L’avocat Thierry Moser a rencontré ce mardi 3 décembre la famille de Françoise Hohmann, disparue à Strasbourg en 1987. Il a demandé la réouverture de l’information du chef de séquestration et déposé plainte pour recel de cadavre à l’encontre de Jean-Marc Reiser, l'assassin présumé de Sophie Le Tan.
L’enquête sur la disparition, toujours non élucidée, de Françoise Hohmann à Strasbourg en 1987, va peut-être connaître un rebondissement inattendu et être réactivée. C'est en tout cas la volonté de Thierry Moser. L’avocat a rencontré ce mardi 3 décembre la famille de la jeune femme. Il a demandé le 25 novembre à Yolande Renzi, procureure de la République de Strasbourg, la réouverture de l’information du chef de séquestration et déposé plainte pour recel de cadavre, à l’encontre de Jean-Marc Reiser.
Pierre Giurato, l'un des deux avocats de Jean-Marc Reiser, prend acte de cette information. "Je laisse la justice faire son travail, je n'ai pas encore eu le temps d'en informer mon client", précise-t-il. Et maître Francis Metzger, avocat de Jean-Marc Reiser également d'ajouter : "je ne m'attendais pas du tout à cela, j'en suis surpris. Maintenant quelle va être la suite que donnera la justice à cette requête, c'est à voir. Mon confrère Thierry Moser, et c'est son droit le plus strict, souhaite qu'un juge d'instruction se penche sur le dossier Hohmann. Et bien la prochaine étape, c'est le positionnement du parquet de Strasbourg sur ces demandes de procédure."
Acquitté au bénéfice du doute
Cet homme, principal suspect dans l’affaire Sophie Le Tan, avait été mis en examen pour homicide volontaire dans l’affaire Hohmann, avant d’être acquitté en 2001 aux assises du Bas-Rhin. "La famille Hohmann a été profondément meurtrie par l’étonnante décision d’acquittement et sollicite à bon droit de nouvelles investigations du chef de séquestration arbitraire suivie de mort et du chef de recel de cadavre", annonce l’avocat mulhousien dans un communiqué.Le 8 septembre 1987, Françoise Hohmann, vendeuse d’aspirateurs à domicile âgée de 23 ans, ne donne plus signe de vie, après s’être rendue dans un immeuble du quartier de Hautepierre à Strasbourg, dans lequel réside Jean-Marc Reiser. Ce dernier confirme lors d’une première audition à la police que la jeune femme est passée à son domicile le jour de la disparition. En 1998, il est placé en garde à vue, puis mis en examen pour homicide volontaire. Le 10 mai 2001, il est acquitté par la cour d’assises du Bas-Rhin au bénéfice du doute. À l’époque, la loi ne permettait pas au ministère public de faire appel, ce qui deviendra possible l’année suivante. L’affaire s’achève. Mais elle pourrait être relancée grâce à l’abnégation de Thierry Moser, convaincu, comme la famille Hohmann, de la culpabilité de Jean-Marc Reiser.
Thierry Moser a-t-il trouvé la solution ?
L’avocat mulhousien a peut-être ainsi trouvé les arguments juridiques, en étudiant méticuleusement le dossier, de convaincre le procureur. Il estime que "des investigations nouvelles permettront peut-être d’aboutir à la vérité". Et si le principal suspect ne peut plus être rejugé pour meurtre dans l’affaire Hohmann, l’acquittement au bénéfice du doute, "interdit à Jean-Marc Reiser de se proclamer innocent".Il peut surtout, selon Thiery Moser, être présenté devant la justice pour les deux autres chefs d’accusation évoqués. Le recel de cadavre n’est pas une infraction prescrite, indique l’avocat, tout comme le chef de séquestration arbitraire, pour lequel Jean-Marc Reiser avait bénéficié d’un non-lieu en 1992
La procureure de la République a les cartes en main
Car cette décision "n’a pas l’autorité de la chose jugée" explique l’avocat, qui précise qu’il est donc possible d’obtenir de la part de la procureure de la République de Strasbourg, la réouverture de l’information du chef de séquestration. À condition que la famille soit en capacité "d’invoquer la survenance d’éléments nouveaux depuis le non-lieu". Une condition remplie selon Me Moser, en raison des similitudes troublantes qui existeraient entre les affaires Hohmann et Sophie Le Tan, dans laquelle Jean-Marc Reiser est mis en examen pour enlèvement, séquestration et assassinat, ainsi qu’avec un viol en 1997 pour lequel ce dernier a été condamné par la cour d’assises de Dijon à 15 ans de réclusion criminelle. Et aussi parce que la science a fait des progrès ces dernières décennies. Cette donnée peut "constituer un élément nouveau justifiant la réouverture de l’information clôturée par un non-lieu".Affaire Hohmann : la lettre de Thierry Moser adressée au procureur de la République by France3Alsace on Scribd
La famille Hohmann demande la vérité
Tout est désormais entre les mains de la procureure, qui pourra ou non accepter la demande de l'avocat. Elle a trois mois pour rendre sa décision. "Madame Renzi confirme que la demande de réouverture de l'instruction et la plainte sont entre ses mains. Elles font l'objet d'un examen extrêmement minutieux sur le plan procédural", indique le parquet.Pour la famille Hohmann, qui vit depuis plus de trente ans dans la douleur de la perte de Françoise et dans la terrible incertitude de ce qui lui est arrivé, l’enjeu est crucial. La nièce de Françoise, Fanny Mehauden, reconnaît que la famille "s’est sentie abandonnée par la justice" et qu'elle a "ce besoin de reconnaissance."
Isabelle Hohmann, soeur de Françoise, estime que "tout crime doit être puni", et qu'il "n’est pas possible d’en rester là". Ce qui pourrait nous soulager ? C’est que la vérité soit dite, c’est que Jean-Marc Reiser passe aux aveux, mais ça, ça risque d’être un petit peu compliqué quand on connaît le personnage".
"On a encore et toujours besoin de savoir ce qu’il s’est passé, on compte sur la justice. Cette démarche pourrait apaiser un peu nos souffrances, qui commencent à être longues. Tous les quinze ans il y a un rebondissement. Mes parents sont vieillissants aussi". La réouverture de l'enquête pourrait permettre à cette famille fortement éprouvée de connaître la vérité. Et que les parents de la disparue "puissent enfin faire un minimum de deuil".
Par ailleurs, Jean-Marc Reiser sera entendu ce vendredi 6 décembre par Eliette Roux, la procureure de la République dans le cadre de l'affaire Sophie Le Tan. Une audition qui intervient un peu plus d'un mois après la découverte du corps de la jeune femme.