Les cochonnailles, une tradition "aussi importante que Noël" pour certains, pourraient bientôt disparaître

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Ce groupe d'amis est venu de Lille pour découvrir les cochonnailles.
Sujet Rund Um en alsacien sous-titré. ©France Télévisions

Dans le cochon, tout est bon... Les amateurs de cochonnailles ne diront pas le contraire. Chaque automne, ils sont encore nombreux à se presser dans les quelques restaurants qui proposent des journées autour de ce menu gargantuesque. Mais la tradition perd de l’ampleur en Alsace.

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Mieux vaut avoir l'estomac bien accroché. "On n'a pas pris de petit-déjeuner et rien mangé hier soir pour se préparer", plaisantent même certains clients. Car les repas cochonnailles sont... copieux. Un menu en plusieurs services, avec des incontournables : une soupe de boudin pour démarrer, une assiette froide à base de pâté et de presskopf ensuite, avant un boudin accompagné de pommes de terre et une généreuse choucroute pour terminer. Rien que ça... Sans compter le fameux trou alsacien et le dessert, mais on n'est plus vraiment à cela près. 

C'est le même marathon chaque automne. Au Restaurant des Vosges, à Birkenwald, la tradition remonte aux années 1950. La propriétaire, mariée à un marchand de cochons, a lancé le concept. Parfait pour écouler toute la viande, surtout la moins "noble", celle qui se vend moins bien. Avec un énorme succès pendant plusieurs décennies. 

"Des bus arrivaient d’Obernai, de Wissembourg, d’Amnéville également, de Metz, ils venaient de partout via le grand-père, se souvient Josiane Kieffer, la troisième génération aux manettes avec son mari Joël. Les gens couraient dans la salle pour réserver leur place. Du 1er octobre à fin janvier, on avait 130 personnes qui ne mangeaient que le menu cochonnailles, du mercredi au dimanche. C'était la folie !"

Les clients retrouvent les saveurs de leur enfance

Désormais, la période se limite au mois de novembre, le dimanche et quelques autres jours de la semaine selon les réservations de groupes. Parmi les clients, des citadins, dont de nombreux Strasbourgeois, fidèles depuis parfois 30 ans à ce rendez-vous "carné", et d'autres, avides de retrouver les saveurs de leur enfance.  

Ça nous rappelle des souvenirs, quand nos parents et grands-parents élevaient des cochons.

Un client

"À l'époque, nos parents et grands-parents élevaient des cochons. Lorsqu'on les tuait en automne, on préparait le boudin dans la foulée et tout ce qui éclatait terminait dans la soupe", raconte ce client. "On distribuait la viande à toute la famille. C'étaient également des moments de partage, et on les retrouve ici, à table, entre amis", complète sa voisine, Chantal.

Une madeleine de Proust et un rite "aussi incontournable que Noël" pour cette autre quinquagénaire. Elle apprécie "la cuisine à l'ancienne : c'est comme à la maison autrefois". 

Un savoir-faire à sauver

Il faut dire qu'à Birkenwald, tradition rime effectivement avec fait maison. Le boudin, le pâté, le presskopf, les saucisses à frire et les quenelles de foie servies avec la choucroute, tout est préparé sur place. Jacky Diss, boucher de formation et ancien salarié du Restaurant des Vosges, revient deux jours par semaine aider en cuisine. C'est lui qui se charge de transformer la viande pour les cochonnailles, chaque jeudi. 

"Elle est sur le feu depuis trois heures du matin. Elle doit cuire longtemps, lentement, explique-t-il. J’utilise les têtes de porc pour le presskopf et le reste sert pour le boudin. Il y a chaque semaine 30 kilos de tête, entre 15 et 20 kilos de bajoues, 5 kilos de couenne, et 3 ou 4 cous, c’est-à-dire environ 12 kilos de collet. C'est bien connu, tout est bon à cuisiner dans le cochon."

À 71 ans, il tient au rituel des cochonnailles, qui lui permet de transmettre son savoir-faire. Julien Kieffer, 28 ans et quatrième génération à la tête de l'établissement, apprend aux côtés de Jacky. Lui aussi est attaché à cet héritage automnal avec lequel il a grandi, et qui colle à ses principes. "C'est important de continuer à maîtriser certains gestes, certaines préparations. Notre boudin ne sera pas le même que celui des autres restaurants ou des bouchers-charcutiers, c’est ce qui fait le charme de la restauration, assure-t-il. J’ai toujours dit que pour moi, faire de l'assemblage de produits finis, ça n'a pas d’intérêt. Bien sûr, ça prend plus de temps, il faut préparer. Mais derrière, c'est une autre fierté."

Des plats à base de viande plus vraiment dans l'ère du temps

Comme un acte de résistance, car ces plats à base de viande ne sont plus vraiment dans l'ère du temps. Certes, certains clients se déplacent encore de Lorraine et d'Allemagne pour les savourer, certes ils attirent encore quelques tablées de jeunes, comme cette fratrie de vingtenaires, venue "découvrir une tradition pour mieux connaître ses racines et savoir où [elle va]", ou cette bande de Lillois, qui a spécialement organisé un week-end chez un ami alsacien pour "tenter cette expérience plus que validée."

Bientôt, on ne parlera sans doute plus de cochonnailles.

Josiane Kieffer

Ancienne propriétaire du restaurant des Vosges

Mais globalement, les cochonnailles attirent de moins en moins. "Ce n'est plus très populaire chez la jeune génération qui fait davantage attention à ce qu'elle mange, et les anciens, eux, ne digèrent plus ces gros repas, explique Josiane Kieffer. Bientôt, on ne parlera sans doute plus de cochonnailles. Beaucoup de collègues ont déjà arrêté. C'est dommage, mais c'est comme ça..."

D'ici quelques années, le restaurant pourrait limiter l'événement à un ou deux dimanches de novembre. Pas question de tirer définitivement un trait dessus pour l'instant, car le carnet de réservation pour la prochaine édition, en 2025, a déjà commencé à se remplir. Les habitués ne le manqueraient pour rien au monde. Pour eux, tant pis - ou plutôt tant mieux - si les plats sont généreux : voilà de quoi faire durer le plaisir... chez eux, avec les restes qu'ils embarquent. 

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