Maraîcher dans le Bas-Rhin depuis quatre décennies, Jean-François Vierling va se débarrasser d’une bonne part de sa production d’échalotes. Les supermarchés avec lesquels il travaille n’en ont pas voulu.
En quarante ans de métier, c’est la première fois que Jean-François Vierling en arrive à une telle extrémité. D’ici quelques jours, cet agriculteur de Schnersheim (Bas-Rhin) va jeter 80 à 90 tonnes d’échalotes. Soit environ 15% de sa récolte annuelle. Pourtant il n’y a pas eu surproduction de cette plante aromatique cette année. Si l’agriculteur a pris cette décision, c’est parce que la grande distribution refuse de lui acheter ses stocks. Il travaille avec une demi-douzaine d’enseignes de la région, mais aucune n’a voulu de ses échalotes.
"Le développement durable, la proximité, ce ne sont que des mots" déplore l’agriculteur. Malgré les campagnes publicitaires, "la grande distribution ne regarde que les prix" dit-il. "Un jeune responsable des achats m’a même dit : moi ce qui m’intéresse c’est la marge, le reste j’en n'ai rien à foutre !" rapporte Jean-François Vierling.
Alors l’agriculteur a dû se résoudre à renoncer à écouler cette production de l’an dernier (une fois récoltées, les échalotes sont nettoyées, conditionnées et stockées pour être vendues tout au long de l’année). "Je ne vais pas en mourir" tempère le paysan, "mais ça fait mal au cœur de devoir jeter des produits alimentaires". Bien sûr, il va essayer de proposer ses échalotes à des associations caritatives, mais c’est le travail de toute une équipe qui est sacrifié. Une perte de 150.000 euros pour l’entreprise qui compte une douzaine de salariés.
Appel aux consommateurs
Jean-François Vierling veut surtout sensibiliser les consommateurs. Leur lancer un appel à reconsommer local. Si pendant la crise du COVID, les circuits courts ont connu un regain de succès auprès du public, les vieilles habitudes ont depuis longtemps repris le dessus. Fini le soutien aux agriculteurs du coin. La plupart des clients regardent leur porte-monnaie et délaissent les productions locales. "Vous vous souvenez du slogan "Nos emplettes sont nos emplois" ?" questionne l'agriculteur. C'est toujours d'actualité !"
D’autant que l’échalote ne bénéficie pas de la même étiquette « alsacienne » que des produits comme l’asperge ou le chou à choucroute. "Derrière nos produits, il y a des entreprises, des salariés, des vies" rappelle l’agriculteur. Jusqu’à quand ? C’est la question qu’il se pose. "J’ai des copains qui font de l’ultra-frais, comme de la salade, ils arrêtent." Quant à motiver des jeunes à prendre la suite, à se lancer dans le secteur, il n’y pense même plus.