"Ce site est unique", partez à la découverte du plus ancien château d'Alsace

Il a un nom barbare et une origine encore mystérieuse. Le Purpurkopf. C'est probablement le plus ancien château d'Alsace qui est en train d'être exhumé dans le secteur de Rosheim (Bas-Rhin). Découvrir ces vestiges et leur histoire se mérite. Prenez vos chaussures de randonnée. Visite guidée.

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Le Purpurkopf a eu la tête (kopf en Alsacien) enfoui sous terre pendant presque mille ans. Aujourd'hui, ses remparts sortent peu à peu de terre, exhumés par deux archéologues tenaces qui guident autant qu'ils creusent.

Des visites pédagogiques du site, peut-être pas spectaculaires, mais exceptionnelles, sont organisées à l'arrêt des fouilles, durant la saison hivernale. Nous avons participé à l'une d'entre elles, samedi 17 février 2024.

Visite au sommet

Une centaine de mètres un peu escarpés pour terminer la balade, mais pour ces randonneurs amateurs d'histoire, la récompense est belle. Au sommet, des remparts de l'an mil, affleurent de cette terre rose, grès caractéristique du massif vosgien. Nous voilà devant le Purpurkopf, le plus ancien château-fort d'Alsace.

"Ce que vous voyez ici, c'est la cave, il faut imaginer un plancher et surtout un bâtiment beaucoup plus haut, un château érigé à la fin du IXᵉ siècle et détruit au Xᵉ, ça en fait la plus vieille construction de ce type en Alsace", Tristan Martine plante le décor. Le reste, il vous faut l'imaginer.

Tristan Martine, maître de conférences à l'Université de Lille, et Florent Minot, archéologue, encadrent la promenade. Des guides de choix. Ce sont eux qui sont à l'origine des premières fouilles sur ce site, connu, mais jamais découvert. "On a commencé tous les deux en 2021, on avait juste ce texte qui parle des ancêtres de Léon IX qui auraient fondé un château, on voulait vérifier que c'était potentiellement ce site qui n'était pas daté." 

Alléluia. Une découverte pour certains, une révélation pour d'autres. Comme Patrick Fischer, bénévole sur le site et membre du Club Vosgien. "Je marchais souvent sur ses sentiers avec mon grand-père, il me disait là-haut, il y avait un monument. Les Fischer sont à Rosheim depuis 1650, ils n'en sont jamais partis, il y a dû avoir une mémoire qui s'est transmise de grand-père en grand-père". Un monument qui, après deux ans de fouilles, prend forme et se raconte.

L’édifice, fortifié, mesure 19m de long, 12m de large et la hauteur, impressionnante, monte à 10m. Un endroit stratégique pour veiller, surveiller, la plaine jusqu'à Strasbourg. Le château avait une vocation défensive, si les archéologues s'en doutaient, ils en sont désormais certains. "Oui, ne serait-ce que par l'aspect morphologique du bâtiment, on a des murs très épais qui font plus de 2 mètres d'épaisseur, ils sont construits avec des blocs très imposants et à l'intérieur même de ce bâtiment, on a retrouvé des carreaux d'arbalète, des pointes de flèches qui sont tirées par des arbalètes. Donc, on a sans doute vraiment une vocation militaire de ce bâtiment qui en plus occupe un sommet. Il domine une petite vallée, est entouré d'une enceinte, on a vraiment un aspect défensif indéniable", explique Florent Minot.

Ce site est unique, il nous permet de comprendre l'origine du phénomène des châteaux en Alsace

Florent Minot, archéologue

"On utilise le mot château, parce que c'est plus simple pour le grand-public. Là, on a une construction fortifiée construite par des gens appartenant à la noblesse, mais qui n'y vivaient probablement pas. Ce site est unique, il nous permet de comprendre l'origine du phénomène des châteaux en Alsace, d'où ça vient parce qu'avant cette période-là, les châteaux, ça n'existe pas et la plupart des châteaux qu'on a conservés en Alsace sont beaucoup plus tardifs vers le XIIᵉ et XIIIᵉ siècle. En France, les constructions de ce type-là sont très peu nombreuses, une petite dizaine." 

Le mystère demeure

La moitié du site est déjà sorti de terre. La première campagne de fouilles, mobilisant 15 personnes, s’est déroulée du 18 au 30 juillet 2022. Elle a permis de dégager la maçonnerie de l’angle nord-ouest du bâtiment, situé au sommet du site. Des objets du quotidien y ont donc été retrouvés : céramique culinaire et petits objets en fer, dont des clous et des pointes de projectiles. Fait surprenant, certains éléments sont attribuables au Bas-Empire et à l’antiquité tardive (IIIe-Ve siècles) tandis que d’autres relèvent du Xᵉ siècle. L'occupation du site serait ainsi très ancienne. 

On sait juste que les Romains occupaient ce site, mais on ne sait toujours pas quelle était la nature de cette occupation

Florent Minot, archéologue

"On a sur site des traces importantes d'une occupation romaine au sommet, mais pas de traces de construction ou de structure qui se rattachent à cette période. On est dans le flou, on ne sait pas si ces constructions étaient très légères et n'ont donc pas laissé de traces visibles ou si les constructions du Moyen Âge ont complétement détruit ces vestiges. On sait juste que les Romains occupaient ce site, mais on ne sait toujours pas quelle était la nature de cette occupation", précise Florent Minot.

Aucune hypothèse n'est écartée : site militaire, douane frontalière délimitant les limites de l’empire romain avec la Germanie… Les historiens et archéologues ont encore un an de fouilles pour documenter leurs premières intuitions. La prochaine campagne est prévue pour l'été 2024.

Financement participatif

Déterrer ce trésor suppose de l'argent. Des financements. Si, devant l'ampleur d'une telle découverte, nos deux archéologues ont pu bénéficier de subventions de la DRAC, direction des affaires culturelles, et de la ville de Rosheim, des mécènes, amoureux des vieilles pierres, ont également mis la main à la roche.

Et d'ailleurs, ils sont là, toujours. Emmitouflés dans leur doudoune, ils profitent de la trêve hivernale du chantier pour admirer l'avancée des recherches auxquelles ils ont, indirectement, participé. "On a contribué très modestement, mais je suis ravi qu'on ait pu faire ce qu'on a pu faire ça. Quand on voit les budgets qui doivent sortir des poches des différents financeurs, c'est impressionnant, si on peut contribuer un petit peu, nous, on est fiers".

La promenade touche à sa fin avec le soleil rasant. Les pieds sont un peu lourds, les têtes davantage. Pleines d'histoire.




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