompenser lorsqu'il va bien se comporter".


"Ils ont un cerveau différent"

Dans un coin de la salle, un enfant est plein de vie : Thomas, 9 ans, vient de jeter ses deux chaussettes en l'air et s'échappe en riant, il part se cacher dans sa petite maison de toile. Sandrine, sa maman, est venue de Donchery, à plus de 30 km. Depuis 5 ans, régulièrement, les mardis et jeudis, elle aime retrouver d'autres mères de famille et assister au petits progrès de son fils.

"Ici, il y a du matériel pour travailler, on a des formations, c'est très important," explique-t-elle tout en buvant son café, "l'enfant reçoit, enfin, une éducation adaptée à ses difficultés. On a des professionnels qui aident nos enfants et nous donnent des solutions éducatives. Ça a permis à Thomas de faire de gros progrès et à la famille de souffler un peu".


Pour Thomas on s'est aperçu de son autisme à neuf mois. Avant, je le savais, mais j'étais encore dans le déni. Les troubles du comportement qu'on a vu c'est le langage qui n'apparaît pas, il ne pointait pas les objets  qu'on lui montrait, des troubles du sommeil, des problèmes alimentaires, des cris.Ils ont un cerveau différent, l'éducation ordinaire ne fonctionne pas.
- Sandrine Mandrenach, maman du petit Thomas
 

 


Les parents sont soulagés et voient les progrès. "Thomas ne me comprenait pas. Il avait besoin d'un moyen de communication adapté et moi je devais avoir la méthode. Ici, on a vu ses progrès, on revit. Il faisait beaucoup de colère, il n'avait aucune relation avec les autres. Il avait de gros troubles sensoriels, chez nous il vivait entièrement nu, il ne supportait pas le bruit. Maintenant, il va à l'école en classe spécialisée".

Une vie, comme dans le film"Hors normes" de 2019

Autour de la table, elles ont toutes vu le film " Hors normes" sorti le 25 mai 2019 des réalisateurs Olivier Nakache et Eric Toledano.
Un tableau plutôt réaliste et cru du quotidien des familles d'autistes avec toute la lourdeur administrative et les soucis à gérer au quotidien.
Plus qu'un film, cette histoire sur grand écran est une représentation intéressante, d'après les familles, du monde des autistes et du regard de la société.
Jacqueline Melin, maman du petit Mathieu, 10 ans, s'est complétement retrouvée dans certaines scènes du scénario. Elle en parle avec émotion. "Quand j'ai vu le film" Hors normes", je me suis reconnue. Le parcours du combattant, c'est le même. Le film montre bien la combativité des parents, les problèmes avec l'administration. Il faut connaître ses drois et tout le temps s'informer".
 

Notre peur c'est l'hôpital psychiatrique pour nos enfants et le traitement neuroleptique, la peur au ventre au jour le jour.
- Jacqueline Melin, maman du petit Mathieu 10 ans
 

 

Trouver des fonds pour continuer l'aventure et les aider

Ce ne sont pas les 5 euros d'adhésion à l'année demandés par l'association " Ensemble pour Aurélien et Jason" qui les maintiennent en activité depuis 10 ans. Chaque famille tente de trouver des fonds en organisant des marchés de Noël, des brocantes et diverses opérations dans le département tout au long de l'année. Fort heureusement, les mamans peuvent compter, quelquefois, aussi, sur des dons privés.
En France, 80% des enfants autistes ne sont pas scolarisés. Dans l'association de Stéphanie, c'est le contraire. Chaque jour, avec ses bénévoles, elle réussit cette prouesse tout en mesurant encore le chemin à parcourir.

 
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