Depuis les élections entachées de fraude de 2020 et les manifestations massives qui ont eu lieu dans tout le Bélarus, beaucoup de citoyens ont dû émigrer en Pologne ou en Lithuanie mais certains continuent de dénoncer les violations des droits de l'Homme en chantant.
Sweat à capuches, cagoules blanches et masque rouge à paillettes autour des yeux. L'entrée du Volny Chor sur scène impressionne. Le public ne voit pas leurs visages, mais il devine leur courage à sillonner l'Europe pour dénoncer un des systèmes répressifs les plus violents au monde.
Ils entonnent alors un chant a capela. Derrière la scène, un écran projette des portraits de prisonniers politiques et des vidéos tournées dans des prisons bélarussiennes.
Le rouge et le blanc sont les seules couleurs qu'ils portent, ce sont celles de leur drapeau, le drapeau de la résistance bélarusse. Très différent du drapeau officiel, vert et rouge, symbole désormais de l'oppression.
"La plupart d'entre nous vivent en Pologne, mais nous avons au Bélarus nos amis et nos familles, et ils pourraient avoir des problèmes", explique l'une des choristes au téléphone, après la représentation.
Un répression de plus en plus violente
Les motifs d'emprisonnement sont nombreux : arrestations pour participation à une manifestation, article écrit contre le pouvoir, participation à une organisation contre le pouvoir ou en lien avec l'ONG Viasna. Mais depuis quelques mois, le système de répression mis en place par le président Loukachenko ne semble plus avoir de limite.
Le Bélarus est au 157 rang sur 180 du classement de Reporters sans Frontières sur les conditions de travail des journalistes. Et un simple commentaire posté sur internet peut valoir à son auteur un long séjour en prison. Amnesty International dresse également un portrait très sombre des droits de l'Homme dans ce pays.
Au Bélarus, la prison ce n'est pas juste des barreaux. Ce sont des conditions de détentions inhumaines, de la torture, des mauvais traitements tous les jours.
Une choriste du Volny Chor
"Quand on parle de la prison, en Europe vous pensez à une réalité très différente de la nôtre", explique la choriste anonyme.
"Au Bélarus, la prison ce n'est pas juste des barreaux. Ce sont des conditions de détentions inhumaines, de la torture, des mauvais traitements tous les jours. Parfois un séjour à l'isolement sans pouvoir s'allonger ou manger à sa faim pendant des semaines ou des mois."
La choriste et tous ses collègues ont été très touchés par l'accueil des Strasbourgeois : "c'était très émouvant, très fort, le public était très présent. Et la ville de Strasbourg a mis à notre disposition des techniciens professionnels pour les lumières et les projections de nos vidéos. Grâce à leur talent, ils ont permis que la performance soit vraiment exceptionnelle, c'est incroyable ce qu'ils ont fait, nous les avons vus pour la première fois juste avant le spectacle !"
Libérer l'Ukraine puis le Bélarus
Un autre drapeau surgit sur scène, celui du bataillon Kastous-Kalinowski : des citoyens bélarussiens qui se sont engagés en Ukraine contre la Russie depuis février 2022. Leur devise "D'abord l'Ukraine, puis le Bélarus" : libérer l'Ukraine de l'envahisseur russe, puis faire de même au Bélarus.
Surprise supplémentaire pour les choristes, la leader de l'opposition en exil est venue faire un court discours avant leur concert.
Nous ne sommes pas que Bélarussiens, nous sommes aussi des Européens. Notre culture fait partie de la culture européenne.
Svetlana Tikhanovskaïa, leader de l'opposition bélarusse en exil
Svetlana Tikhanovskaïa a tenu à remercier l'Europe pour les efforts fournis pour aider les opposants bélarussiens. Dans la journée, elle avait pu s'exprimer devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Volny Chor avait pu entonner l'un de ses chants. "C'est la première fois qu'un chant bélarussien résonne au Conseil de l'Europe, et quelques députés ont essuyé une larme. Nous ne sommes pas que Bélarussiens, nous sommes aussi des Européens. Notre culture fait partie de la culture européenne. "
Elle a tenu à s'adresser aux choristes : "J'aimerais que vous puissiez aller chanter partout en Europe. Plus les gens écoutent vos chants, et plus nous avons de nouveaux amis du peuple bélarussien", a-t-elle encore dit, à l'adresse des chanteurs en résistance.
Après son court discours, elle est repartie encadrée par cinq personnes chargées de sa sécurité. Les chants poignants du Volny Chor ont alors résonné dans la salle des Fêtes de Strasbourg. Pour une heure de plongée dans le système carcéral et répressif du Bélarus.
Sur le continent européen, c'est un pays qui s'enfonce dans une répression toujours plus violente. 1.700 prisonniers politiques seraient enfermés dans les geôles de Loukachenko, le véritable chiffre est difficile à obtenir.
"Certains choristes sont en prison, et nous connaissons personnellement certains détenus. C'est vraiment difficile. Mais un jour nous enlèverons notre masque. Quand mon pays sera libre, après la victoire, nous n'en aurons plus besoin."