Saviez-vous que le bras droit de Jean Moulin était une Alsacienne ? Portrait de Mado, une résistante discrète et impertinente

En cette journée de commémoration de l'Appel du 18 juin, l'histoire de Laure Diebold-Mutschler résonne. Honorée durant son vivant, vite oubliée à sa mort, l'Alsacienne a joué un rôle déterminant dans la résistance française.

"Alsacienne d'un courage et d'un dévouement admirable. Sous la torture elle a gardé un complet silence." Par ces mots, le général de Gaulle a érigé au rang de Compagnon de la Libération, Laure Diebold-Mutschler, en 1944. Une décoration extrêmement rare pour les femmes.

Malgré sa petite taille, cette jeune femme frêle et discrète a su se frayer un chemin entre les grands hommes de la résistance, pour atteindre les sommets en tant que bras droit de Jean Moulin. "C'était une sorte de directrice administrative de la résistance", explique sa biographe, Anne-Marie Wimmer.

Née en 1915 à Erstein, encore sous l'occupation du Reich, la jeune femme porte en elle la haine allemande. "C'était l'ennemi héréditaire et cela a forgé son caractère de résistante, elle était faite mentalement pour endosser ce rôle", assure la biographe. Un père ébéniste d'art, une mère aubergiste, Laure se fiance dans les années 30 avec un résistant également.

Lieutenant Mado, une agente secrète au sommet du pouvoir

Au moment du déclenchement de la guerre, la jeune femme cache des prisonniers politiques chez ses parents à Sainte-Marie-aux-Mines, "faisant preuve d'un courage immense puisque ses voisins étaient des collabos". Sous ses airs de "gentille et coquette" sténographe la journée, la résistante se révèle et s'active la nuit pour la bonne cause.

Repérée, elle est forcée de quitter l'Alsace et rejoint Lyon fin 1941. "Une chose va la rendre très précieuse : elle est bilingue franco-allemande, sans l'accent alsacien, ce qui est très pratique quand on est agent secret", explique celle qui documente sa vie depuis seize ans. Elle intègre alors le cercle très proche de Jean Moulin et prend le nom de résistante "Mado".

Grâce à son diplôme de sténographe, cette nouvelle lieutenante code les lettres et les rapports échangés avec Londres et le général de Gaulle. Elle s'occupe également des finances de l'organisation de la résistance. "Elle était appréciée de la famille de Gaulle. Dans la hiérarchie de la résistance, elle était le bras droit de Jean Moulin, au courant de tous les secrets", affirme la biographe. 

Torturée, elle échappe au four crématoire

Des secrets qui auraient pu lui coûter la vie. En 1943, elle est dénoncée et arrêtée par la Gestapo avec son mari. Durant quatre mois, elle sera torturée, "mais elle en parle avec humour", sourit la passionnée. "J'avais la chance de m'évanouir rapidement à cause de la douleur", confessait-elle avec malice. Ses tortionnaires parlaient allemand devant elle, sans savoir qu'elle les comprenait, donc elle pouvait aussi anticiper leurs questions et ses réponses.

Durant deux ans, elle est envoyée en prison, en camps de sûreté puis finalement au camp de concentration du Kommando de Taucha à Buchenwald. Affaiblie par le typhus qu'on lui a injecté, elle échappe par deux fois au four crématoire, et subit divers sévices qui la rendront stérile.

C'est la résistante la plus décorée de France !

Anne-Marie Wimmer

Biographe

Alors que le camp est libéré par les Américains, Laure rentre en France, mourante, et retrouve son époux. Bien qu'elle ait repris le travail dans la vie civile, cette femme "imperturbable, transcendée par la cause et qui ne cherchait pas les honneurs", est décédée à l'âge de 50 ans des suites des souffrances endurées. "À sa mort, tout le monde en parlait, cela faisait la Une des journaux : c'est quand même la résistante la plus décorée de France !".

Faite Compagnon de la Libération aux côtés de cinq autres femmes (parmi les 1 038 titrés), Laure Diebold-Mutschler est la plus jeune résistante décorée. "Mais après l'avoir enterrée, elle est tombée dans l'oubli", regrette la biographe qui va publier son quatrième ouvrage sur cette figure de la résistance.

Dans le village qui l'a vue grandir, elle a décidé d'être inhumée. Devant le petit cimetière de Sainte-Marie-aux-Mines, une plaque a été posée en son honneur : "Laure Diebold-Mutschler, secrétaire particulière de Jean Moulin".

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