Agression au couteau devant une école : les procédures anti-intrusion, "une épreuve à vivre" pour les élèves comme les professeurs

Peu après l'agression au couteau de Souffelweyersheim, jeudi 18 avril, les trois établissements à proximité ont activé leur alerte anti-intrusion, en confinant élèves et enseignants dans leurs classes. Ce dispositif existe depuis 2015. Comment les enseignants le vivent-ils ?

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L’attaque au couteau qui a visé deux fillettes, jeudi 18 avril à Souffelweyersheim (Bas-Rhin), a choqué élèves, parents et enseignants. L’une des victimes a reçu un coup de couteau devant son école primaire et des élèves ont vu l’agresseur avec l'arme blanche à la main. 

Au sein de l’école primaire Dannenberger, le plan anti-intrusion a été mis en place très rapidement, ainsi qu’à l’école maternelle des Tilleuls et du collège des Sept Arpents, situés tout à côté des lieux. Les élèves ont été confinés avec leurs enseignants dans leurs classes pour les mettre à l’abri, au cas où l’agresseur aurait réussi à s’introduire dans l’un des établissements.

Ce protocole existe depuis les attentats de 2015. Il vise à mettre les élèves et les personnels en sécurité face aux nouveaux risques liés aux attentats.

Un plan attentat-intrusion compliqué

Aux côtés du plan particulier de mise en sûreté (PPMS) classique, prévu en cas d’incendie ou de risque chimique ou nucléaire dans certains établissements plus exposés à ces risques, un deuxième protocole a été écrit, le PPMS attentat-intrusion. "Les deux plans ont coexisté pendant longtemps", explique Christophe Ansel, militant syndical FSU et spécialiste santé sécurité et conditions de travail. "Et très récemment, on a demandé aux chefs d'établissement d'unifier les deux documents en un seul PPMS. C'est juste une simplification."

L'objectif de ces plans, c'est de prévenir les risques, de préparer les élèves et les personnels aux gestes à avoir en cas d'intrusion. "Il faut définir un point de rassemblement, plutôt à l'arrière de l'établissement qu'à l'avant", explique Christophe Ansel. "Dans le PPMS, sont décrits les différents messages à diffuser en cas d'alerte. Et c'est ça qui est difficile à enclencher : ne pas se tromper de message, expliquer en amont aux élèves et aux enseignants les différentes sonneries et messages auxquels prêter attention. Dans certains cas, il faut courir dehors, dans d'autres au contraire se confiner dans la classe et rester silencieux."

Christophe Ansel est professeur de sport au collège de Guebwiller, et "selon que je suis à la piscine, au gymnase ou dans un couloir avec mes élèves, il y a plusieurs procédures pour chaque lieu, c'est une vraie complexité à mettre en œuvre. Et c'est un énorme travail à accomplir pour les chefs d'établissement."

Mais l'enseignant constate de réelles lacunes dans l'information qui est faite aux enseignants. "Souvent, la pédagogie prend le dessus, et on met la sécurité de côté. Je pense que 90% des enseignants ignorent ce qu'il y a dans le PPMS de leur établissement, et la procédure à respecter en cas d'attentat ou d'intrusion."

L'exercice intrusion, c'est compliqué à organiser. Il y a vraiment un gros travail à faire pour être au niveau

Christophe Ansel, militant FSU et spécialiste sécurité

"Là actuellement, on dit aux chefs d'établissement que la priorité, c'est le pacte (la nouvelle façon de rémunérer les profs lors des remplacements courts) et le choc des savoirs (comment organiser les groupes pour les élèves en difficulté). Les deux tests d'évacuation incendie obligatoires chaque année sont plutôt bien réalisés, mais l'exercice intrusion, c'est compliqué à organiser une fois par an. Il y a vraiment un gros travail à effectuer pour être au niveau", déplore le militant FSU.

Les exercices sont déjà une épreuve à vivre

Pour David Grisinelli, responsable syndical SE-UNSA, le PPMS attentat-intrusion est aussi très difficile à mettre en œuvre parce qu'il perturbe tout le monde. "J'ai fait des exercices anti-intrusion au lycée, et c'est l'exercice qu'on craint le plus parce qu'il perturbe les élèves, mais aussi les équipes. C'est quelque chose de se retrouver à 25 ou 30 élèves dans la pénombre, dans une classe fermée, cachés sous les tables et sans faire de bruit pendant 10-15 minutes ! Il faut mettre les téléphones en silencieux et enlever le vibreur, s'éloigner des parois. Certains élèves ne jouent pas le jeu, et c'est le rôle du prof de les responsabiliser."

Il y voit tout de même des aspects positifs : "ces exercices servent à construire une réflexion sur le risque. Le Covid et les actes de violence dans les écoles depuis l'assassinat de Samuel Paty ont fait prendre conscience des risques encourus, donc ça aide les élèves à prendre ça au sérieux. Mais ça reste compliqué pour les angoisses que ça génère chez certains. Même quand c'est un exercice, c'est une épreuve à vivre. Alors, il faut essayer d'expliquer le plus possible."

Même quand c'est un exercice, c'est une épreuve à vivre. Alors il faut essayer d'expliquer le plus possible

David Grisinelli, responsable syndical SE-UNSA

"Il faut instaurer un dialogue avec les élèves. Il faudrait le banaliser le plus possible, expliquer en détail que ce qu'on fait sort du quotidien, mais que ces gestes sont à ce moment-là nécessaires, pour les préparer à vivre ça et pour générer une culture du risque et que la procédure devienne naturelle au final. C'est beaucoup de travail pour y arriver."

David Grisinelli a une pensée pour tous les personnels confrontés à ces questions depuis l'attaque au couteau devant une école de Souffelweyersheim. "On a donné la possibilité aux personnels de ne pas venir travailler au lendemain de l'attaque. C'est très dur, certains enseignants vont être longtemps bouleversés, comme moi, je l'ai été quand j'ai appris le suicide d'un de mes élèves. Ça a complètement changé la pratique de mon métier, vingt ans après, je suis encore très ému quand j'en parle."

Il pense aux élèves de ces écoles, et à tous les jeunes. "Ils vivent dans un climat anxiogène. Pour l'école d'aujourd'hui, l'essentiel est ailleurs que dans les portes de sécurité : c'est dans les échanges et le dialogue, et des conditions plus agréables pour les élèves et les enseignants. À 30 élèves dans une classe, c'est impossible. Je voudrais tellement que chaque élève se sente bien dans son école, et apprenne à vivre avec les risques d'aujourd'hui."

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