Il y a six ans, Philéa Prince commençait une nouvelle vie. Pendant 50 ans, elle était un homme. Mais pour se sentir enfin soi-même, elle a voulu devenir une femme. Elle nous a accordé un peu de temps pour revenir sur son histoire et son engagement.
Sur les hauteurs de son village du Val de Villé, Philéa vit entourée par ses chevaux dont elle s'occupe avec beaucoup d'énergie. "Viens, mon gros" lance-t-elle à son cheval comtois avant de lui curer les sabots avec vigueur.
Ce qu'on ne remarque pas forcément quand Philéa est en bleu de travail, se voit une fois les soins auprès de ses animaux terminés. Chez elle et dans la société, c'est plutôt robe et joli collant. Car si autrefois Philéa s'appelait Philippe, elle a voulu être une femme pour enfin devenir soi. Une transition démarrée il y a six ans à l'âge de 50 ans.
Durant toute sa vie, Philéa a fait "comme si". Petit, personne ne devait deviner qu'il se "sentait fille". Elle a donc vécu une vie tout à fait conventionnelle : une vie d'écolier, un travail, un mariage, trois enfants, jusqu'au décès tragique de son fils aîné, il y a 12 ans. Ce traumatisme l'a amenée à repenser toute sa vie.
Tout ce qui était enfoui en moi depuis l'enfance est remonté à la surface
Philéa Prince
Elle a progressivement compris ce qui était vraiment important, et enfin, qui elle était. "Doucement, c'est arrivé. Tout ce qui était enfoui en moi depuis l'enfance est remonté à la surface. Avant de vivre quelque chose comme ça, on ne peut pas comprendre. Au début, j'ai voulu savoir ce que c'était de porter une jupe. Donc j'ai essayé, et ça m'allait bien. J'étais ravie. À ce moment-là, j'ai compris que la façon dont les autres te voient dépend de comment tu te vois toi-même. Si tu t'aimes toi-même, les autres t'aimeront aussi."
Après plusieurs entretiens avec des psychologues, Philéa a commencé un traitement hormonal. En 2023, elle s'est fait opérer. "C'était un long chemin. Mais chaque pas était une étape de franchie pour trouver enfin ce sentiment de paix."
Un choix accepté par ses amis et ses enfants, mais pour ses parents, ce fut tout autre chose. "Ils n'ont pas réussi à comprendre, et je ne savais plus comment avancer." Philéa a pu compter sur l'aide de l'association mulhousienne Hêtre qui aide une cinquantaine de personnes par an à transitionner. Et c'est auprès de la présidente de l'association, Odile Renoir, que Philéa a trouvé la force de poursuivre son chemin et de trouver les clés pour ne pas rompre le dialogue avec ses parents.
Pour les jeunes, c'est terrible
Philéa Prince
Aujourd'hui, Philéa est à la retraite, ce qui lui laisse le temps d'être active dans de nombreuses associations et de se battre pour l'égalité de tous. "Principalement pour les jeunes. Ils ont besoin qu'on les aide dans ce monde. Moi, je peux gérer la bêtise humaine. Mais pour les jeunes, c'est terrible."
Ouvrir les esprits et faire comprendre à la société qu'il ne s'agit pas d'être enfermé dans une quelconque identité, qu'elle soit sexuelle, religieuse ou culturelle. Tel est et restera son combat.