Lancé par le tribunal de Saverne (Bas-Rhin), ce stage au sein de l'ex-camp de concentration de Struthof allie sensibilisation, prévention et devoir de mémoire. "L'dée est de proposer une forme de résonance avec notre société contemporaine", explique la procureure à l'initiative du dispositif.
Cela fait maintenant deux ans que l'ancien de camp de concentration de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin) accueille des auteurs d'infractions à caractère raciste ou discriminant pour un stage de citoyenneté. "Cette alternative aux poursuites est une réponse constructive et pédagogique", affirme la procureure du tribunal de Saverne, à l'origine du dispositif.
Durant une journée, des personnes condamnées pour des actes ou propos racistes, discriminatoires "ou pour des atteintes aux biens d'utilité publique" se rendent dans cet ancien de camp de concentration. "En petit groupe, ils s'interrogent sur leur passage à l'acte, on leur rappelle les peines encourues, et on questionne le devoir du citoyen et les valeurs républicaines", détaille Aline Clérot.
Cette réponse pénale comme alternative à une peine plus lourde est aux frais du mis en cause. "Le stage coûte 180€, ceux qui ne se présentent pas sont convoqués devant le tribunal, mais il y a très peu de carences, les mis en cause sont volontaires", se félicite la procureure, qui a instauré ce partenariat avec le Centre européen du résistant déporté (CERD).
Un "renvoi vers l'histoire" qui fonctionne
Durant la dernière session fin mai, sept hommes de 20 à 74 ans étaient présents. "L'objectif de ce stage est l'information, la sensibilisation, la prévention et peut-être prendre un peu de recul sur certaines idées", leur a présenté Aurélia Meier, responsable du Service de contrôle judiciaire et d'enquêtes (SCJE), rattachée au parquet de Saverne qui anime la journée.
Après un temps d'échange autour des notions de tolérance et de fraternité, mais aussi sur la responsabilité pénale et civile des mis en cause, "vient un temps où l'on convoque le devoir de mémoire." Le petit groupe part alors en visite du camp de concentration avec un guide. "C'est un moment fort, l'idée étant de proposer une forme de résonance avec notre société contemporaine."
Pour certains, c'était la première fois qu'ils visitaient ce lieu. "Cela permet de prendre du recul, de remettre les idées en place", a confié Tristan à l'AFP, convoqué pour avoir partagé une vidéo relayant des préjugés antisémites. À la fin de la journée, les discours ne sont plus tout à fait les mêmes. "Le lieu y est pour beaucoup, explique la procureure. Ce renvoi vers l'histoire fonctionne très bien puisqu'il crée une passerelle vers une citoyenneté plus consciente et investie."
Des stages jusqu'à quatre fois par an
Initiés par le parquet de Saverne, ces stages sont organisés trois à quatre fois par an, "mais si j’avais matière à orienter plus de personnes, je le ferais volontiers", abonde la magistrate. À côté de ça, le CERD réalise deux fois par mois des visites du camp à des détenus ou condamnés et les médiateurs se rendent également en prison pour des ateliers pédagogiques.
"L’ancien camp de Natzwiller Struthof ne laisse jamais indifférent lors d’une visite et aide à faire prendre conscience, rappelle le CERD. Nous développons ces activités pour une politique mémorielle, en transmettant la mémoire et les valeurs de la nation, c’est-à-dire le respect, la solidarité et le civisme."
Une réponse qui semble fonctionner chez certains mis en cause. "C'est mieux que l'on apprenne tout ça maintenant que dans cinq ou quand on sera en prison", souligne Enzo. Le tribunal de Saverne souhaite développer ce dispositif d'alternative aux poursuites pour d'autres infractions, notamment celles en matière d'atteintes à l'environnement.