Une œuvre, exposée à l'abbatiale Saint-Arbogast à Surbourg (Bas-Rhin), a disparu au début du mois de septembre. Elle est au cœur d'une polémique auprès de certains visiteurs qui l'ont jugée "pornographique". L'artiste se dit "atterré".
Entre "inquiétude" et "tristesse". Après le vol de son œuvre au début du mois de septembre à l'abbatiale de Saint-Arbogast à Surbourg (Bas-Rhin), l'artiste alsacien Eric Ball n'en revient toujours pas. "Que mon tableau ne plaise pas, je comprends. Mais je n'aurais jamais imaginé une telle réaction", souffle-t-il.
Qui a bien pu voler cette gravure estimée à 400 euros ? Et pour quelles raisons ? Impossible à dire pour le moment, les gendarmes sont saisis de l'affaire, l'artiste ayant décidé de porter plainte. Une chose est sûre cependant, la gravure est au cœur d'une étonnante polémique depuis plusieurs semaines...
Une gravure un peu trop "olé olé" ?
Depuis le 31 mai, l'artiste expose au sein de l'abbatiale, une série de tableaux avec l'appui du diocèse d'Alsace dans le cadre du 25e Chemin d’art sacré. Mais parmi les douze œuvres présentées par Eric Ball, la gravure "Le Cantique des Cantiques" fait l'objet de vives critiques de la part de certains visiteurs.
Le tableau est une représentation de ce livre biblique unique en son genre : un poème sous forme de dialogue amoureux entre un homme et une femme. La gravure de l'artiste donne à voir deux corps nus s'enlaçant. "Mon tableau est plutôt sage par rapport au livre", constate l'artiste, "On ne voit rien, il n'y a pas de sexe, je ne suis pas dans la provocation".
Ça ne m'est jamais arrivé. En 2006, j'ai exposé la même œuvre à l'église de Lautenbach, sans que cela ne pose le moindre problème.
Eric Ball, artiste alsacien
Il n'empêche que pour certains visiteurs, c'en est trop. Le livre d'or de l'exposition en témoigne, comme le rapportent nos confrères des Dernières Nouvelles d'Alsace : "Réduire le Cantique des Cantiques à un écrit charnel, c’est nier la grandeur de Dieu. Il n’y a que les artistes pour tout ramener en dessous de la ceinture", "Il n’y a pas d’art sacré en dessinant une œuvre pornographique", peut-on lire.
Des dégradations avant le vol
Au fil des semaines, la gravure va même être dégradée. Des autocollants où sont écrits les mots "profanation" et "pornographie" sont collés sur le tableau. L'abbé Frédéric Martin, en charge de l'abbatiale, va donc prendre la décision de le retirer pour le placer dans la sacristie : "Je devais partir à Rome quelques jours, je craignais que le tableau soit encore dégradé.", explique-t-il.
Mécontent que son œuvre soit mise à l'abri des regards, Eric Ball va alors récupérer le tableau pour l'amener à la gendarmerie et porter plainte pour dégradation : "J'ai ensuite reposé le tableau à sa place avec les autocollants parce que c'est mon œuvre et que seul le diocèse peut décider ou non d'arrêter l'exposition, et personne d'autre", peste-t-il.
Mais au début du mois de septembre, le tableau disparaît : "Je suis venu pour fermer à clef et je constate que le tableau n'est plus là", raconte l'abbé Frédéric Martin.
Une question d'interprétation
Pourquoi ce tableau crée-t-il autant de remous ? Pour l'abbé, tout est question d'interprétation. Dans la religion catholique, le texte est vu comme une allégorie de l'amour entre le Christ et les Hommes : "Le Cantique des cantiques est l'un des textes les plus difficiles à interpréter. Saint-Bernard disait que l'on ne le comprend bien qu’après des années d’études de la Bible. Sans cela, l'aspect charnel prend le dessus sur l'aspect spirituel", explique-t-il dans une critique à peine voilée à l'artiste.
D'autres, comme le professeur Jean-Jacques Lavoie, docteur en études bibliques de l’Université de Montréal, proposent une lecture plus historique et militante du texte, où l'amour entre deux êtres "est célébré comme un absolu qui transcende la loi".
Reste que pour l'artiste alsacien, Eric Ball, le résultat est le même : "Je suis atterré... un vol, dans une église. J'espère que les choses finiront par s'apaiser".