Bas-Rhin : "on est comme une grande famille, on se voit tous les jours", à Bitschhoffen le dernier bistrot du village fait le bonheur des habitués

Quand vous entrez au bar-tabac « À la Rose » c'est un voyage dans le temps qui vous attend. Ici, le décor, l’ambiance et l’esprit ressemblent aux bistrots d’autrefois. Les habitués y viennent à mobylette, à bicyclette ou à pied et s’y sentent comme à la maison.

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En descendant dans le petit village de Bitschhoffen (Bas-Rhin) tombe sur un bar-tabac discret où résonnent des rires et des bribes de dialecte.

Un "Biergàrde" (jardin de la bière) dans la cour arrière, à côté d’un vieux puits et d’une affiche défraîchie du Tyrol. Ici le temps s'est arrêté. Un bistrot d'antan où les "Stàmmkùnde" (les habitués) se sentent comme à la maison.

Un vrai bistrot de famille sur lequel Brigitte Fischer veille avec tendresse. Et c’est ça le secret. Avec amour et humour elle bichonne chaque client pour son plus grand bonheur. Elle a repris il y a plus de vingt ans, les rênes du bistrot familial que tenaient déjà ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents. Bitschhoffen a une histoire douloureuse, 95% du village a été détruit pendant les bombardements et le café "À la Rose" n’a pas été épargné non plus, seuls les bâtiments annexes ont résisté. Cela a pris des années pour tout reconstruire.

Aujourd’hui Brigitte gère tout, toute seule et ça lui va bien ainsi.

"Il faut connaître la clientèle et leurs habitudes et aimer travailler et surtout vouloir bosser les week-ends !" argumente-t-elle quant au fait de travailler seule. Les discussions sont gaies et animées. On rit franchement, on s’oublie, on relâche la pression d’une vie où tout va toujours trop vite. La vie quotidienne est mise "sur pause" lors d’une parenthèse rose. "C’est pour Brigitte qu’on vient ! Elle nous sert vite et bien !" confie un des retraités regroupés autour du "Stàmmtisch", le cœur du bistrot.

 

Le bistrot : un havre de liberté

On y parle de tout et de rien. Pas de faux-semblant ni de politiquement correct, ici les mots se délient.

Les hommes causent des femmes, de politique, de pêche, de chasse, des nouveautés du village, de la santé d’untel, des matchs et des résultats de football, de la taille des poissons pêchés. 

Les générations se confondent, les anciens échangent avec les jeunes, avec comme fil conducteur "le dialecte". Les catégories sociales sont effacées et l’ouvrier se mêle au dentiste retraité. Brigitte court mais ne perd jamais le fil, elle est sur tous les fronts : commande, service, nouvelles du jour, encaissement, cigarettes et jeux de grattage. "On est comme une grande famille, on se voit tous les jours et il n’y a pas une journée où il ne s’y passe rien" précise un natif de Bitschhoffen qui le fréquente depuis qu’il est tout petit.

A la table d’à côté on évoque le messti qui aura bientôt lieu, mais qui n’est plus ce qu’il était, sans les conscrits. Nostalgie de son défilé qui perd d’année en année des chars, faute aux jeunes de moins en moins investis dans la vie du village. Nostalgie d’une époque révolue, avec cette tendance moderne du « chacun pour soi » qui porte préjudice aux bistrots.

"Avant, après chaque entraînement de foot, tout le monde se retrouvait au bistrot, c’était un rituel ! Aujourd’hui chacun rentre chez soi " regrette un ancien. "Les habitudes ont changé, la Covid et la peur sont passées par là" nous confie Brigitte.  "De nombreux anciens ont disparu avec la pandémie. Beaucoup venaient jouer aux cartes, les tables étaient pleines. On jouait à la belote ou au skat, ce jeu de cartes allemand avait beaucoup de succès."

Le déclin des bistrots de village

"Il y en a de moins en moins, il faut toujours aller plus loin pour en trouver" constate Charles venu d’un village voisin, dans un soupir de regrets. "Ce n’est plus rentable, autrefois les gens avaient une activité parallèle à celle du bistrot ou une petite exploitation agricole, aujourd’hui on ne peut plus en vivre."

Le bistrot de Brigitte, lui, ne désemplit pas, on entre on sort, certains y viennent tous les jours, d’autres toutes les semaines. 

A une époque où tout change perpétuellement, dans ce bistrot le temps semble ralenti. Peut-être est-ce là son succès : conserver des bribes d’un village en pleine mutation et pouvoir lâcher-prise en alsacien "dialecte dans lequel il est plus facile de déconner qu’en français." Juste pour se souvenir d’où on vient et comment c’était avant. 

Et quand on demande ce qui définit un « bon bistrot », ce client fidèle nous répond dans un sourire qui illumine tout son visage : "un endroit où on peut être libre !" Qu’adviendra-t-il un jour de ce dernier petit coin de liberté caché? "

On n’en est pas là" rectifie Brigitte (sans descendance) en précisant avec candeur "qu’elle n’y a pas encore songé." Son bistrot est resté tellement authentique qu’on a presque envie de la croire.

 

 

 

 

 

 

 

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