Leur fauteuil deux-roues électrique pour personnes paraplégiques rencontre un beau succès, "quand je suis là-dessus, je ne suis plus handicapé"

Deux amis paraplégiques ont adapté un véhicule deux-roues pour les personnes handicapés. Depuis bientôt dix ans, ils fabriquent à la demande. Et elle est de plus en plus forte.

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En moins de 30 secondes, Pascal descend de son fauteuil classique pour grimper sur un drôle d'engin à deux-roues. Il s'agit de l'E-rool, une base de gyropode électrique, sur lequel a été monté une assise. Pascal installe le guidon, déverrouille la "béquille" et c'est parti pour un tour du quartier à Gerstheim (Bas-Rhin). 

Comme pour le modèle debout, il suffit à Pascal de légèrement pencher le haut du corps vers l'avant pour démarrer. Et inversement, de s'incliner vers l'arrière pour freiner ou reculer. Tout en effectuant un demi-tour, il précise : "Quand je suis dans un espace restreint, je peux tourner sur place.

Grâce à ses grosses roues, l'engin peut rouler sur toutes sortes de terrain. Très maniable, compact, il se range facilement dans le coffre d'une voiture. "Il faut un cube de 75 cm d'arête". Plus léger qu'un fauteuil électrique "70 kilos alors qu'un fauteuil roulant électrique est souvent au-dessus de 100 kilos", il a une autonomie de parcours de 20 kilomètres. "On peut aller jusqu'à 20 km/h, mais pour les clients, on les bride à 10-11 km/h".

Pascal a eu l'idée de E-rool en regardant une vidéo sur Youtube d'un Américain qui avait essayé de faire quelque chose pour lui-même, avec ses deux jambes amputées. "Il a pris un Segway, il a posé un tabouret là-dessus et il sautait dessus. Alors, je me suis dit que s'il savait le faire, moi aussi, je devais pouvoir."

Je suis quelqu'un de presque normal parce que les gens me regardent et ne savent pas pourquoi j'ai cet engin. Pour nous c'est le paradis !

Pascal Grimm

Association Paramove

Les deux copains sont donc allés acheter un engin, et en rentrant, ils ont fait les premiers essais, peu concluants il faut l'avouer : "Au départ, on n'avait pas les fameux pieds de transfert [ndlr : la sorte de béquille qui stabilise la machine pendant que la personne s'installe] donc on avait du mal à se transférer, il fallait allumer la machine et sauter dessus. Ça partait et c'était dangereux. Pour commencer, j'ai défoncé le mur de la cuisine et je me suis dit qu'il fallait absolument faire des pieds."

Les yeux de Pascal s'illuminent et son sourire s'élargit : "Surtout avec cette machine, je ne suis plus handicapé. Je suis quelqu'un de presque normal parce que les gens me regardent et ne savent pas pourquoi j'ai cet engin. Pour nous, c'est le paradis !

Fait main et sur mesure

Sur la porte de l'atelier, installé dans le jardin, un panneau prévient : "Ici, l'impossible est déjà fait, l'impossible est en cours, pour les miracles, prévoir 48h de délai". Le ton est donné, ne vous attendez pas à de la morosité une fois la porte franchie.

À l'intérieur, les deux amis commencent à s'affairer devant une table. "C'est une ancienne table de massage qu'on a récupérée, on peut la régler en hauteur" explique Arnaud. 

Un vieux transistor "auto-reverse" diffuse de la musique. Devant les deux copains, des dizaines d'objets en acier. Ils ont été découpés au laser par une entreprise locale. Il s'agit maintenant de les poncer, d'ôter les aspérités, de les terminer avant de les assembler.

"Quand c'est découpé au laser, il peut y avoir des petites bavures, alors je vérifie juste tous les trous" explique Arnaud. Leurs gestes sont sûrs, précis, rapides. Et pour cause. Avant d'être en fauteuil, Arnaud et Pascal étaient tous deux mécaniciens-ajusteurs dans l'industrie. 

Rencontre au centre de réadaptation

C'est un accident de travail qui a entraîné la paraplégie d'Arnaud Niederst. Une plaque est tombée sur son dos en 1999. Il avait 30 ans lorsqu'il a perdu l'usage de ses jambes. Quelques années plus tard, il venait faire des séances de sport au centre de réadaptation fonctionnelle Clémenceau à Strasbourg quand il a fait la connaissance de Pascal.

Ce dernier était hospitalisé après un accident de moto. Sous sa casquette, on devine une longue queue de cheval. Les yeux rieurs, Pascal précise : "Il avait une belle plaque d'immatriculation qui m'a interpellée. Il y avait marqué 500 dessus. Je me suis dit : Oh là ! le chiffre rond, comment il a fait pour l'avoir ?" Et voilà comment ces deux-là sont devenus amis grâce à leur passion commune pour l'univers automobile il y a 18 ans.

En 2015, ils démarrent l'aventure d'E-rool, avec un troisième copain, Franck Koffel. Ils décident de s'organiser sous forme d'association. "Au départ, on a fait quelque chose pour nous, et des gens nous ont demandé pour eux." Pas de bénéfice, en tout cas pas financier : "On fait ça pour aider le prochain un peu. Mais c'est surtout par plaisir d'être utile encore. Quand vous êtes en fauteuil roulant, on vous regarde souvent pour pas grand chose. Arnaud et moi, on n'aime pas ça.

Depuis, ils ont fabriqué une vingtaine de machines. Toujours sur mesure, pour être au plus près des besoins de chaque personne. La demande est particulièrement forte au printemps. Pascal s'amuse : "Au printemps, les paraplégiques sortent de leur grotte. Comme les ours. En hiver, on ne les voit pas dehors et dès qu'il commence à faire beau, ils veulent leur machine et puis vite fait. Alors, nous en hiver, on prépare les pièces.

Avec un moteur neuf, un E-rool coûte environ 14 000 euros. Le prix du kit seul (l'assise sur mesure) avoisine les 5 000 euros (à monter sur un engin d'occasion par exemple). Pour chaque machine, Arnaud et Pascal font venir le client pour la prise en main. S'installer, démarrer, s'arrêter, il faut un peu de temps pour transmettre les bons gestes. Nos deux compères en profitent pour regarder le sourire des nouveaux acquéreurs, qui récupèrent là beaucoup de mobilité.

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