De plus en plus nombreuses dans les festivals et autres événements, les toilettes sèches semblent gagner du terrain d'année en année. Mais pour le moment, les installations définitives dans l'espace public se font très rares, signe que tout le monde n'est pas encore prêt à se séparer de sa chasse d'eau.
Vous ne le saviez peut-être pas, mais ce mardi 19 novembre est marqué par le "Toilet Day", en français la Journée mondiale des toilettes, comme l'indique le site des Nations Unies. Et si une immense majorité d'entre nous pense alors immédiatement aux WC classiques, qui fonctionnent avec une chasse d'eau, les toilettes sèches parviennent année après année à se faire une place de plus en plus grande dans le secteur.
En Alsace, l'entreprise Ecoterre, basée à Schiltigheim (Haut-Rhin), fabrique et loue ce type d'équipements depuis 2007. "Au tout début, c'était des militants qui faisaient ça, mais aujourd'hui, on sent que ça s'implante de plus en plus", indique Aurélien Klingelschmidt, le responsable d'activité de la société.
Pour allier démarche écoresponsable et locale, Ecoterre a fait le choix, dès ses débuts, de produire les cabines dans l'atelier alsacien de l'entreprise, tout en bois. Résultat, pour le gérant, "on est passés de la phase où les gens se demandent 'c’est quoi cet objet étrange ?', à l’interrogation à la curiosité autour des toilettes sèches".
Dans l'espace public, les toilettes sèches restent à la location
Parmi les lieux où l'on retrouve de plus en plus des toilettes sèches à disposition du public, on peut citer les festivals estivaux, les événements sportifs ou encore les fêtes de collectivités. Dans tous ces lieux, ce sont des entreprises qui louent des cabines de toilettes sèches. Christophe Toulgoat, responsable commercial et logistique pour Caux Loc Services, assure d'ailleurs que les locations de ces équipements sont en hausse de 15% chaque année en France, une hausse "principalement due à une motivation vraiment écologique des clients".
Pourtant, la quasi-intégralité des toilettes publiques en dur, dans nos villes notamment, reste à ce jour des WC classiques reliés à un réseau d'eau potable. En Alsace, nous avons seulement retrouvé la trace d'une expérimentation d'installation définitive de toilettes sèches sur l'A35 en 2011, sur l'aire de Fronholz, à côté de Colmar. Ni la DIR Est, qui a lancé le projet à l'époque, ni la CEA (Communauté européenne d'Alsace) qui a depuis repris le réseau routier alsacien, n'a su nous dire ce qu'il était advenu de la cabine installée il y a 13 ans, ou si d'autres projets avaient depuis vu le jour.
Un constat qui n'étonne pas Christophe Toulgoat, qui pointe la méconnaissance toujours actuelle de l'équipement : "Je pense que les gens ne sont pas encore totalement habitués pour en avoir en dur, ça reste quelque chose d'encore assez méconnu. Pour preuve, par exemple, des fois on nous demande des toilettes sèches avec un lave-mains à l’intérieur".
Tous les acteurs du secteur n'y trouvent pas leur compte
Autre cause de ce lent développement, certains publics semblent assez réfractaires à l'idée de changer leurs toilettes classiques ou chimiques contre un équipement sec. "Sur le BTP, les gens sont encore très réticents, on n’a pas eu de demandes", explique Véronique Tisserand, qui travaille pour l'entreprise SESAB, propriété du groupe SEBACH.
Cette société s'était elle aussi lancée dans les toilettes sèches "il y a 5-6 ans", avant de se retirer du marché en Alsace, les produits "ne répondant pas à la demande" et ne donnant "pas satisfaction au niveau des clients". D'autres inconvénients pouvaient s'ajouter : "Sur tout ce qui était événementiel, ça pouvait être très vite la catastrophe, il fallait plus de monde pour gérer des toilettes sèches en réalité", détaille l'employée. Un coût supplémentaire nécessaire, qui rendait donc les toilettes sèches peu compétitives dans le catalogue de l'entreprise.
Des excréments revalorisés dans l'agriculture pour "refermer la boucle"
Chez Ecoterre, à Schiltigheim, on préfère voir les progrès, et les nouveaux types d'attente des clients : "Il y a de la demande, par exemple on a un cinéma qui a adopté des toilettes sèches. Et puis ce n'est pas qu'un business, notre but c’est aussi d’améliorer les choses", avance Aurélien Klingelschmidt, qui se sent "comme le magasin bio contre l'hypermarché" face à l'arrivée de gros groupes sur le marché.
Mais désormais, la petite entreprise alsacienne souhaite avancer sur la revalorisation agricole des excréments issus des toilettes sèches. Les matières fécales récupérées sont déjà en partie utilisées comme engrais. Et pour aller plus loin, le gérant explique faire "des recherches pour pouvoir valoriser les urines. On souhaiterait que ça bouge mais on est restreints par le déficit de connaissance des acteurs". Avec un objectif, à terme : "pouvoir refermer la boucle"