Après plus d'un demi-siècle de règne, le régime de Bachar-al-Assad est tombé dimanche 8 décembre. Les Syriens installés à l'étranger ont suivi de près les événements. Cet archéologue devenu restaurateur à Schiltigheim ose à peine y croire.
Dans ce restaurant syrien, accolé à Strasbourg, ils se prennent dans les bras. Retiennent leurs larmes. Les laissent couler. Reprennent leur souffle. Cheikhmous Ali et ses deux amis ne réalisent pas encore : "On est libres !" souffle le restaurateur, installé en Alsace depuis une vingtaine d’années. Toute la nuit, ils ont suivi les informations. Damas est tombée, le clan Assad est en fuite, en seulement dix jours.
"C’est terminé. Et ce qui est incroyable, c’est que ça s’est fait sans crime, sans détruire Damas. À Damas, c’est la fête partout." Durant 54 ans, la famille Assad a fait régner la terreur en Syrie, multipliant les actes de tortures, les arrestations.
Dans la salle du restaurant, qui reproduit une maison de Damas du XVIIè-XVIIIè siècle, les amis expriment leur émotion : "Notre demande était simple, c’est ce que tout le monde veut : la liberté pour faire ce qu’on veut, la liberté de penser." explique Ahmad Sultan. "Quand on a vu ça, on s’est demandé si c’était vrai ou si c’était un rêve. Et c’est vraiment un rêve qui est devenu réalité."
Cheikhmous Ali a 46 ans. Il est venu en France pour terminer ses études, il y a une vingtaine d'années. Il avait initialement pour projet de retourner dans son pays, mais la guerre l'en a empêché. Archéologue de formation, il anime depuis 13 ans l’association pour la protection de l’archéologie syrienne afin de sauvegarder le patrimoine broyé depuis la guerre civile de 2011.
"En cas de guerre, les premiers touchés ce sont les hommes. Les seconds, ce sont les monuments." Ainsi, dès le début des événements, il est entré en contact avec différents interlocuteurs pour assurer la protection du musée national de Damas. Cheikmous avait déjà contacté les militaires afin de leur demander de se rendre sur place pour surveiller. "C'est l'étape la plus difficile qui commence. Cette période de transition est très dangereuse, il faut qu'on travaille main dans la main".